La faneuse damour | Page 6

Georges Eekhoud
emp��cher toute ��cole buissonni��re, Rikka la conduisait et venait la prendre.
Des mois pass��rent.
L'enfant dolente n'entretenait qu'une pr��occupation: "A quoi pense mon Flupi? Ne m'a-t-il pas oubli��e? Souffre-t-il autant que moi?"

VI
Le souper fumait sur la nappe proprette. Nikkel venait de rentrer, l'air soucieux, l'oeil se d��robant aux muettes interrogations de sa femme. Contre son habitude, il n'embrassa pas m��me sa fillette, profond��ment endormie et s'attabla sans un mot.
Comme Rikka le questionnait directement:
--Oui, fit-il en repoussant son assiett��e, je me sens tout dr?le et les morceaux ne passent pas. Je bus un coup puis un autre, pour remettre le coeur �� sa place. Geni��vre perdu. C'est qu'on transporta cette apr��s-midi un des n?tres �� l'h?pital o�� les carabins sont sans doute en train d'��triper et de charcuter sa carcasse. Voil�� le quatri��me accident depuis mon embauchage. Pas gaies ces culbutes. Elles finiraient par vous d��go?ter du m��tier.... La batisse du boulevard L��opold ��tait sous toit. Suivant la coutume, on la pavoise du haut en bas, on plante un mai �� chaque ��tage. Arrivent l'entrepreneur et le propri��taire qui, inspection faite, finissent par se d��clarer satisfaits et nous remettent de quoi baptiser largement la cambuse. Le "vitriol" de couler par litres. On soiffe ferme, les manoeuvres aussi bien que les compagnons et, ceux-ci excitant ceux-l��, par bravade les gamins en sifflent bient?t plus qu'ils ne peuvent cuver.
Il fallait encore une fois cette arsouille de Bastyns, ce grand lendore �� la figure de pain d'��pice, pour s'amuser �� so?ler les petits hommes si bien qu'�� la reprise du travail plusieurs de ces galopins flageolaient sur leurs quilles.
Le premier gamin qui nous apporte des briques, a failli d��gringoler de l'��chelle. Bastyns se tient les c?tes de rire. Le goujat lui, se met �� braire et d��clare qu'il ne regrimpera plus. Les autres manoeuvres se d��fient ��galement du jeu. Les plus raisonnables des n?tres ��coutent ma proposition de suspendre le travail. On ne fera pourtant plus rien qui vaille. Le Bastyns et deux ou trois massacres de sa trempe s'acharnent �� la besogne, pour la premi��re fois de leur vie; ils entendent ne pas perdre une heure de salaire et r��clament, en sacrant de plus en plus fort, le mortier et les briques. Tous les petits, nonobstant, refusent le service. Il y a jusqu'�� cet innocent de Duffel, le gars �� tout faire, tu sais le grand camarade de notre petite, qui rechigne �� la dangereuse corv��e. Cette gr��ve ne fait pas le compte des mauvais farceurs, Bastyns �� leur t��te. ?Mouton, vocif��re ce braillard, hol�� vilain boudeur, vas-tu bient?t te d��cider �� faire ton service ou me faut-il descendre pour te montrer le chemin �� coups de sabots?? Les autres aides pour gagner du temps et d��tourner d'eux-m��mes l'attention des tourmenteurs, harc��lent et aiguillonnent, de leur c?t��, le pauvre diable. ?Rien qu'une mont��e! Plus qu'une charge de briques! La derni��re!? Le voil�� qui se d��voue, qui se laisse faire et qui, riant d��j��--ah l'ing��nu!--entre ses larmes d'effroi, ��paule le panier abandonn�� par son camarade prudent. ?Non, non! intervenons-nous, assez de b��tises, n'y vas pas Flupi!? Il ��tait d��j�� parti. Il se guinde tant bien que mal jusqu'au deuxi��me ��tage. Il va monter aux combles o�� nous achevons les souches de la chemin��e. Nous ne le voyons pas, mais nous l'entendons souffler. ?Haaruh fain��ant!? hurle ce vilain Bastyns.
Ah mis��re! Comment le pauvre gar?on s'y est-il pris? On ne nous le dira jamais. Tout ce que je sais, c'est qu'au moment o�� il approchait du toit, j'entends un fracas, comme un craquement, patatras; puis un autre plus sourd... pardouf! Tous nous jetons l�� nos outils et nous nous portons au bord de l'��chafaudage, interrogeant le sol, l��, sous nous. Ah! quelle bord��e de jurons s'��chappe de nos gorges! Ah oui il est temps de jurer et de s'arracher les cheveux �� pr��sent! Tachez de le rattraper, le Mouton! Il ne tra?ne plus, h�� Bastyns? Fini! Capot! Il y a longtemps qu'il est en bas. Des passants l'on vu cogner d'abord l'arr��te du toit de l'��curie voisine. ?'a ��t�� le premier coup. Il a ��t�� touch�� dans le dos, sous la nuque, et il a d? se briser la colonne comme je casserais cette latte sur mon genou. Puis il d��vala la pente et s'abattit sur le pav�� �� c?t�� de l'aire �� chaux. Quand je fus en bas--je me jetais de l'��chelle plut?t que je n'en descendais--Flupi remuait encore les bras et les jambes. Ainsi, les moineaux lapid��s battent une derni��re fois des ailes. Ses yeux roulaient d��plorablement; peu �� peu ils se sont ��teints. Il a ouvert et ferm�� la bouche comme un poisson retir�� de l'eau. Puis cette bouche est rest��e b��ante, tout �� fait la gueule du crapaud des dix-mille au jeu de tonneau.... Un m��decin s'est approch��--ils ne sont jamais loin des morgues,
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