au tout. M. Paul n'est pas triste, il n'est pas malade, c'est tout autre chose...
--Mais encore, explique-toi donc!
--Environ un mois apr��s la mort de madame, comme j'entrais un matin dans la chambre de monsieur, je fus tout surpris de voir qu'il ne s'��tait pas couch��. Le plus ��tonnant de tout, c'est ceci, oui, il souriait pour la premi��re fois depuis de longs jours. Il mangea beaucoup, avec un app��tit que je ne lui connaissais plus, il but m��me �� mon avis plus que de raison. Puis, �� la fin du repas, il tomba dans un sommeil si profond, si rapide surtout, que je le laissai ��tendu sur le canap�� et me retirai discr��tement. Plusieurs fois dans la journ��e, je montai pour m'assurer qu'il n'avait besoin de rien; il dormit ainsi jusqu'au soir. Enfin il s'��veilla et je lui conseillai de se mettre au lit. J'admettais fort bien que le d��sespoir l'e?t bris�� au point de lui imposer un repos de vingt-quatre heures. Mais il me r��pondit assez vivement que j'eusse �� lui ��pargner mes conseils. Tout ce qu'il me demandait, c'��tait de ne monter dans son appartement sous aucun pr��texte, �� moins d'appel. Je me le tins pour dit, et, depuis ce jour-l��, jamais je ne suis entr�� chez mon ma?tre de six heures du soir �� dix heures du matin.
--Que fait-il pendant ce temps?
--Ah! le sais-je? Toujours est-il que sa vie est ainsi r��gl��e: �� dix heures du matin, il sonne, je viens dans sa chambre; il est debout, toujours souriant avec une expression de bonheur qui a quelque chose de surnaturel... oui, presque d'effrayant. Son cabinet est toujours ferm�� �� clef, et jamais depuis cinq mois je n'y ai p��n��tr��. Apr��s le repas, il s'��tend sur le canap�� et s'endort. Vers cinq heures, il sonne de nouveau, me donne quelques ordres. Je me retire... et c'est tout!
Ceci commen?ait en effet �� me para?tre singulier et pr��sentait les sympt?mes d'un d��rangement d'esprit.
--Tu me dis que Paul para?t heureux, joyeux... Jamais il ne re?oit personne...
--Oh! je puis vous en r��pondre. Le matin, je guette les fournisseurs, je les attends devant la porte, pour qu'ils ne sonnent pas. J'avais enlev�� le battant, j'?terai la cloche elle-m��me...
--En somme, repris-je avec assurance, il me semble qu'il y a am��lioration dans son ��tat: il boit, il dort. Je ne vois plus que cette manie de claustration et aussi ce renversement des habitudes normales qui le fait dormir le jour et veiller la nuit.
Quel est son ��tat physique? Est-il faible ou fort, vigoureux ou an��mi��?
--Il y a quelque chose qui m'��pouvante, c'est sa paleur, et puis... faut-il que je vous avoue tout--ici Jean baissa la voix--je crois, oui, je crois bien qu'il...
Et, sans prononcer le mot, il leva le pouce au-dessus de ses l��vres.
--Ce serait plus affreux que tout le reste, m'��criai-je. Mais tu sais bien, je suppose, s'il te demande de l'eau-de-vie, de l'absinthe...
--Non, ce n'est pas cela. Il ne me fait apporter qu'une liqueur, que je ne connais pas, d'un go?t et d'une odeur si forts... Tenez, j'en ai l�� un flacon que je lui monterai demain matin...
Le flacon ��tait bouch�� �� l'��meri, mais l'odeur caract��ristique me frappa aussit?t: c'��tait de l'��ther. Je frissonnai: dans l'Extr��me-Orient, j'ai rencontr�� des buveurs d'��ther, et jamais l'ivresse ne m'est apparue plus meurtri��re. C'est plus que de l'empoisonnement, c'est la combustion lente, irr��sistible, corrodant tous les organes...
--Mais, si tu dis vrai, tu as d? remarquer en lui des tremblements nerveux. Son haleine doit ��tre impr��gn��e de cette odeur.
--Non, je n'ai rien remarqu�� de cela. Du reste, sa chambre ne sent pas cette odeur-l��, je crois bien la reconna?tre �� travers la porte de son cabinet.
Ceci me d��routait un peu.
--Bon! fis-je encore. On se gu��rit de toute passion mauvaise. Je comprends tes inqui��tudes, mon ami, mais j'esp��re pouvoir les dissiper avant peu. Je verrai ton ma?tre, tu vas lui annoncer mon arriv��e avec telles pr��cautions que tu jugeras n��cessaires. Sois tranquille, je saurai bien faire excuser ta d��sob��issance, je reprendrai sur lui l'influence que m'assurent mon amiti�� et mon sang-froid. Ne perdons pas une minute. Monte, mon cher Jean, je t'attends ici.
Mais, loin de m'ob��ir, Jean secouait la t��te.
--Pourquoi h��siter? Tu ne doutes pas de l'affection de Paul pour moi. Il ne re?oit personne, soit, mais moi!
Jean s'��tait lev��, d��ambulant par la chambre, en proie �� un visible embarras. Comme je le regardais curieusement, me demandant quelle lubie nouvelle le troublait, soudain il s'arr��ta devant moi, et, me fixant de ses yeux grands ouverts:
--Monsieur, pas ce soir, pas ce soir. J'essaierai demain �� dix heures, mais pas ce soir!
--Et pourquoi?
--Parce que...
Il sembla rassembler tout son courage:
--Parce que la nuit... il n'est pas seul!
--Hein? fis-je en bondissant sur mon si��ge.
--Ah! voil��! Maintenant vous vous demandez si le vieux Jean n'est pas fou, fou �� lier. Voyons, croyez-vous de bonne
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