ami? tu ne t'en repentiras pas, Valois, foi de
Chicot.
Cher comte, le duc d Anjou est un perfide, un lâche.
Tiens, tiens, tiens, voilà pour les vices que tu as.
Trois hommes armés parurent sur le balcon, tandis que le quatrième
enfourchait la balustrade.
Saint-Luc la prit entre ses bras et disparut avec elle par la porte.
Bussy plongea son épée si vigoureusement dans la poitrine au grand
veneur, qu'il le cloua au parquet.
Il tomba sur les pointes du fer, et il demeura suspendu.
Et du doigt, Chicot montra au roi les bottes de d'Épernon.
Oui, des épées, mais des épées bénites, cher ami.
Quélus s'inclina et baisa la main du roi.
CHAPITRE PREMIER
CE QUE VENAIT ANNONCER M. LE COMTE DE MONSOREAU.
Monsoreau marchait de surprise en surprise: le mur de Méridor
rencontré comme par enchantement, ce cheval caressant le cheval qui
l'avait amené, comme s'il eût été de sa plus intime connaissance, il y
avait certes là de quoi faire réfléchir les moins soupçonneux. En
s'approchant, et l'on devine si M. de Monsoreau s'approcha vivement;
en s'approchant, il remarqua la dégradation du mur à cet endroit; c'était
une véritable échelle, qui menaçait de devenir une brèche; les pieds
semblaient s'être creusé des échelons dans la pierre, et les ronces,
arrachées fraîchement, pendaient à leurs branches meurtries.
Le comte embrassa tout l'ensemble d'un coup d'oeil, puis, de l'ensemble,
il passa aux détails.
Le cheval méritait le premier rang, il l'obtint.
L'indiscret animal portait une selle garnie d'une housse brodée d'argent.
Dans un des coins était un double F, entrelaçant un double A.
C'était, à n'en pas douter, un cheval des écuries du prince, puisque le
chiffre faisait: François d'Anjou.
Les soupçons du comte, à cette vue, devinrent de véritables alarmes. Le
duc était donc venu de ce côté; il y venait donc souvent, puisque, outre
le cheval attaché, il y en avait un second qui savait le chemin.
Monsoreau conclut, puisque le hasard l'avait mis sur cette piste, qu'il
fallait suivre cette piste jusqu'au bout.
C'était d'abord dans ses habitudes de grand veneur et de mari jaloux.
Mais, tant qu'il resterait de ce côté du mur, il était évident qu'il ne
verrait rien.
En conséquence, il attacha son cheval près du cheval voisin, et
commença bravement l'escalade.
C'était chose facile: un pied appelait l'autre, la main avait ses places
toutes faites pour se poser, la courbe du bras était dessinée sur les
pierres à la surface de la crête du mur, et l'on avait soigneusement
élagué, avec un couteau de chasse, un chêne, dont, à cet endroit, les
rameaux embarrassaient la vue et empêchaient le geste.
Tant d'efforts furent couronnés d'un entier succès. M. de Monsoreau ne
fut pas plutôt établi à son observatoire, qu'il aperçut, au pied d'un arbre,
une mantille bleue et un manteau de velours noir. La mantille
appartenait sans conteste à une femme, et le manteau noir à un homme;
d'ailleurs, il n'y avait point à chercher bien loin, l'homme et la femme se
promenaient à cinquante pas de là, les bras enlacés, tournant le dos au
mur, et cachés d'ailleurs par le feuillage du buisson.
Malheureusement pour M. de Monsoreau, qui n'avait pas habitué le
mur à ses violences, un moellon se détacha du chaperon et tomba,
brisant les branches, jusque sur l'herbe: là, il retentit avec un écho
mugissant.
A ce bruit, il paraît que les personnages dont le buisson cachait les
traits à M. de Monsoreau se retournèrent et l'aperçurent, car un cri de
femme aigu et significatif se fit entendre, puis un frôlement dans le
feuillage avertit le comte qu'ils se sauvaient comme deux chevreuils
effrayés.
Au cri de la femme, Monsoreau avait senti la sueur de l'angoisse lui
monter au front: il avait reconnu la voix de Diane.
Incapable dès lors de résister au mouvement de fureur qui l'emportait, il
s'élança du haut du mur, et, son épée à la main, se mit à fendre buissons
et rameaux pour suivre les fugitifs.
Mais tout avait disparu, rien ne troublait plus le silence du parc; pas une
ombre au fond des allées, pas une trace dans les chemins, pas un bruit
dans les massifs, si ce n'est le chant des rossignols et des fauvettes, qui,
habitués à voir les deux amants, n'avaient pu être effrayés par eux.
Que faire en présence de la solitude? que résoudre? où courir? Le parc
était grand; on pouvait, en poursuivant ceux qu'on cherchait, rencontrer
ceux que l'on ne cherchait pas.
M. de Monsoreau songea que la découverte qu'il avait faite suffisait
pour le moment; d'ailleurs, il se sentait lui-même sous l'empire d'un
sentiment trop violent pour agir avec la prudence qu'il convenait de
déployer vis-à-vis d'un rival aussi redoutable que l'était François; car il
ne doutait pas que ce rival ne fût le prince.
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