voici, dit-il, vous voyez que nous sommes favoris��s du ciel, messieurs, puisque le ciel nous envoie �� l'instant ce que nous d��sirons.
Monsoreau, d��contenanc�� de cet aplomb du prince, qui, dans les cas pareils, n'��tait pas habituel �� Son Altesse, salua d'un air assez embarrass�� et d��tourna la t��te, ��bloui comme un hibou tout �� coup transport�� de l'obscurit�� au grand soleil.
--Asseyez-vous l�� et soupez, dit le duc en montrant �� M. de Monsoreau une place en face de lui.
--Monseigneur, r��pondit Monsoreau, j'ai bien soif, j'ai bien faim, je suis bien las; mais je ne boirai, je ne mangerai, je ne m'assoirai qu'apr��s m'��tre acquitt�� pr��s de Votre Altesse d'un message de la plus haute importance.
--Vous venez de Paris, n'est-ce pas?
--En toute hate, monseigneur.
--Eh bien! j'��coute, dit le duc.
Monsoreau s'approcha de Fran?ois, et, le sourire sur les l��vres, la haine dans Je coeur, il lui dit tout bas:
--Monseigneur, madame la reine m��re s'avance �� grandes journ��es; elle vient voir Votre Altesse.
Le duc, sur qui chacun avait les yeux fix��s, laissa percer une joie soudaine.
--C'est bien, dit-il, merci. Monsieur de Monsoreau, aujourd'hui comme toujours, je vous trouve fid��le serviteur; continuons de souper, messieurs.
Et il rapprocha de la table son fauteuil qu'il avait ��loign�� un instant pour ��couter M. de Monsoreau.
Le festin recommen?a; le grand veneur, plac�� entre Livarot et Rib��rac, n'eut pas plut?t go?t�� les douceurs d'un bon si��ge, et ne se fut pas plut?t trouv�� en face d'un repas copieux, qu'il perdit tout �� coup l'app��tit.
L'esprit reprenait le dessus sur la mati��re.
L'esprit, entra?n�� dans de tristes pens��es, retournait au parc de M��ridor, et, faisant de nouveau le voyage que le corps bris�� venait d'accomplir, repassait, comme un p��lerin attentif, par ce chemin fleuri qui l'avait conduit �� la muraille.
Il revoyait le cheval hennissant; il revoyait le mur d��grad��; il revoyait les deux ombres amoureuses et fuyantes; il entendait le cri de Diane, ce cri qui avait retenti au plus profond de son coeur.
Alors, indiff��rent au bruit, �� la lumi��re, au repas m��me, oubliant �� c?t�� de qui et en face de qui il se trouvait, il s'ensevelissait dans sa propre pens��e, laissant son front se couvrir peu �� peu de nuages, et chassant de sa poitrine un sourd g��missement qui attirait l'attention des convives ��tonn��s.
--Vous tombez de lassitude, monsieur le grand veneur, dit le prince; en v��rit��, vous feriez bien d'aller vous coucher.
--Ma foi, oui, dit Livarot, le conseil est bon, et, si vous ne le suivez pas, vous courez grand risque de vous endormir dans votre assiette.
--Pardon, monseigneur, dit Monsoreau en relevant la t��te; en effet, je suis ��cras�� de fatigue.
--Enivrez-vous, comte, dit Antraguet, rien ne d��lasse comme cela.
--Et puis, murmura Monsoreau, en s'enivrant on oublie.
--Bah! dit Livarot, il n'y a pas moyen; voyez, messieurs, son verre est encore plein.
--A votre sant��, comte, dit Rib��rac en levant son verre.
Monsoreau fut forc�� de faire raison au gentilhomme, et vida le sien d'un seul trait.
--Il boit cependant tr��s-bien; voyez, monseigneur, dit Antraguet.
--Oui, r��pondit le prince, qui essayait de lire dans le coeur du comte; oui, �� merveille.
--Il faudra cependant que vous nous fassiez faire une belle chasse, comte, dit Rib��rac; vous connaissez le pays.
--Vous y avez des ��quipages, des bois, dit Livarot.
--Et m��me une femme, ajouta Antraguet.
--Oui, r��p��ta machinalement le comte, oui, des ��quipages, des bois et madame de Monsoreau, oui, messieurs, oui.
--Faites-nous chasser un sanglier, comte, dit le prince.
--Je tacherai, monseigneur.
--Eh! pardieu, dit un des gentilshommes angevins, vous tacherez, voil�� une belle r��ponse! le bois en foisonne, de sangliers. Si je chassais au vieux taillis, je voudrais, au bout de cinq minutes, en avoir fait lever dix.
Monsoreau palit malgr�� lui; le vieux taillis ��tait justement cette partie du bois o�� Roland venait de le conduire.
--Ah! oui, oui, demain, demain! s'��cri��rent en choeur les gentilshommes.
--Voulez-vous demain, Monsoreau? demanda le duc.
--Je suis toujours aux ordres de Votre Altesse, r��pondit Monsoreau; mais cependant, comme monseigneur daignait le remarquer il n'y a qu'un instant, je suis bien fatigu�� pour conduire une chasse demain. Puis, j'ai besoin de visiter les environs et de savoir o�� en sont nos bois.
--Et puis, enfin, laissez-lui voir sa femme, que diable! dit le duc avec une bonhomie qui convainquit le pauvre mari que le duc ��tait son rival.
--Accord��! accord��! cri��rent les jeunes gens avec gaiet��. Nous donnons vingt-quatre heures �� M. de Monsoreau pour faire, dans ses bois, tout ce qu'il a �� y faire.
--Oui, messieurs, donnez-les-moi, dit le comte, et je vous promets de les bien employer.
--Maintenant, notre grand veneur, dit le duc, je vous permets d'aller trouver votre lit. Que l'on conduise M. de Monsoreau �� son appartement!
M. de Monsoreau salua et sortit, soulag�� d'un grand fardeau, la contrainte.
Les gens afflig��s aiment la solitude plus encore que les amants heureux.
CHAPITRE II
COMMENT LE ROI HENRI III APPRIT LA FUITE DE SON FR��RE BIEN-AIM�� LE DUC D'ANJOU, ET DE CE
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.