La dame de Monsoreau, vol 3 | Page 2

Alexandre Dumas, père
au roi les bottes de d'épernon.
Oui, des épées, mais des épées bénites, cher ami.
Quélus s'inclina et baisa la main du roi.

CHAPITRE PREMIER
CE QUE VENAIT ANNONCER M. LE COMTE DE MONSOREAU.
Monsoreau marchait de surprise en surprise: le mur de Méridor rencontré comme par enchantement, ce cheval caressant le cheval qui l'avait amené, comme s'il e?t été de sa plus intime connaissance, il y avait certes là de quoi faire réfléchir les moins soup?onneux. En s'approchant, et l'on devine si M. de Monsoreau s'approcha vivement; en s'approchant, il remarqua la dégradation du mur à cet endroit; c'était une véritable échelle, qui mena?ait de devenir une brèche; les pieds semblaient s'être creusé des échelons dans la pierre, et les ronces, arrachées fra?chement, pendaient à leurs branches meurtries.
Le comte embrassa tout l'ensemble d'un coup d'oeil, puis, de l'ensemble, il passa aux détails.
Le cheval méritait le premier rang, il l'obtint.
L'indiscret animal portait une selle garnie d'une housse brodée d'argent. Dans un des coins était un double F, entrela?ant un double A.
C'était, à n'en pas douter, un cheval des écuries du prince, puisque le chiffre faisait: Fran?ois d'Anjou.
Les soup?ons du comte, à cette vue, devinrent de véritables alarmes. Le duc était donc venu de ce c?té; il y venait donc souvent, puisque, outre le cheval attaché, il y en avait un second qui savait le chemin.
Monsoreau conclut, puisque le hasard l'avait mis sur cette piste, qu'il fallait suivre cette piste jusqu'au bout.
C'était d'abord dans ses habitudes de grand veneur et de mari jaloux.
Mais, tant qu'il resterait de ce c?té du mur, il était évident qu'il ne verrait rien.
En conséquence, il attacha son cheval près du cheval voisin, et commen?a bravement l'escalade.
C'était chose facile: un pied appelait l'autre, la main avait ses places toutes faites pour se poser, la courbe du bras était dessinée sur les pierres à la surface de la crête du mur, et l'on avait soigneusement élagué, avec un couteau de chasse, un chêne, dont, à cet endroit, les rameaux embarrassaient la vue et empêchaient le geste.
Tant d'efforts furent couronnés d'un entier succès. M. de Monsoreau ne fut pas plut?t établi à son observatoire, qu'il aper?ut, au pied d'un arbre, une mantille bleue et un manteau de velours noir. La mantille appartenait sans conteste à une femme, et le manteau noir à un homme; d'ailleurs, il n'y avait point à chercher bien loin, l'homme et la femme se promenaient à cinquante pas de là, les bras enlacés, tournant le dos au mur, et cachés d'ailleurs par le feuillage du buisson.
Malheureusement pour M. de Monsoreau, qui n'avait pas habitué le mur à ses violences, un moellon se détacha du chaperon et tomba, brisant les branches, jusque sur l'herbe: là, il retentit avec un écho mugissant.
A ce bruit, il para?t que les personnages dont le buisson cachait les traits à M. de Monsoreau se retournèrent et l'aper?urent, car un cri de femme aigu et significatif se fit entendre, puis un fr?lement dans le feuillage avertit le comte qu'ils se sauvaient comme deux chevreuils effrayés.
Au cri de la femme, Monsoreau avait senti la sueur de l'angoisse lui monter au front: il avait reconnu la voix de Diane.
Incapable dès lors de résister au mouvement de fureur qui l'emportait, il s'élan?a du haut du mur, et, son épée à la main, se mit à fendre buissons et rameaux pour suivre les fugitifs.
Mais tout avait disparu, rien ne troublait plus le silence du parc; pas une ombre au fond des allées, pas une trace dans les chemins, pas un bruit dans les massifs, si ce n'est le chant des rossignols et des fauvettes, qui, habitués à voir les deux amants, n'avaient pu être effrayés par eux.
Que faire en présence de la solitude? que résoudre? où courir? Le parc était grand; on pouvait, en poursuivant ceux qu'on cherchait, rencontrer ceux que l'on ne cherchait pas.
M. de Monsoreau songea que la découverte qu'il avait faite suffisait pour le moment; d'ailleurs, il se sentait lui-même sous l'empire d'un sentiment trop violent pour agir avec la prudence qu'il convenait de déployer vis-à-vis d'un rival aussi redoutable que l'était Fran?ois; car il ne doutait pas que ce rival ne f?t le prince. Puis, si, par hasard, ce n'était pas lui, il avait près du duc d'Anjou une mission pressée à accomplir; d'ailleurs, il verrait bien, en se retrouvant près du prince, ce qu'il devait penser de sa culpabilité ou de son innocence.
Puis, une idée sublime lui vint. C'était de franchir le mur à l'endroit même où il l'avait déjà escaladé, et d'enlever avec le sien le cheval de l'intrus surpris par lui dans le parc.
Ce projet vengeur lui donna des forces; il reprit sa course et arriva au pied du mur, haletant et couvert de sueur.
Alors, s'aidant de chaque branche, il parvint au fa?te et retomba de l'autre c?té; mais, de l'autre c?té, plus de
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