La dame de Monsoreau, vol 2 | Page 5

Alexandre Dumas, père
de partisans en province pour que j'aie la certitude que vous ne manquerez de rien. Mais, allez, pour Dieu! allez, et surtout ne revenez pas que l'on ne vous pr��vienne.
Et le prieur, apr��s avoir tendrement embrass�� fr��re Gorenflot, le poussa doucement, mais avec une persistance qui fut couronn��e de succ��s, �� la porte de sa cellule.
L��, toute la communaut�� ��tait r��unie, attendant fr��re Gorenflot.
A peine parut-il, que chacun s'��lan?a vers lui, et que chacun voulut lui toucher les mains, le cou, les habits. Il y en avait dont la v��n��ration allait jusqu'�� baiser le bas de sa robe.
--Adieu, disait l'un en le pressant sur son coeur; adieu, vous ��tes un saint homme, ne m'oubliez point dans vos pri��res.
--Bah! se dit Gorenflot, un saint homme, moi? tiens!
--Adieu! dit un autre en lui serrant la main, brave champion de la foi, adieu! Godefroy de Bouillon ��tait bien peu de chose aupr��s de vous.
--Adieu! martyr, lui dit un troisi��me en baisant le bout de son cordon; l'aveuglement habite encore parmi nous; mais l'heure de la lumi��re arrivera.
Et Gorenflot se trouva ainsi, de bras en bras, de baisers en baisers, et d'��pith��tes en ��pith��tes, port�� jusqu'�� la porte de la rue, qui se referma derri��re lui d��s qu'il l'eut franchie.
Gorenflot regarda cette porte avec une expression que rien ne saurait rendre, et finit par sortir de Paris �� reculons, comme si l'ange exterminateur lui e?t montr�� la pointe de son ��p��e flamboyante.
Le seul mot qui lui ��chappa en arrivant �� la porte fut celui-ci:
--Le diable m'emporte! ils sont tous fous; ou, s'ils ne le sont pas; mis��ricorde, mon Dieu! c'est moi qui le suis.

CHAPITRE II
COMMENT FR��RE GORENFLOT DEMEURA CONVAINCU QU'IL ��TAIT SOMNAMBULE, ET D��PLORA AM��REMENT CETTE INFIRMIT��.
Jusqu'au jour n��faste o�� nous sommes arriv��s, jour o�� tombait sur le pauvre moine cette pers��cution inattendue, fr��re Gorenflot avait men�� la vie contemplative, c'est-��-dire que, sortant de bon matin quand il voulait prendre le frais, tard quand il recherchait le soleil, confiant en Dieu et dans la cuisine de l'abbaye, il n'avait jamais pens�� �� se procurer que les extra fort mondains, et assez rares au reste, de la Corne d'Abondance; ces extra ��taient soumis aux caprices des fid��les, et ne pouvaient se pr��lever que sur les aum?nes en argent, auxquelles fr��re Gorenflot faisait faire, en passant rue Saint Jacques, une halte; apr��s cette halte, ces aum?nes rentraient au couvent, diminu��es de la somme que fr��re Gorenflot avait laiss��e en route. Il y avait bien encore Chicot, son ami, lequel aimait les bons repas et les bons convives. Mais Chicot ��tait tr��s-fantasque dans sa vie. Le moine le voyait parfois trois ou quatre jours de suite, puis il ��tait quinze jours, un mois, six semaines sans repara?tre, soit qu'il restat enferm�� avec le roi, soit qu'il l'accompagnat dans quelque p��lerinage, soit enfin qu'il ex��cutat pour son propre compte un voyage d'affaires ou de fantaisie. Gorenflot ��tait donc un de ces moines pour qui, comme pour certains soldats enfants de troupe, le monde commen?ait au sup��rieur de la maison, c'est-��-dire au colonel du couvent, et finissait �� la marmite vide. Aussi ce soldat de l'��glise, cet enfant de froc, si l'on nous permet de lui appliquer l'expression pittoresque que nous employions tout �� l'heure �� l'��gard des d��fenseurs de la patrie, ne s'��tait-il jamais figur�� qu'un jour il lui fall?t laborieusement se mettre en route et chercher les aventures.
Encore s'il e?t eu de l'argent! mais la r��ponse du prieur �� sa demande avait ��t�� simple et sans ornement apostolique, comme un fragment de saint Luc.
--Cherche, et tu trouveras.
Gorenflot, en songeant qu'il allait ��tre oblig�� de chercher au loin, se sentait las avant de commencer.
Cependant le principal ��tait de se soustraire d'abord au danger qui le mena?ait, danger inconnu, mais pressant, d'apr��s ce qui avait paru ressortir du moins des paroles du prieur. Le pauvre moine n'��tait pas de ceux qui peuvent d��guiser leur physique et ��chapper aux investigations par quelque habile m��tamorphose; il r��solut donc de gagner au large d'abord, et, dans cette r��solution, franchit d'un pas assez rapide la porte Bordelle, d��passa prudemment, et en se faisant le plus mince possible, la gu��rite des veilleurs de nuit et le poste des Suisses, dans la crainte que ces archers, dont l'abb�� de Sainte-Genevi��ve lui avait fait f��te, ne fussent des r��alit��s trop saisissantes.
Mais, une fois en plein air, une fois en rase campagne, lorsqu'il fut �� cinq cents pas de la porte de la ville; lorsqu'il vit, sur le revers du foss��, dispos��e en mani��re de fauteuil, cette premi��re herbe du printemps qui s'efforce de percer la terre d��j�� verdoyante; lorsqu'il vit le soleil joyeux �� l'horizon, la solitude �� droite et �� gauche, la ville murmurante derri��re lui, il s'assit sur le talus de la route, embo?ta son double menton dans sa large et grasse main, se
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