La corde au cou | Page 4

Emile Gaboriau
les l��vres du procureur de la R��publique.
--Vous devez assez me conna?tre, r��pondit-il, pour savoir qu'il n'y a jamais avec moi de conflit d'attributions; je ne suis plus qu'un vieux bonhomme, ami du repos et de l'��tude. _Sum piger et senior, Pieridumque cornes..._
--Alors, rien ne nous retient plus! s'��cria M. S��neschal, qui bouillait d'impatience, ma voiture est attel��e! Partons!
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De Sauveterre au Valpinson, par la traverse, on ne compte qu'une lieue; seulement c'est une lieue de pays, elle a sept kilom��tres.
Mais M. S��neschal avait un bon cheval, le meilleur peut-��tre de l'arrondissement, affirmait-il, en montant en voiture, �� M. Galpin-Daveline et �� M. Daubigeon. Le fait est qu'en moins de dix minutes ils eurent rejoint les pompiers, partis bien avant eux.
Ces braves gens, presque tous ma?tres ouvriers de Sauveterre, ma?ons, charpentiers et couvreurs, se hataient cependant de toute leur ��nergie. ��clair��s par une demi-douzaine de torches fumeuses, ils allaient, peinant et soufflant, le long du chemin raboteux, poussant leurs deux pompes et le chariot qui contenait le mat��riel de sauvetage.
--Courage, mes amis! leur cria le maire en les d��passant. Bon courage!
�� trois minutes de l��, galopant dans la nuit du train d'un cavalier de ballade, un paysan �� cheval apparut sur la route.
M. Daubigeon lui commanda de s'arr��ter. Il ob��it. C'��tait le m��me homme qui d��j�� ��tait venu �� Sauveterre donner l'alarme.
--Vous revenez du Valpinson? lui demanda M. S��neschal.
--Oui, r��pondit le paysan.
--Comment va le comte de Claudieuse?
--Il a repris connaissance.
--Qu'a dit le m��decin?
--Qu'il s'en tirera probablement. Et moi je cours chez le pharmacien chercher des rem��des.
Pour mieux entendre, M. Galpin-Daveline, le juge d'instruction, se penchait hors de la voiture.
--La rumeur publique accuse-t-elle quelqu'un? demanda-t-il.
--Personne.
--Et l'incendie?
--On a de l'eau, r��pondit le paysan, mais pas de pompes, que voulez-vous qu'on fasse!... Et le vent qui redouble!... Ah! quel malheur, quel malheur!
Et il piqua des deux, pendant que M. S��neschal rouait de coups son pauvre cheval, lequel, sous ce traitement extraordinaire, loin d'avancer plus vite, se cabrait et faisait des bonds de c?t��.
C'est que l'excellent maire ��tait exasp��r��. C'est que ce crime lui paraissait comme un d��fi �� son adresse et la plus cruelle injure qu'on p?t faire �� son administration.
--Car, enfin, r��p��tait-il pour la dixi��me fois �� ses compagnons de route, est-il naturel, je vous le demande, est-il logique qu'un malfaiteur soit all�� s'adresser pr��cis��ment au comte et �� la comtesse de Claudieuse, �� l'homme le plus consid��rable et le plus consid��r�� de l'arrondissement, �� une femme dont le nom est synonyme de vertu et de charit��?
Et intarissable, malgr�� les cahots de la voiture, M. S��neschal racontait tout ce qu'il savait de l'histoire des propri��taires du Valpinson.
Le comte Trivulce de Claudieuse ��tait le dernier descendant d'une des plus vieilles familles du pays. �� seize ans, vers 1832, il s'��tait embarqu�� en qualit�� d'enseigne de vaisseau, et pendant de longues ann��es il n'avait fait �� Sauveterre que de rares et de br��ves apparitions. Il ��tait capitaine de vaisseau en 1859, et d��sign�� pour l'��paulette de contre-amiral, lorsque tout �� coup il avait donn�� sa d��mission et ��tait venu s'installer au chateau de Valpinson, lequel ne gardait plus, de ses antiques splendeurs, que deux tourelles tombant en ruine au milieu d'��normes amas de pierres noircies et moussues. Deux ann��es durant, il y avait v��cu seul, se r����difiant tant bien que mal un logis, et, des bribes ��parses de la fortune de ses anc��tres, se reconstituant, �� force de soin et d'activit��, une modeste aisance.
On pensait bien qu'il finirait ses jours ainsi, lorsque le bruit s'��tait r��pandu qu'il allait se marier. Et le bruit, chose rare, ��tait vrai. M. de Claudieuse, un beau matin, ��tait parti pour Paris, et par les lettres de faire-part qui ��taient arriv��es peu apr��s, on avait appris qu'il venait d'��pouser la fille d'un de ses anciens camarades de promotion, Mlle Genevi��ve de Tassar de Bruc.
L'��tonnement avait ��t�� grand. Le comte avait tout �� fait grand air et ��tait encore remarquablement bien de sa personne; mais il venait d'avoir quarante-sept ans, et Mlle de Tassar de Bruc en avait �� peine vingt. Ah! si la nouvelle mari��e e?t ��t�� pauvre, on e?t compris et m��me approuv�� le mariage. Il est si naturel qu'une fille sans dot sacrifie son coeur �� la question du pain quotidien. Mais tel n'��tait pas le cas. Le marquis de Tassar de Bruc passait pour riche et avait, disait-on, compt�� �� son gendre cinquante mille ��cus.
Alors, on s'��tait imagin�� que la jeune comtesse devait ��tre laide �� faire peur, infirme ou contrefaite pour le moins, idiote peut- ��tre ou d'un caract��re impossible. Erreur. Elle ��tait apparue, et on ��tait demeur�� saisi de sa noble et calme beaut��. Elle avait parl��, et chacun ��tait rest�� sous le charme. Ce mariage ��tait-il donc, comme on dit �� Sauveterre, un mariage d'inclination? On le crut. Ce qui n'emp��cha pas quantit�� de vieilles
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