La corde au cou | Page 2

Emile Gaboriau
son domestique, viens me donner de quoi m'habiller... C'est-��-dire, non! Madame m'aidera, car il n'y a pas une seconde �� perdre. Toi, tu vas courir chez Bolton, tu sais, le tambour, et tu lui commanderas de ma part de battre la g��n��rale, �� l'instant, partout. Tu passeras ensuite chez le capitaine Parenteau, tu lui expliqueras ce qui en est et tu le prieras de prendre la clef des pompes �� la mairie, chez le concierge. Attends!... Cela fait, tu reviendras ici, atteler... Le feu au Valpinson!... J'accompagnerai les pompiers!... Allons, cours, frappe aux portes, crie au feu! On se r��unira place du March��-Neuf!...
Et le domestique s'��tant ��loign�� de toute la vitesse de ses jambes:
--Quant �� vous, mon brave, reprit M. S��neschal en s'adressant au paysan, enfourchez votre b��te et allez rassurer monsieur de Claudieuse, qu'on ne perde pas courage, qu'on redouble d'efforts, les secours arrivent.
Mais le paysan ne bougeait pas.
--Avant de retourner au Valpinson, dit-il, j'ai encore une commission �� faire en ville.
--Hein! vous dites?...
--Il faut que j'aille chercher, pour le ramener avec moi, monsieur Seignebos, le m��decin...
--Le docteur! Y a-t-il donc quelqu'un de bless��?
--Oui, le ma?tre, monsieur de Claudieuse.
--L'imprudent! Il se sera jet�� au danger, selon son habitude...
--Oh, non! C'est qu'il a re?u deux coups de fusil.
Peu s'en fallut que le maire de Sauveterre ne laissat ��chapper son bougeoir.
--Deux coups de fusil! s'��cria-t-il. O��? Quand? Comment? De qui?
--Ah! je ne sais pas.
--Cependant...
--Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on l'a port�� dans une petite grange, o�� le feu n'��tait pas encore. C'est l�� que je l'ai vu, ��tendu sur une botte de paille, blanc comme un linge, les yeux ferm��s et tout couvert de sang.
--Mon Dieu! serait-il donc mort?
--Il ne l'��tait pas quand je suis parti.
--Et la comtesse?
--La dame de Claudieuse, r��pondit le paysan, avec un accent marqu�� de v��n��ration, ��tait dans la grange, agenouill��e pr��s de monsieur le comte, lavant ses blessures avec de l'eau fra?che. Les deux petites demoiselles ��taient l�� aussi...
M. S��neschal frissonnait.
--Un crime aurait donc ��t�� commis, murmura-t-il.
--Pour cela, oui, s?rement.
--Par qui? Dans quel but?
--Ah! voil��!...
--Monsieur de Claudieuse est tr��s emport��, c'est vrai, tr��s violent, mais c'est le meilleur et le plus juste des hommes, tout le monde le sait.
--Tout le monde.
--Il n'a jamais fait que du bien dans le pays.
--Personne n'oserait dire le contraire.
--Quant �� la comtesse...
--Oh! fit vivement le paysan, c'est la sainte des saintes.
Le maire essayait de conclure.
--Le coupable, poursuivit-il, serait donc un ��tranger. Nous sommes infest��s de vagabonds, de mendiants de passage. Il n'est pas de jour qu'il ne se pr��sente �� la mairie, pour demander des secours de route, des hommes �� figure patibulaire.
De la t��te, le paysan approuvait.
--C'est bien mon id��e, dit-il. Et la preuve, c'est qu'en venant je songeais qu'apr��s avoir averti le m��decin, je ferais peut-��tre bien de pr��venir la justice...
--Inutile! interrompit M. S��neschal, c'est un soin qui me regarde. Avant dix minutes je serai chez le procureur de la R��publique... Allons, ne m��nagez pas votre cheval, et dites bien �� madame de Claudieuse que nous vous suivons.
De sa vie administrative, le maire de Sauveterre n'avait ��t�� si rudement secou��. Il en perdait la t��te, ni plus ni moins que ce fameux jour o�� il lui ��tait tomb�� �� l'improviste neuf cents mobiles �� nourrir et �� loger. Jamais, sans l'assistance de sa femme, il n'en e?t fini de se v��tir. Pourtant, il ��tait pr��t lorsque son domestique reparut.
Ce brave gar?on s'��tait acquitt�� de toutes ses commissions, et d��j��, dans le lointain de la haute ville, retentissaient les roulements sourds de la g��n��rale.
--Maintenant, attelle, lui dit M. S��neschal. Que la voiture soit devant la maison quand je reviendrai.
Dehors, il trouva tout en rumeur. �� chaque fen��tre, une t��te s'allongeait, curieuse ou terrifi��e. De tous c?t��s, des portes brusquement referm��es claquaient.
Pourvu, mon Dieu! pensait-il, que je trouve Daubigeon chez lui.
Successivement procureur imp��rial, puis procureur de la R��publique, M. Daubigeon ��tait un des grands amis de M. S��neschal. C'��tait un homme d'une quarantaine d'ann��es, au regard fin, au visage souriant, qui s'��tait obstin�� �� rester c��libataire et qui s'en vantait volontiers. On ne lui trouvait �� Sauveterre ni le caract��re ni l'ext��rieur de sa s��v��re profession. Certes, on l'estimait fort, mais on lui reprochait am��rement sa philosophie optimiste, sa bonhomie souriante et surtout sa mollesse �� requ��rir, une mollesse qui, disait-on, d��g��n��rait en une coupable inertie dont le crime s'enhardissait.
Lui-m��me s'accusait de n'avoir pas le feu sacr��, et, selon son expression, de d��rober �� la froide Th��mis le plus de temps qu'il pouvait, pour le consacrer aux Muses famili��res. Collectionneur ��clair��, il avait la passion des beaux livres, des ��ditions rares, des reliures pr��cieuses, des belles suites de gravures, et le plus clair de ses dix mille francs de rentes passait �� ses chers bouquins. ��rudit de la vieille ��cole, il professait pour les po��tes latins, pour Virgile
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