de son maître Ducanif en se disant comme fiche de
consolation:
--Quand ce ne serait que d'avoir appris que le Tombeur-des-Crânes, le
prétendu baron, a pour mère une ancienne illustration des foires,
appelée la Belle-Flamande, ça peut toujours servir à quelque chose.
Ensuite, ramenée à la situation:
--Où est passé ce gredin que je n'ai trouvé à aucun de ses deux
domiciles? se demanda-t-elle.
Puis, en sachant sans doute bien à fond tout ce dont était capable le
Tombeur-des-Crânes, elle ajouta avec un petit frisson de peur:
--Qu'est devenu Gustave?
Après quoi, elle poussa un soupir de désolation qu'elle fit suivre de
cette pensée n'annonçant pas une conscience des plus pures:
--Mettre la police sur le dos du baron, c'est cracher en l'air pour que ça
vous retombe sur le nez.
Mais, parut-il, sa série à la noire était terminée. Elle rentrait dans la
maison de Ducanif, quand le concierge l'arrêta au passage en
demandant:
--Ce matin, quand vous sortiez, ne vous êtes-vous pas informée du
baron de Walhofer?
--Oui, de la part de mon maître qui voulait lui parler, répondit la
cuisinière répétant son mensonge.
--Et je vous ai annoncé qu'il était parti pour ses terres, en Belgique?
--Oui. Après?
--Eh bien! il est revenu, il y a dix minutes.
--Allons donc! En trois heures, il est allé en Belgique et il en est revenu!
Que me contez-vous donc, mauvais farceur?
--Non, non; il a manqué le train.
--C'est lui qui vous l'a dit?
--Je l'ai entendu comme il en parlait au docteur Gustave Cabillaud avec
lequel il venait de se rencontrer devant ma loge... Le baron est, pour
ainsi dire, arrivé sur le dos du médecin.
Héloïse avait eu besoin de se remettre de son émotion de joie subite.
--Vous avez vu M. Gustave? fit-elle.
--Oui, tout à l'heure, il est monté en visite chez votre maître.
--Et il n'est pas encore parti?
--Il est toujours là-haut.
Quatre à quatre, la cuisinière escalada les marches de l'escalier.
Au moment où elle glissait sa clé dans la serrure de la porte d'entrée du
logement de Ducanif, une pensée troubla sa satisfaction.
--Pendant ces trois heures d'absence, qu'a donc fait le baron qui, m'a dit
le concierge, est arrivé sur les talons de Gustave? se demanda-t-elle.
Quand elle pénétra dans le salon où se tenaient le jeune homme et
Ducanif, son maître, sans penser à lui demander d'où elle revenait ainsi
après une absence de trois heures, s'écria joyeusement:
--Il est retrouvé, Héloïse, il est retrouvé! N'est-ce pas que son père avait
vraiment perdu la tête, ce matin, quand il est venu nous le demander?
--Mais enfin, pourquoi n'êtes-vous pas rentré au domicile paternel,
monsieur Gustave? dit Héloïse.
Un coup d'oeil du docteur l'avertit qu'il allait mentir.
--Je me suis laissé entraîner à une partie de baccarat par un camarade
rencontré hier soir quand je retournais chez moi. Ce matin, au grand
jour, nous avions encore les cartes en main. Nous ne les avons quittées
que pour nous asseoir devant un festin qui s'est prolongé jusqu'à midi.
--Et pendant ce temps-là, moi qui vous attendais pour déjeuner, j'ai dû
m'attabler devant votre place vide, prononça Ducanif d'un petit ton de
reproche.
--Aussi suis-je venu pour réparer ma faute en vous priant de m'inviter à
dîner ce soir.
--Est-ce sérieusement dit? s'écria Ducanif joyeux.
--Très sérieusement... Aussitôt que j'aurai visité quelques-uns de mes
malades, je vous reviendrai.
--Convenu! convenu! répéta Ducanif.
Et, après une courte pause:
--Dites donc, Gustave, si j'invitais le baron? proposa-t-il.
--Invitez.
--Et ce M. Camuflet avec lequel vous m'avez reconduit hier soir jusqu'à
ma porte. Je ne le connais que pour l'avoir rencontré hier à la table de
M. Grandvivier, mais il m'a plu tout de suite. Ce doit être un bon
vivant.
Un peu d'hésitation avait paru dans l'oeil du docteur en entendant parler
de Camuflet, mais la voix de Ducanif sonnait trop franche pour qu'on
pût soupçonner une arrière-pensée sous ses paroles.
--Va donc aussi pour M. Camuflet! dit Gustave.
--Je vais le prévenir par un petit mot. Il m'a donné hier son adresse chez
M. Grandvivier... il demeure au 29 de la rue... de la rue...
Et Ducanif s'arrêta devant son oubli de mémoire.
Mais, se souvenant d'un fait:
--Parbleu! fit-il, vous devez la connaître, cette rue, vous, Gustave,
puisque M. Camuflet est le dernier auquel, hier soir, vous ayez fait la
conduite.
Encore une fois, le médecin sembla hésiter.
--Rue Méhul, dit-il enfin.
Ducanif se leva et passa dans son cabinet en laissant la porte ouverte
derrière lui, ce qui permettait de l'entendre dire:
--Oui, rue Méhul, c'est bien cela. Je vais lui écrire mon mot d'invitation
que je vous serai très obligé, cher ami, quand vous descendrez, de
remettre à un commissionnaire qui le portera.
--Comptez sur moi.
Pendant qu'on entendait grincer la plume sur le
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