La comtesse de Rudolstadt | Page 9

George Sand
ai m��me pr��dit �� peu pr��s tout ce qui lui est arriv��; mais il ne m'��coutait pas: son z��le lui faisait m��priser tous les dangers. Aussi sa fin tragique m'a fait une peine dont je ne me consolerai jamais, et je n'y puis songer sans r��pandre des larmes.? En disant cela, ce diable de comte pleurait tout de bon; et peu s'en fallait qu'il ne nous fit pleurer aussi.
?Vous ��tes un si bon chr��tien, dit le roi, que cela ne m'��tonne point de vous.?
Poelnitz avait chang�� trois ou quatre fois de religion, du matin au soir, pour postuler des b��n��fices et des places dont le roi l'avait leurr�� par forme de plaisanterie.
?Votre anecdote tra?ne partout, dit d'Argens au baron, et ce n'est qu'une fac��tie. J'en ai entendu de meilleures; et ce qui rend, �� mes yeux, ce comte de Saint-Germain un personnage int��ressant et remarquable, c'est la quantit�� d'appr��ciations tout �� fait neuves et ing��nieuses au moyen desquelles il explique des ��v��nements rest��s �� l'��tat de probl��mes fort obscurs dans l'histoire. Sur quelque sujet et sur quelque ��poque qu'on l'interroge, on est surpris, dit-on, de le voir conna?tre ou de lui entendre inventer une foule de choses vraisemblables, int��ressantes, et propres �� jeter un nouveau jour sur les faits les plus myst��rieux.
--S'il dit des choses vraisemblables, observa Algarotti, il faut que ce soit un homme prodigieusement ��rudit et dou�� d'une m��moire extraordinaire.
--Mieux que cela! dit le roi. L'��rudition ne suffit pas pour expliquer l'histoire. Il faut que cet homme ait une puissante intelligence et une profonde connaissance du coeur humain. Reste �� savoir si cette belle organisation a ��t�� fauss��e par le travers de vouloir jouer un r?le bizarre, en s'attribuant une existence ��ternelle et la m��moire des ��v��nements ant��rieures �� sa vie humaine; ou si, �� la suite de longues ��tudes et de profondes m��ditations, le cerveau s'est d��rang��, et s'est laiss�� frapper de monomanie.
--Je puis au moins, dit Poelnitz, garantir �� Votre Majest�� la bonne foi et la modestie de notre homme. On ne le fait pas parler ais��ment des choses merveilleuses dont il croit avoir ��t�� t��moin. Il sait qu'on l'a trait�� de r��veur et de charlatan, et il en para?t fort affect��; car maintenant il refuse de s'expliquer sur sa puissance surnaturelle.
--Eh bien, Sire, est-ce que vous ne mourez pas d'envie de le voir et de l'entendre? dit La Mettrie. Moi j'en grille.
--Comment pouvez-vous ��tre curieux de cela? reprit le roi. Le spectacle de la folie n'est rien moins que gai.
--Si c'est de la folie, d'accord; mais si ce n'en est pas?
--Entendez-vous, Messieurs, reprit Fr��d��ric; voici l'incr��dule, l'ath��e par excellence, qui se prend au merveilleux, et qui croit d��j�� �� l'existence ��ternelle de M. de Saint-Germain! Au reste, cela ne doit pas ��tonner, quand on sait que La Mettrie a peur de la mort, du tonnerre et des revenants.
--Des revenants, je confesse que c'est une faiblesse, dit La Mettrie; mais du tonnerre et de tout ce qui peut donner la mort, je soutiens que c'est raison et sagesse. De quoi diable aura-t-on peur, je vous le demande, si ce n'est de ce qui porte atteinte �� la s��curit�� de l'existence?
--Vive Panurge, dit Voltaire.
--J'en reviens �� mon Saint-Germain, reprit La Mettrie; messire Pantagruel devrait l'inviter �� souper demain avec nous.
--Je m'en garderai bien, dit le roi; vous ��tes assez fou comme cela, mon pauvre ami, et il suffirait qu'il e?t mis le pied dans ma maison pour que les imaginations superstitieuses, qui abondent autour de nous, r��vassent �� l'instant cent contes ridicules qui auraient bient?t fait le tour de l'Europe. Oh! la raison, mon cher Voltaire, que son r��gne nous arrive! voil�� la pri��re qu'il faut faire chaque soir et chaque matin.
--La raison, la raison! dit La Mettrie, je la trouve s��ante et b��n��vole quand elle me sert �� excuser et �� l��gitimer mes passions, mes vices... ou mes app��tits... donnez-leur le nom que vous voudrez! mais quand elle m'ennuie, je demande �� ��tre libre de la mettre �� la porte. Que diable! je ne veux pas d'une raison qui me force �� faire le brave quand j'ai peur, le sto?que quand je souffre, le r��sign�� quand je suis en col��re... Foin d'une pareille raison! ce n'est pas la mienne, c'est un monstre, une chim��re de l'invention de ces vieux radoteurs de l'antiquit�� que vous admirez tous, je ne sais pas pourquoi. Que son r��gne n'arrive pas! je n'aime pas les pouvoirs absolus d'aucun genre, et si l'on voulait me forcer �� ne pas croire en Dieu, ce que je fais de bonne grace et de tout mon coeur, je crois que, par esprit de contradiction, j'irais tout de suite �� confesse.
--Oh! vous ��tes capable de tout, on le sait bien, dit d'Argens, m��me de croire �� la pierre philosophale du comte de Saint-Germain.
--Et pourquoi non? ce
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