une grande importance à la place de Carcassonne qui couvrait cette partie du domaine royal devant l'Aragon, et prétendant ne plus avoir à redouter les conséquences d'un siège qui l'aurait mise entre les mains d'un ennemi sans cesse en éveil, voulut en faire une forteresse inexpugnable.
Il faut ajouter au récit du sénéchal Guillaume des Ormes un fait rapporté par Guillaume de Puy-Laurens. Dans la nuit du 8 au 9 septembre, les habitants du faubourg de Carcassonne (de la Trivalle; voir le plan, figure 2), malgré leur protestation de fidélité à la noblesse tenant pour le roi, avaient ouvert leurs portes aux soldats de Trincavel qui, dès lors, dirigea de ce faubourg son attaque de gauche contre la porte Narbonnaise. Saint Louis, sit?t après le siège levé, n'eut pas à détruire le bourg déjà br?lé par le vicomte Raymond, mais voulant d'une part punir les habitants de leur manque de foi, et de l'autre ne plus avoir à redouter un voisinage aussi compromettant pour la cité, il défendit aux gens du faubourg de Graveillant de rebatir leurs maisons et fit évacuer le faubourg de la Trivalle. Ces malheureux durent s'exiler.
Louis IX commen?a immédiatement de grands ouvrages de défense autour de la cité; il fit raser les restes des faubourgs, débarrassa le terrain entre la cité et le pont et fit élever toute l'enceinte extérieure que nous voyons aujourd'hui, afin de se couvrir de tous c?tés et de prendre le temps d'améliorer les défenses intérieures.
Ayant pu constater la faiblesse des deux parties de l'enceinte sur lesquelles le vicomte Raymond avait, avec raison, porté ses deux principales attaques, c'est-à-dire l'extrémité sud et la porte Narbonnaise, il étendit l'enceinte extérieure bien au delà de l'ancien saillant sud sur le plateau qui domine de ce c?té un ravin aboutissant à l'Aude et vers la porte Narbonnaise, à 30 mètres environ en dehors, enclavant ainsi dans les nouvelles défenses les deux points principaux de l'attaque de Trincavel (fig. 16).
Résolu à faire de la cité de Carcassonne le boulevard de cette partie du domaine royal contre les entreprises des seigneurs hérétiques des provinces méridionales, saint Louis ne voulut pas permettre aux habitants des anciens faubourgs de rebatir leurs habitations dans le voisinage de la cité. Sur les instances de l'évêque Radulphe[7] après sept années d'exil, il consentit seulement à laisser ces malheureux proscrits s'établir de l'autre c?té de l'Aude. Voici les lettres patentes de saint Louis, expédiées à ce sujet[8]:
[Note 7: Le tombeau de cet évêque est dans la petite chapelle batie à l'extrémité du bras de croix sud de l'église de Saint-Nazaire.]
[Note 8: Hist. des Antiq. et comtes de Carcassonne, G. Besse, citoyen de Carcassonne, Béziers, 1645. ?Ces lettres, dit Besse, furent exécutées par le seneschal, pridie nonas Aprilis, c'est-à-dire le 4 avril 1247, et, avec l'acte de leur exécution, se trouvent avoir esté transcrites en langage du pays, dans le livre manuscrit des coutumes de Carcassonne.]
?Louis, par la grace de Dieu, roy de France, à notre amé et féal Jean de Cravis, seneschal de Carcassonne, salut et dilection. Nous vous mandons que vous recevez en seureté les hommes de Carcassonne qui s'en estoient fuys, à cause qu'ils n'avoient payé à nous les sommes qu'ils devoient, les termes des payements escheus. Pour les demeures et habitations qu'ils demandent, vous en prendrez advis et conseil de nostre amé et féal l'evesque de Carcassonne et de Raymond de Capendu et autres bons hommes, pour leur bailler place pour habiter, proveu qu'aucun domage n'en puisse avenir à nostre chasteau et ville de Carcassonne. Voulons que leur rendez les biens et héritaiges et possessions, dont ils joüissoient avant la guerre, et les laissez joüir de leurs uz et coustumes, affin que nous ou nos successeurs ne les puissions changer. Entendons toutefoiz que lesdits hommes de Carcassonne doivent refaire et bastir à leurs despens les églises de Nostre-Dame et des Frères-Mineurs, qu'ils avoient démolies; et au contraire n'entendons que vous recevez en fa?on quelconque aucun de ceux qui introduisirent le vicomte (de Trincavel) au bourg de Carcassonne, estant traistres, ains rappellerez les autres non coupables. Et direz de nostre part à nostre amé et féal l'évesque de Carcassonne, que des amendes qu'il prétend sur les fugitifs, il s'en désiste, et de ce luy en s?aurons gré. Donné à Helvenas, le lundy après la chaise de saint Pierre.?
Bien que nous n'ayons pas le texte original de cette pièce, mais seulement la transcription altérée évidemment par Besse, ce document n'en est pas moins très-important en ce qu'il nous donne la date de la fondation de la ville actuelle de Carcassonne. En effet, en exécution de ces lettres patentes, l'emplacement pour batir le nouveau bourg fut tracé au delà de l'Aude, et comme cet emplacement dépendait de l'évêché, le roi indemnisa l'évêque en lui donnant la moitié de la ville de Villalier. L'acte de
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.