par force, le péché diminue.
--Alors, à tout péché miséricorde, répliqua le roi en soupirant; mais en attendant, Gabrielle est mariée.
--Votre Majesté ne l'est-elle pas?
--Oh! mais moi, je ferai rompre quelque jour mon mariage avec madame Marguerite.
--Si vous en avez le pouvoir sur une grande princesse soutenue par le pape, à plus forte raison pourrez-vous rompre l'union de madame Gabrielle avec un petit gentilhomme. Jusque-là, tout est pour le mieux.
--Si ce n'est qu'un mari est un mari, c'est-à-dire un danger pour sa femme.
--Présent, c'est possible, mais absent?
--Oh! celui-là reviendra.
--Croyez-vous, sire? Moi je ne le crois pas.
--La raison?
--Votre Majesté est trop en colère, et si ce malheureux se présentait il sait bien qu'il serait perdu.
--Il se cache, s'écria le roi dans un élan de gasconne. Où cela? dis.
--Ouais!... déclama le moine avec un sérieux comique, pour que je le livre à votre vengeance, n'est-ce pas? C'est là une question de tyran. Mais j'ai promis de sauver la victime, et je la sauverai, dussiez-vous me demander ma tête!
En disant ces mots avec majesté, il remuait un formidable trousseau de clés à sa ceinture.
--Oh! frère Robert! que vous êtes bien toujours le même! murmura le roi, riant et s'attendrissant à la fois.
--J'oubliais d'annoncer à Votre Majesté, interrompit le moine, que M. le comte d'Auvergne attend votre bon plaisir avec des dames et des cavaliers....
--Le comte d'Auvergne, que me veut-il? demanda le roi surpris.
--Il vous le dira sans doute, sire, car le voilà qui vient avec sa compagnie.
III
COUPS DE THéATRE
Sur un signe du frère parleur, les dames qui accompagnaient M. d'Auvergne s'avancèrent. Dieu sait la joie; elles étaient au comble de leurs désirs.
Henri se sentait trop heureux pour ne pas faire bon visage. Il accueillit gracieusement le comte d'Auvergne et salua les dames par un: ?Voilà de bien aimables dames!? qui acheva de lui conquérir M. d'Entragues, déjà fort disposé au royalisme le plus ardent.
--J'ai l'honneur de présenter à Votre Majesté madame ma mère, ajouta le comte en désignant Marie Touchet.
Le roi connaissait l'illustre personne, il salua en homme qui sait pardonner.
--Mon beau-père, M. le comte d'Entragues, poursuivit le jeune homme.
Le beau-père se courba en deux parties égales.
--Et mademoiselle d'Entragues, ma soeur, acheva le comte en prenant par la main Henriette, toute frémissante sous l'oeil attentif du roi.
--Une personne accomplie, murmura Henri, qui parcourut en connaisseur la toilette et les charmes de la jeune fille.
M. le comte d'Auvergne se rapprochant du roi avec un sourire:
--Votre Majesté, dit-il, la reconna?t-elle?
--Non, je n'avais jamais vu tant de graces.
Le comte se pencha à l'oreille d'Henri, et lui dit tout bas:
--Votre Majesté ne se souvient donc pas du bac de Pontoise et de cette jolie jambe qui nous occupa si longtemps.
--Si, pardieu! s'écria le roi, voilà que je me rappelle. Eh bien, est-ce que cette charmante jambe....
--Ce jour-là, sire, Mlle d'Entragues, revenant de Normandie, eut l'honneur de se rencontrer à Pontoise sur le chemin de Votre Majesté.
--Vous ne me l'avez pas dit, d'Auvergne.
--Je ne connaissais point encore ma soeur.
Pendant toute cette conversation, pour le moins singulière, Henriette, les yeux baissés, rougissait comme une fraise. M. d'Entragues faisait la roue, et Marie Touchet, dans sa gravité majestueuse, feignait de ne rien entendre, pour être moins gênée et n'être pas gênante.
Le roi, que deux beaux yeux enivraient toujours, comme certains vins capiteux qu'on fuit et qu'on aime, s'écria:
--Vous avez bien fait, d'Auvergne, de ne pas être avare de vos trésors de famille; d'autant mieux que la présence de ces dames ici dément certains bruits de ligue mal sonnants avec les noms d'Entragues et de Touchet.
Ce fut au tour des grands parents à rougir.
--Sire, balbutia M. d'Entragues, Votre Majesté pourrait-elle soup?onner un seul instant notre respectueuse fidélité?
--Eh! eh!... en temps de guerre civile, dit le roi avec un sourire, qui peut répondre de soi?
--Sire, répondit Marie Touchet solennellement, le roi catholique est le roi de tous les bons Fran?ais, et nous avons fait quatre lieues à cheval pour venir le déclarer à Votre Majesté.
--Eh bien, s'écria gaiement Henri, à la bonne heure; j'aime cette réponse, elle est franche. Hier, je n'étais pas bon à jeter aux Espagnols; aujourd'hui, Vive le roi! Ventre saint-gris! vous avez raison, madame; et mon abjuration, ne m'e?t-elle valu que d'être reconnu et salué des belles dames, je m'en réjouirais encore. Allons, allons, aujourd'hui n'est plus hier; enterrons hier, puisqu'il ne plaisait point à mes belles sujettes.
--Vive le roi! s'écria M. d'Entragues en délire.
--Oh! le roi, d'un seul mot, gagne les coeurs, dit Marie Touchet d'un air précieux qui e?t donné de la jalousie à Charles IX, et contraria Henriette.
--Mademoiselle ne parle pas, fit remarquer le roi.
--Je pense beaucoup, sire, répliqua la jeune fille avec un regard près duquel ceux de sa mère n'étaient que feux follets.
Le roi, que toutes ces escarmouches galantes transportaient d'aise, remercia Henriette par un salut plus que courtois.
--Il me semble que nous allons
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