La belle Gabrielle, vol. 2 | Page 4

Auguste Maquet
signée à l'archevêque.
Un long bruit d'applaudissements et de vivat éclata malgré la sainteté du lieu, et, per?ant les murs de l'église, se répandit au dehors comme une tra?née de poudre, enflammant partout la joie et la reconnaissance de la foule. Désormais rien ne séparait plus le peuple de son roi; rien, que les murs de Paris.
Le reste de la cérémonie s'acheva dans le plus bel ordre, avec la même majesté simple et touchante.
Le roi à sa sortie de l'église, après la messe, fut assailli par le peuple qui s'agenouillait et tendait les bras sur son passage, les uns lui criant: joie et santé! les autres criant: à bas la ligue et mort à l'Espagnol! A tous, surtout aux derniers, le roi souriait.
Crillon, les larmes aux yeux, l'embrassa sous le portique de la cathédrale.
--Harnibieu! dit-il, nous pourrons donc désormais ne nous quitter plus! Autrefois quand j'allais à l'église vous alliez au prêche, c'était du temps perdu!... Vive le roi!
Et la foule non plus de répéter, mais de hurler: vive le roi! à faire mourir de rage les Espagnols et les ligueurs qui durent en recevoir l'écho.
Tout à coup, quand le roi rentrait à son logis, envahi par les plus avides de contempler une dernière fois leur prince, Crillon, qui gardait la porte, aper?ut le comte d'Auvergne fendant la foule et cherchant à entrer.
Crillon, de son oeil d'aigle, aper?ut en même temps Marie Touchet, sa fille et M. d'Entragues qui dominaient la foule du haut d'un perron où les avait placés le comte d'Auvergne pour qu'ils vissent mieux ou fussent mieux vus.
--Monsieur, dit le comte à Crillon, je suis bien heureux de vous rencontrer; j'ai là deux dames fort impatientes de présenter au roi leurs respects et leurs remerc?ments. Elles sont trop bonnes catholiques pour ne pas être admises des premières à féliciter Sa Majesté.
--Harnibieu! pensa Crillon qui savait bien de quelles dames le comte voulait parler, les pécores enragées veulent déjà manger du catholique! attends, attends!
--Monsieur le comte, dit-il au jeune homme, le roi m'a mis à sa porte pour empêcher qu'on n'entre.
--C'est ma mère et ma soeur....
--Je suis au désespoir, monsieur, mais la consigne est pour Crillon ce qu'elle serait pour vous. Si j'étais dehors et vous dedans, vous me refuseriez, je vous refuse.
--Des dames....
--Et d'illustres dames, je le sais, je dirai même de fort belles dames, mais c'est impossible.
--Plus tard, monsieur, vous m'accorderez bien....
--Vous perdriez le temps de ces dames. Plus tard je serai parti, car j'ai une affaire importante, et le roi part aussi.
Le comte d'Auvergne comprit qu'il échouerait en face de Crillon. Il salua donc et se retira dépité, mais cachant soigneusement sa mauvaise humeur.
Comme il rejoignait les dames fort inquiètes du résultat de ces pourparlers, il se heurta à la Varenne.
--Est-il donc vrai, demanda-t-il, que le roi parte sit?t qu'on ne puisse l'aller saluer?
--Aussit?t qu'il sera botté, monsieur le comte.
--Et l'escorte?... A-t-on des ordres?
--Sa Majesté ne prend pas d'escorte et n'en veut pas prendre.
--C'est dangereux. Où donc va le roi?
--Faire une tournée dans les couvents voisins.
--Il n'y a pas d'indiscrétion à savoir lesquels?
--Nullement. Sa Majesté commence par les génovéfains de Bezons. Puis nous irons à....
--Merci, dit le comte.
Et il s'empressa de rejoindre les dames.
--Nous avons été expulsés par M. de Crillon, dit-il. C'est un brutal, un sauvage qui, je ne sais pourquoi, nous en veut tout bas. Mais raison de plus pour voir le roi aujourd'hui même. Ne manifestons rien. Venez vous reposer quelques moments à mon logis, et quand la chaleur sera passée, je vous conduirai en un endroit où nous verrons Sa Majesté tout à fait à l'aise. Venez, mesdames, au frais et à l'ombre, pour ménager vos toilettes,
--Ce Crillon est jaloux! murmura M. d'Entragues.
--Jaloux où non, dit le cynique jeune homme, il n'empêchera pas le roi de voir Henriette, qui n'a jamais été si belle qu'aujourd'hui.
La Ramée s'était glissé de nouveau derrière les dames, comme un chien battu qui boude, mais revient. Il entendit ces paroles.
--Ah! je comprends, murmura-t-il tout pale, pourquoi on a mené Henriette à Saint-Denis! Eh bien! moi aussi j'irai chez les génovéfains de Bezons, et nous verrons!

II
Où LE ROI VENGE HENRI
Le roi, accompagné seulement de la Varenne et de quelques serviteurs privilégiés, parcourait rapidement la route de Saint-Denis à Bezons. Las d'avoir travaillé pour la couronne, il voulait consacrer le reste du jour à son ami Henri.
Il respirait, le digne prince; après tant de professions de foi et de cérémonies, tant de plain-chant et de clameurs assourdissantes, il se reposait. Tout en lui se reposait, hors le coeur. Ce tendre coeur, épanoui de joie, volait au-devant de Gabrielle, et devan?ait l'arabe léger que son escorte avait peine à suivre.
Cependant un peu d'inquiétude se mêlait à son bonheur. Chemin faisant, Henri s'étonnait de l'attitude étrangement hostile de M. d'Estrées, qui osait improviser ainsi un mari, brusquer si rudement des accordailles,
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