La Vie de M. de Molière | Page 3

Jean-Léonor de Grimarest
ne me permettant pas de m'écarter un moment de ce que je lui dois. Lorsque j'ai eu en vue de composer la vie de Molière, je n'ai point eu l'intention de me donner une mauvaise réputation ni d'attaquer personne, mais seulement de faire conno?tre cet excellent auteur par ses bons endroits. Si j'ai l'honneur de vous écrire, Monseigneur, au lieu d'aller moi-même vous rendre compte de ma conduite, que l'on vous aura peut-être altérée, c'est que je sais que vos momens sont précieux, et c'est pour vous donner le temps de réfléchir sur ce que je prends la liberté de vous mander, et lorsqu'il vous plaira, je me rendrai auprès de vous pour recevoir vos ordres, que je vous supplie très-humblement de me donner le plus t?t qu'il vous sera possible, à cause de l'état où est mon impression. Je vous demande en grace, Monseigneur, d'être persuadé de l'envie que j'ai de vous témoigner, dans des occasions plus essentielles que celle-ci, que personne ne vous est plus attaché que je le suis, et que l'on ne peut être avec plus de respect que j'ai l'honneur d'être,
?MONSEIGNEUR, ?Votre très-humble et très-obéissant serviteur, ?DE GRIMAREST.
?Je recevrai les ordres dont il vous plaira m'honorer dans la rue du Four-Saint-Germain.?
Molière grand comédien, grand écrivain, sans doute, mais surtout grand homme de bien, et animé dans toutes ses actions des sentiments que son oeuvre excite, Molière enfin parangon d'humanité, tel est le Molière dégagé par Grimarest; tel il avait été, tel est-il montré, tel le demandait-on, et ne se lassera-t-on pas de le demander.
Sans doute peut-on rêver de lui une plus haute, mais non plus touchante et plus vive image. C'est dans Grimarest que Molière reste le plus présent, le plus familier.
En dehors des articles des Biographies universelles, nous n'avons rien sur Grimarest. MM. les Moliéristes ne se sont pas encore mis en frais sur le premier des Moliéristes, ancêtre dépassé, mais non prescrit. Sa profession était de donner des le?ons de fran?ais aux seigneurs étrangers, de les fa?onner à nos manières, à notre génie. La liste de ses ouvrages se compose en majeure partie de traités de belle éducation, relatifs au récitatif dans la lecture, dans l'action publique, dans la déclamation; à la manière d'écrire les lettres; au cérémonial; à l'usage dans la langue fran?aise[6]. Ses connaissances étaient étendues, sa curiosité poussée en tous sens. Le livre intitulé Commerce de lettres curieuses et savantes[7] contient, à c?té de considérations sur les fortifications et aussi sur les bibliothèques, une dissertation sur la patavinité[8], une explication du rire, et des remarques sur la lettre A dans le dictionnaire de Furetière. La date de sa naissance reste inconnue; celle de sa mort est fixée à 1720.
A. P.-M.

[1] Voir p. 171. Cette Lettre n'est certainement pas de Visé, car il résulte de plusieurs passages que l'auteur n'avait pas connu Molière, ni même été son contemporain, et c'est un point que Grimarest accorde dans sa réponse.
[2] Depuis cinquante-six ans, 1821-1877.
[3] Cette lettre, publiée par Taschereau dans la troisième édition de son Histoire de la vie et des ouvrages de Molière, Paris, Hetzel, 1844, in-18, lui avait été communiquée en original par Villenave.
[4] Voir pour les difficultés que rencontra la représentation du Tartufe, p. 94 à 101.
[5] Nous nous sommes assuré qu'aucun des passages du livre relatifs au Tartufe n'avait été cartonné.
[6] Traité du récitatif dans la lecture, dans l'action publique, dans la déclamation et dans le chant; avec un traité des accens, de la quantité et de la ponctuation. Paris, Jacques Le Fèvre et Pierre Ribou, 1707, in-12.
Traité sur la manière d'écrire des lettres et sur le cérémonial, avec un discours sur ce qu'on appelle usage dans la langue fran?oise, par Monsieur de Grimarest. Paris, Jacques étienne, 1719, in-12.
Dans le préambule de cette production approuvée à la date de 1708, Grimarest dit leur fait à un ?po?te insolent? et à un ?avocat critique?, détracteurs de ses précédents ouvrages. L'un ou l'autre de ces facheux, de préférence le po?te, doit être l'auteur de la Lettre attribuée sans raison à de Visé par les bibliographes (voir la note de la page VII).
[7] Paris, 1700, in-12.
[8] C'est la latinité de Tite-Live né à Padoue.

LA VIE DE M. DE MOLIERE.
A PARIS, Chez JACQUES LE FEBVRE, dans la grand' Salle du Palais, au Soleil-d'Or.
M. DCCV.
AVEC PRIVILEGE DU ROI

APROBATION.
J'ai l? par ordre de Monseigneur le Chancelier LA VIE DE MOLIERE, & j'ai cru que le Public la verroit avec plaisir, par l'intérêt qu'il prend à la mémoire d'un auteur si Illustre. FAIT à Paris ce 15e Décembre 1704.
FONTENELLE.
* * * * *
Le Privilége du Roy, en date du 11 Janvier 1705, est au nom de Jean-Leonor LE GALLOIS, SIEUR DE GRIMAREST.

LA VIE DE MR DE MOLIèRE
Il y a lieu de s'étonner que personne n'ait encore recherché la Vie de Mr de Molière pour nous la
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