les verrous. =(Poussant Gennarino.)= Allons, passe devant, paresseux!
=Ils sortent par la droite. Eusèbe tire la porte...=
Scène III
MARIO, CESARE ANGELOTTI
=Mario resté seul, après avoir disposé son étoffe, descend de l'échafaudage pour voir l'effet de loin. Puis tout en sifflotant, il remonte sur l'échafaudage et corrige les plis de la draperie; après quoi il ?te sa veste, pose son tabouret, et s'apprête à travailler... Dès qu'il est remonté sur son estrade, Angelotti para?t derrière la grille de la chapelle à droite, qu'il rouvre sans bruit et sort sans être vu par Mario qui lui tourne le dos; puis il descend vers la porte, et prête l'oreille. A ce moment, Mario, agenouillé pour choisir des vessies dans sa bo?te, l'aper?oit, et, sans changer de posture, l'interpelle.=
MARIO.--Tiens!... Quelqu'un?...
ANGELOTTI, =se retournant.=--Plus bas, je vous prié... Sommes-nous seuls?
MARIO.--Oui. Ah ?a, qui diable êtes-vous, avec ces allures de malfaiteur?
ANGELOTTI,--Un malfaiteur, en effet, pour certaines gens, mais pour vous, non... si j'en crois ce que disaient cet homme et cet enfant.
MARIO, =descendant de l'estrade.=--Tout cela ne m'apprend pas qui vous été...
ANGELOTTI, =résolument.=--Eh bien, soit!... Advienne que pourra! Je suis un prisonnier évadé du chateau Saint-Ange!
MARIO.--Vous?
ANGELOTTI, =vivement.=--Et mon nom ne vous est peut-être pas inconnu. J'étais à Naples un des plus ardents défenseurs de la République parthénopéenne, et, quand elle a succombé, je me suis réfugié à Rome... où l'on m'a fait consul de la République romaine, égorgée comme l'autre... Vous avez pu lire sur toutes les listes de proscription ce nom qui est le mien: Cesare...
MARIO, =vivement.=--Angelotti?...
ANGELOTTI.--Oui!
MARIO, =courant à la porte et tirant les verrous.=--Ah! bon Dieu!... Que ne le disiez-vous plus t?t?
ANGELOTTI.--Dieu soit loué! je ne me suis pas trompé sur votre compte...
MARIO.--Ah! certes, non! Mais comment êtes-vous caché dans cette église?...
ANGELOTTI.--Comment et pourquoi, je vous le dirai; mais, par grace, quelques gouttes de ce vin... Je n'ai rien pris depuis hier, et je n'en puis plus de fatigue et de besoin.
=Il s'assied sur l'escabeau.=
MARIO, =allant vivement au panier, et lui versant à boire dans un gobelet.=--Ah! Certes!... Tenez!... Buvez!... Buvez vite!
ANGELOTTI.--Merci! Ne retirez pas votre main... Quand on n'a plus commerce depuis longtemps qu'avec des ge?liers, des bourreaux et autres animaux malfaisants, vous ne sauriez croire quel plaisir c'est de serrer enfin dans sa main la main d'un homme. =(Il vide le gobelet.)= Ce vin me ranime.
MARIO, =retournant à son panier.=--J'ai mieux à VOUS offrir!... Heureusement. =(Il rapporte le panier qu'il vide en parlait.)= Et comment avez-vous pu vous évader?
ANGELOTTI, =prêt à manger.=--Je n'y suis pour rien... =(S'interrompant pour regarder autour de lui.)= Mais êtes-vous bien sur?...
MARIO.--L'église est vide et close de toute part... Le sacristain lui-même ne peut rentrer par cette porte que si j'en tire les verrous. Nous avons devant nous deux bonnes heures de sécurité pour le moins.
ANGELOTTI, =mangeant.=--Je n'ai pas, vous disais-je, le mérite de mon évasion, qui est l'oeuvre de ma soeur, la marquise Attavanti... La connaissez-vous?
MARIO.--De vue seulement.
ANGELOTTI.--C'est elle qui a tout fait! Hier à la tombée du jour, un porte-clefs gagné par elle, le nommé Trebelli, m'a apporté ces vêtements dans mon cachot dont il m'a ouvert la porte après avoir détaché mes fers. On travaille en ce moment, au chateau Saint-Ange, à réparer les dégats de l'occupation fran?aise. J'ai pu me mêler, à la sortie des ouvrières, et gagner au large. Mais, à cette heure-là, les portes de la ville sont fermées, de l'Angélus du soir à l'Angélus du matin. Me réfugier chez ma soeur? Impossible... Le marquis Attavanti, mon beau-frère, est un fanatique, du tr?ne et de l'autel, qui serait homme à me livrer lui-même au bourreau; non par méchanceté--l'imbécile n'est pas méchant--mais par courtisanerie, par peur et conscience de son devoir!... Où trouver asile pour la nuit?... Ma soeur avait prévu le cas. Les Angelotti, fondateurs de cette église, y ont leur chapelle dont seuls ils gardent la clef... elle y a déposé hier des vêtements de femme, le voile, la mante, jusqu'à l'éventail, pour cacher mon visage au besoin, et des rasoirs, des ciseaux, etc., tout ce qui peut servir à me rendre méconnaissable; la clef m'a été remise par Trebelli, j'ai pu me glisser dans cette chapelle avant la fermeture des portes de l'église, y passer toute la nuit, et le jour venu, m'y couper les cheveux et la barbe. J'attendais Trebelli ce matin. Lui seul entrant dans mon cachot, mon évasion ne devait être constatée qu'à la visite réglementaire de demain. Il était donc convenu que Trebelli ferait son service à l'ordinaire, et qu'après s'être entendu avec un voiturier, il viendrait me prendre ici à l'heure de la grand'messe. Je sortais avec lui sous mes habits de femme, nous montions en voiture, et nous allions à Frascati rejoindre ma soeur qui, partie ce matin, y prépare toutes choses pour ma sortie des Etats-Romains. Trebelli n'a pas paru, et je n'ai su que résoudre,
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