La Terre (Les Rougon-Macquart.
Histoire Naturelle et Sociale
d'une Famille sous le Second
Empire, vol 15) [French, with
accents]
The Project Gutenberg EBook of La Terre, by Emile Zola Copyright
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Title: La Terre
Author: Emile Zola
Release Date: July, 2005 [EBook #8563] [This file was first posted on
July 23, 2003]
Edition: 10
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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Christine De Ryck Carlo Traverso, Charles Franks and the Online
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Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr.
LES ROUGON-MACQUART
HISTOIRE NATURELLE ET SOCIALE D'UNE FAMILLE SOUS LE
SECOND EMPIRE
LA TERRE
Par ÉMILE ZOLA
LA TERRE
PREMIÈRE PARTIE
I
Jean, ce matin-là, un semoir de toile bleue noué sur le ventre, en tenait
la poche ouverte de la main gauche, et de la droite, tous les trois pas, il
y prenait une poignée de blé, que d'un geste, à la volée, il jetait. Ses
gros souliers trouaient et emportaient la terre grasse, dans le
balancement cadencé de son corps; tandis que, à chaque jet, au milieu
de la semence blonde toujours volante, on voyait luire les deux galons
rouges d'une veste d'ordonnance, qu'il achevait d'user. Seul, en avant, il
marchait, l'air grandi; et, derrière, pour enfouir le grain, une herse
roulait lentement, attelée de deux chevaux, qu'un charretier poussait à
longs coups de fouet réguliers, claquant au-dessus de leurs oreilles.
La parcelle de terre, d'une cinquantaine d'ares à peine, au lieu dit des
Cornailles, était si peu importante, que M. Hourdequin, le maître de la
Borderie, n'avait pas voulu y envoyer le semoir mécanique, occupé
ailleurs. Jean, qui remontait la pièce du midi au nord, avait justement
devant lui, à deux kilomètres, les bâtiments de la ferme. Arrivé au bout
du sillon, il leva les yeux, regarda sans voir, en soufflant une minute.
C'étaient des murs bas, une tache brune de vieilles ardoises, perdue au
seuil de la Beauce, dont la plaine, vers Chartres, s'étendait. Sous le ciel
vaste, un ciel couvert de la fin d'octobre, dix lieues de cultures étalaient
en cette saison les terres nues, jaunes et fortes, des grands carrés de
labour, qui alternaient avec les nappes vertes des luzernes et des trèfles;
et cela sans un coteau, sans un arbre, à perte de vue, se confondant,
s'abaissant, derrière la ligne d'horizon, nette et ronde comme sur une
mer. Du côté de l'ouest, un petit bois bordait seul le ciel d'une bande
roussie. Au milieu, une route, la route de Châteaudun à Orléans, d'une
blancheur de craie, s'en allait toute droite pendant-quatre lieues,
déroulant, le défilé géométrique des poteaux du télégraphe. Et rien
autre, que trois ou quatre moulins de bois, sur leur pied de charpente,
les ailes immobiles. Des villages faisaient des îlots de pierre, un clocher
au loin émergeait d'un pli de terrain, sans qu'on vît l'église, dans les
molles ondulations de cette terre du blé.
Mais Jean se retourna, et il repartit, du nord au midi, avec son
balancement, la main gauche tenant le semoir, la droite fouettant l'air
d'un vol continu de semence. Maintenant, il avait devant lui, tout
proche, coupant la plaine ainsi qu'un fossé, l'étroit vallon de l'Aigre,
après lequel recommençait la Beauce, immense, jusqu'à Orléans. On ne
devinait les prairies et les ombrages qu'à une ligne de grands peupliers,
dont les cimes jaunies dépassaient le trou, pareilles, au ras des bords, à
de courts buissons. Du petit village de Rognes, bâti sur la pente,
quelques toitures seules étaient en vue, au pied de l'église, qui dressait
en haut son clocher de pierres grises, habité par des familles de
corbeaux très vieilles. Et, du côté de l'est, au delà de la vallée du Loir,
où se cachait à deux lieues Cloyes, le chef-lieu du canton, se profilaient,
les lointains coteaux du Perche, violâtres sous le jour ardoisé. On se
trouvait là dans
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