La San-Felice, Tome V | Page 9

Alexandre Dumas, père
peine �� la volont�� la facult�� de s'exprimer. Elle passa donc, presque sans s'en apercevoir, des bras du chevalier dans ceux de son fr��re de lait.
Le chevalier s'approcha r��solument de la barque, et, au moment o��, �� l'aide d'une gaffe, deux hommes la maintenaient, sinon immobile, du moins proche du rivage, il sauta dans l'embarcation en criant:
--Au large!
--Et la petite dame? demanda le patron.
--Elle reste, dit San-Felice.
--Le fait est, r��pliqua le patron, que ce n'est pas l�� un temps �� embarquer des femmes. Nagez, mes gar?ons! nagez d'ensemble, et vivement!
En une seconde, la barque fut �� dix brasses du rivage.
Tout cela s'��tait pass�� si rapidement, que Luisa n'avait pas eu le temps de deviner la r��solution de son mari, et, par cons��quent, de la combattre.
En voyant la barque s'��loigner, elle jeta un cri:
--Et moi! et moi! dit-elle en essayant de s'arracher des bras de Michele pour suivre son mari, et moi! vous m'abandonnez donc?
--Que dirait ton p��re, �� qui j'ai promis de veiller sur toi, en me voyant t'exposer �� un pareil danger? r��pondit San-Felice en haussant la voix.
--Mais je ne puis rester �� Naples! cria Luisa en se tordant les bras; je veux partir, je veux vous suivre! A moi, Luciano! si je reste, je suis perdue!
Le chevalier ��tait d��j�� loin; une rafale de vent apporta ces mots:
--Michele, je te la confie!
--Non, non, cria Luisa d��sesp��r��e; �� personne qu'�� toi, Luciano! Tu ne sais donc pas! je l'aime!
Et, en jetant au chevalier ces derniers mots, dans lesquels Luisa avait mis tout ce qui lui restait de force, son ame sembla l'abandonner.
Elle s'��vanouit.
--Luisa! Luisa! fit Michele en essayant vainement de rappeler sa soeur de lait �� la vie.
--Anank��! murmura une voix derri��re Michele.
Le lazzarone se retourna.
Une femme ��tait debout derri��re eux, et, �� la lueur d'un ��clair, il reconnut l'Albanaise Nanno, qui, voyant le chevalier parti pour la Sicile et Luisa rester �� Naples, pronon?ait en grec le mot myst��rieux et terrible que nous avons donn�� pour titre �� ce chapitre: FATALIT��.
Au m��me moment, la barque qui emportait le chevalier disparaissait derri��re la sombre et massive construction du chateau de l'Oeuf.

LXXVIII
JUSTICE DE DIEU.
Le 22 d��cembre au matin, c'est-��-dire le lendemain du jour et de la nuit o�� s'��taient accomplis les ��v��nements que nous venons de raconter, des groupes nombreux stationnaient d��s le point du jour devant des affiches aux armes royales appos��es pendant la nuit sur les murailles de Naples.
Ces affiches renfermaient un ��dit d��clarant que le prince de Pignatelli ��tait nomm�� vicaire du royaume, et Mack lieutenant g��n��ral.
Le roi promettait de revenir de la Sicile avec de puissants secours.
La v��rit�� terrible ��tait donc enfin r��v��l��e aux Napolitains. Toujours lache, le roi abandonnait son peuple, comme il avait abandonn�� son arm��e. Seulement, cette fois, en fuyant, il d��pouillait la capitale de tous les chefs-d'oeuvre recueillis depuis un si��cle, et de tout l'argent qu'il avait trouv�� dans les caisses.
Alors, ce peuple d��sesp��r�� courut au port. Les vaisseaux de la flotte anglaise, retenus par le vent contraire, ne pouvaient sortir de la rade. A la banni��re flottant �� son mat, on reconnaissait celui qui portait le roi: c'��tait, comme nous l'avons dit, le Van-Guard.
En effet, vers les quatre heures du matin, ainsi que l'avait pr��vu le comte de Thurn, le vent ��tant un peu tomb��, la mer avait calmi; et, apr��s avoir pass�� la nuit dans la maison de l'inspecteur du port, sans pouvoir se r��chauffer, les fugitifs s'��taient remis en mer et �� grand'peine avaient abord�� le vaisseau de l'amiral.
Les jeunes princesses avaient eu faim et avaient soup�� avec des anchois sal��s, du pain dur et de l'eau. La princesse Antonia, la plus jeune des filles de la reine, raconte ce fait et d��crit ses angoisses et celles de ses augustes parents pendant cette terrible nuit.
Quoique la mer f?t encore horriblement houleuse et le port mal garanti, l'archev��que de Naples, les barons, les magistrats et les ��lus du peuple mont��rent dans des barques, et, �� force d'argent, ayant d��cid�� les plus braves patrons �� les conduire, all��rent supplier le roi de revenir �� Naples, promettant de sacrifier �� la d��fense de la ville jusqu'�� la derni��re goutte de leur sang.
Mais le roi ne consentit �� recevoir que le seul archev��que, monseigneur Capece Zurlo, lequel, malgr�� ses pri��res, ne put en tirer que ces paroles:
--Je me fie �� la mer, parce que la terre m'a trahi.
Au milieu de ces barques, il y en avait une qui conduisait un homme seul. Cet homme, v��tu de noir, tenait son front abaiss�� dans ses mains, et, de temps en temps, relevait sa t��te pale pour regarder d'un oeil hagard si l'on approchait du vaisseau qui servait d'asile au roi.
Le vaisseau, comme nous l'avons dit, ��tait entour�� de barques; mais, devant cette barque isol��e et cet homme seul, les barques s'��cart��rent.
Il ��tait facile de voir que
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