je voulus alors la saisir entre mes bras et la retenir, mais elle disparut. Je m'élan?ai hors du lit, je courus dans la chambre de mon père; une bougie br?lait, je m'approchai d'une glace; ce que j'avais pris pour une larme, c'était une goutte de sang qui était tombée de sa blessure; mon père, réveillé par moi, écouta mon récit tranquillement et me dit en souriant:
?--Demain, la blessure sera fermée.
?Le lendemain, j'avais tué le meurtrier de ma mère.
Luisa, épouvantée, cacha sa tête dans l'oreiller du blessé.
--Deux fois depuis cette nuit, je l'ai revue, continua Salvato d'une voix presque éteinte; mais, comme elle était vengée, la tache de sang avait disparu de son front.
Soit fatigue, soit émotion, en achevant ce récit, bien long pour ses forces, Salvato retomba pale et épuisé sur son chevet.
Luisa poussa un cri.
Le blessé, la bouche haletante et les yeux fermés, était retombé sur son lit.
Luisa s'élan?a vers la porte, et, en l'ouvrant, faillit renverser Nina, qui écoutait, l'oreille collée à cette porte.
Mais elle ne fit qu'une légère attention à cet incident.
--L'éther! demanda-t-elle, l'éther! Il se trouve mal.
--L'éther est dans la chambre de madame, répondit Nina.
Luisa ne fit qu'un bond jusqu'à sa chambre, mais chercha vainement; lorsqu'elle revint près du blessé, Giovannina soutenait la tête de Salvato sur son bras, et, en la pressant contre sa poitrine, lui faisait respirer le flacon.
--Ne m'en veuillez pas, madame, lui dit Nina, le flacon était sur la cheminée derrière la pendule; en vous voyant si troublée, j'ai moi-même perdu la tête; mais tout est pour le mieux; voici M. Salvato qui revient à lui.
En effet, le jeune homme rouvrit les yeux, et ses yeux, en se rouvrant, cherchaient Luisa.
Giovannina, qui vit la direction de son regard, reposa doucement la tête du blessé sur l'oreiller et gagna l'embrasure d'une fenêtre, où elle essuya une larme, tandis que Luisa revenait prendre sa place au chevet du malade, et que Michele, passant sa tête par la porte restée entr'ouverte, demandait:
--As-tu besoin de moi, petite soeur?
XXXVIII
ANDRé BACKER
L'ame tout entière de Luisa était passée dans ses yeux, et ses yeux étaient fixés sur ceux de Salvato, qui, reconnaissant la jeune femme dans celle qui lui donnait des soins, revenait à lui avec un sourire.
Il rouvrit complétement les yeux et murmura:
--Oh! mourir ainsi!
--Oh! non, non! pas mourir! s'écria Luisa.
--Je sais bien qu'il vaudrait mieux vivre ainsi, continua Salvato; mais...
Il poussa un soupir dont le souffle fit frémir les cheveux de la jeune femme et passa sur son visage comme l'haleine br?lante du sirocco.
Elle secoua la tête, sans doute pour écarter le fluide magnétique dont l'avait enveloppée ce soupir de flamme, reposa la tête du blessé sur l'oreiller, s'assit sur le fauteuil auquel s'appuyait le chevet du lit; puis, se tournant vers Michele et répondant un peu tardivement peut-être à sa question:
--Non, je n'ai plus besoin de toi, dit-elle, heureusement; mais entre toujours, et vois comme notre malade va bien.
Michele s'approcha sur la pointe du pied, comme s'il e?t eu peur d'éveiller un homme endormi.
--Le fait est qu'il a meilleur mine que lorsque nous l'avons quitté, la vieille Nanno et moi.
--Mon ami, dit la San-Felice au blessé, c'est le jeune homme qui, dans la nuit où vous avez failli être assassiné, nous a aidés à vous porter secours.
--Oh! je le reconnais, dit Salvato en souriant; c'est lui qui pilait les herbes que cette femme que je n'ai pas revue appliquait sur ma blessure.
--Il est revenu depuis pour vous voir, car, comme nous tous, il prend un grand intérêt à vous; seulement, on ne l'a point laissé entrer.
--Oh! mais je ne me suis point faché de cela, dit Michele; je ne suis pas susceptible, moi.
Salvato sourit et lui tendit la main.
Michele prit la main que Salvato lui tendait et la regarda en la retenant dans les siennes.
--Vois donc, petite soeur, dit-il, on dirait une main de femme; et quand on pense que c'est avec cette petite main-là qu'il a donné le fameux coup de sabre au becca?o; car vous lui avez donné un fameux coup de sabre, allez!
Salvato sourit.
Michele regarda autour de lui.
--Que cherches-tu? demanda Luisa.
--Je cherche le sabre, maintenant que j'ai vu la main; ce doit être une fière arme.
--Il t'en faudrait un comme celui-là quand tu seras colonel, n'est-ce pas, Michele? dit en riant Luisa.
--M. Michele sera colonel? demanda Salvato.
--Oh! ?a ne peut plus me manquer maintenant, répondit le lazzarone.
--Et comment cela ne peut-il plus te manquer? demanda Luisa.
--Non, puisque la chose m'a été prédite par la vieille Nanno, et que tout ce qu'elle t'a prédit, à toi, se réalise.
--Michele! fit la jeune femme.
--Voyons: ne t'a-t-elle pas prédit qu'un beau jeune homme qui descendait du Pausilippe courait un grand danger, qu'il était menacé par six hommes, et que ce serait un grand bonheur pour toi s'il était tué par ces six hommes, attendu que tu devais
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