du jour, et qu'ils se rassemblaient chaque matin au
même lieu. Il est clair qu'il fallait rompre le conseil pour se coucher
d'assez bonne heure et être en état de surprendre les sangliers. S'ils se
fussent échappés, que devenait la gloire de Ferdinand?
»Une autre fois, dans le même lieu et dans les mêmes circonstances,
trois coups de sifflet se firent entendre; c'était encore un signal entre le
roi et son piqueur; mais la reine et ceux qui assistaient au conseil ne
prirent point cette plaisanterie en bonne part; le roi seul s'en amuse,
ouvre promptement une fenêtre et donne audience à son piqueur, qui lui
annonce une pose d'oiseaux, ajoutant que Sa Majesté n'avait pas un
instant à perdre si elle voulait avoir le plaisir d'un coup heureux.
»Le dialogue terminé, Ferdinand revint avec précipitation et dit à la
reine:
»--Ma chère maîtresse, préside à ma place et finis comme tu l'entendras
l'affaire qui nous rassemble.»
LA PÊCHE ROYALE.
«On croit écouter un conte fait à plaisir lorsque l'on entend dire
non-seulement que le roi de Naples pêche, mais encore qu'il vend
lui-même le poisson qu'il a pris; rien de plus vrai: j'ai assisté à ce
spectacle amusant et unique en son genre, et je vais en offrir le tableau.
»Ordinairement, le roi pêche dans cette partie de la mer qui est voisine
du mont Pausilippe, à trois ou quatre milles de Naples; après avoir fait
une ample capture de poissons, il retourne à terre; et, quand il est
débarqué, il jouit du plaisir le plus vif qui soit pour lui dans cet
amusement: on étale sur le rivage tout le produit de la pêche, et alors
les acheteurs se présentent et font leur marché avec le monarque
lui-même. Ferdinand ne donne rien à crédit, il veut même toucher
l'argent avant de livrer sa marchandise et témoigne une méfiance fort
soupçonneuse. Alors, tout le monde peut s'approcher du roi, et les
lazzaroni ont surtout ce privilége, car le roi leur montre plus d'amitié
qu'à tous les autres spectateurs; les lazzaroni ont pourtant des égards
pour les étrangers qui veulent voir le monarque de près. Lorsque la
vente commence, la scène devient extrêmement comique; le roi vend
aussi cher qu'il est possible, il prône son poisson en le prenant dans ses
mains royales et en disant tout ce qu'il croit capable d'en donner envie
aux acheteurs.
»Les Napolitains, qui sont ordinairement très-familiers, traitent le roi,
dans ces occasions, avec la plus grande liberté et lui disent des injures
comme si c'était un marchand ordinaire de marée qui voulût surfaire; le
roi s'amuse beaucoup de leurs invectives, qui le font rire à gorge
déployée; il va ensuite trouver la reine et lui raconte tout ce qui s'est
passé à la pêche et à la vente du poisson, ce qui lui fournit un ample
sujet de facéties; mais, pendant tout le temps que le roi s'occupe à la
chasse et à la pêche, la reine et les ministres, comme nous l'avons dit,
gouvernent à leur fantaisie et les affaires n'en vont pas mieux pour
cela.»
Attendez, et le roi Ferdinand va nous apparaître sous un nouvel aspect.
Cette fois, nous n'interrogerons plus Gorani, le voyageur qui un instant
l'entrevoit vendant son poisson ou passant au galop pour se rendre à un
rendez-vous de chasse; nous nous adresserons à un familier de la
maison, Palmieri de Micciche, marquis de Villalba, amant de la
maîtresse du roi, qui va nous montrer celui-ci dans tout le cynisme de
sa lâcheté.
Écoutez donc; c'est le marquis de Villalba qui parle, et qui parle dans
notre langue:
»Vous connaissez, n'est-ce pas? les détails de la retraite de Ferdinand,
de sa fuite, pour parler plus exactement, lors des événements de la
basse Italie, à la fin de l'année 1798. Je les rappellerai en deux mots.
»Soixante mille Napolitains, commandés par le général autrichien
Mack, et encouragés par la présence de leur roi, s'avançaient
triomphalement jusqu'à Rome, lorsque Championnet et Macdonald, en
réunissant leurs faibles corps, tombent sur cette armée et la mettent en
déroute.
»Ferdinand se trouvait à Albano, lorsqu'il apprit cette foudroyante
défaite.
»--Fuimmo! fuimmo! se prit-il à crier.
»Et il fuyait en effet.
»Mais, avant de monter en voiture:
»--Mon cher Ascoli, dit-il à son compagnon, tu sais combien il
fourmille de jacobins par le temps qui court! Ces fils de p...... n'ont
d'autre idée que de m'assassiner. Faisons une chose, changeons d'habits.
En voyage, tu seras le roi, et moi, je serai le duc d'Ascoli. De cette
manière, il y aura moins de danger pour moi.
»Ainsi dit, ainsi fait: le généreux Ascoli souscrit avec joie à cette
incroyable proposition; il s'empresse d'endosser l'uniforme du roi et lui
donne le sien en échange, puis il prend la droite dans la voiture, et
fouette cocher!
»Nouveau Dandino, le
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