La Saga de Njal | Page 3

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l'argent qui doit être payé
pour les amendes.
Elle l'a suivi dans la mort, alors qu'elle était libre de sortir, que même
son ennemi l'engageait à le faire, ne voulant pas avoir ce meurtre sur la

conscience. Bergthora est généralement peinte en quelques traits, courts
et frappants. Il n'en fallait pas davantage. Compagne de son mari, elle
ne pouvait pas avoir plus de relief, et cependant nous la connaissons
parfaitement. En effet, elle se révèle en quelque sorte dans son fils
Skarphjedin. Celui-ci a sans doute quelque chose du calme de son père,
mais c'est aussi Bergthora en homme. Il est le vrai portrait de sa mère,
mais à la façon d'un homme, avec la force indomptable d'un homme.
Elle ne veut pas abandonner son mari, mais c'est aussi une grande
question de savoir si Skarphjedin veut réellement abandonner la maison
en flammes, si lui, qui n'a jamais fui, fuira aujourd'hui, même pressé
par le feu; s'il veut qu'on puisse dire un jour de lui ce que plus tard on a
dit de Kari, qu'il s'est échappé par la ruse, d'entre ses ennemis, parce
qu'il le fallait bien. Il résiste noblement aux instances de son beau frère
Kari. Celui-ci trouve qu'il est dans l'ordre qu'on sauve sa vie quand on
peut, mais Skarphjedin attend; il s'élance enfin sur la poutre qui se
rompt et il est précipité dans le feu. Ce qui est évident, tout au moins,
c'est que l'auteur n'a pas voulu le laisser fuir, et qu'aussi bien nous lui
en voudrions de l'avoir fait, c'est que Skarphjedin n'a rempli sa destinée
que quand il meurt luttant contre le feu et, même vaincu par cet ennemi,
le plus terrible des ennemis de l'homme, meurt sans que son courage
faiblisse ou que sa force tombe. Il chante alors son chant du cygne, et
l'auteur a encore mis là, récit historique ou oeuvre d'imagination, peu
importe, tout ce que l'art peut exiger.
Dans la seconde partie du récit, qui se rattache étroitement et
immédiatement à la première, Flosi se présente à nous en plein
contraste avec Njal. Flosi est maintenant ce que Njal a été jusque là, le
centre autour duquel tout vient se grouper. Quoiqu'il commande la
vengeance par l'incendie, ce n'est pourtant pas un homme vindicatif ni
méchant. L'acte qu'il exécute est un acte qu'il est obligé de commettre
par devoir, et il y est poussé de la façon la plus terrible. Chez lui
comme chez Njal, on trouve dans tous les moments difficiles un
jugement calme et sûr; et à ce point de vue il fait contraste avec les
autres caractères, plus farouches. L'auteur a su le saisir et s'en servir
pour donner au récit la conclusion la plus naturelle et en même temps la
plus intéressante. Les deux plus coupables parmi les incendiaires
doivent mourir de la main de Kari, mais Flosi et lui vont tous deux en

pèlerinage à Rome et reçoivent l'absolution; et c'est un beau spectacle
de voir comment le christianisme introduit un esprit d'apaisement dans
une action inspirée au début par toute la sauvagerie du paganisme, de
voir comment Kari revient, fait naufrage, et se rend à la demeure de son
ennemi pour lui demander l'hospitalité, comment ils se donnent l'un à
l'autre le baiser de paix et se réconcilient pour toujours.
Ces quelques remarques, n'ont pour but que d'appeler l'attention du
lecteur sur ce récit considéré comme oeuvre d'art. Il ne serait pas
difficile de pénétrer encore plus avant dans l'étude de l'action et des
caractères, mais il n'y a rien de plus fastidieux au monde que d'analyser
la beauté. Il faut se contenter de dire: Regarde si elle est là. Celui qui ne
peut la voir ni la reconnaître, qu'il reste aveugle! Pour ma part, je me
crois en droit de déclarer que tout en voyant dans cet écrit un récit
pleinement historique, je le crois propre à fournir à l'art moderne des
sujets excellents. Ne serait-ce pas, par exemple, un sujet fait pour un
peintre que de nous montrer la maison de Njal en flammes; au milieu
de la maison Njal et sa femme qui, avec leur jeune garçon entre eux, se
sont couchés pour leur dernier sommeil, tandis qu'un serviteur, debout à
côté du lit, étend sur eux une peau de boeuf, et dans un autre coin du
tableau Skarphjedin et son frère, les pieds à moitié brûlés, peut-être
même Grim mortellement frappé et luttant contre la mort; ou bien
encore que de nous montrer Skarphjedin, vaincu par la douleur,
enfonçant sa hache dans la poutre, tandis que diverses figures
d'incendiaires grimpés çà et là sur la maison, contemplent cette scène,
animés des sentiments les plus différents. Ne serait-ce pas encore un
sujet convenable pour un tableau, que la scène de Flosi avec Hildigunn,
au moment où il rejette loin de
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