La Recluse | Page 9

Pierre Zaccone
le commandant, la jeune femme et Bob, le petit mousse.
Quand ils atteignirent la c?te, il ��tait cinq heures environ.
La bourrasque s'��tait tout �� fait calm��e; la mer ��tait unie comme un lac; de chaque c?t�� de l'embarcation, le regard plongeait en des profondeurs limpides, o�� l'on distinguait une v��g��tation vigoureuse, aux tons color��s, o�� se m��laient les foug��res h��riss��es, de v��ritables parterres ��maill��s de p��pites azur��es, ou encore de longs rubans de lianes globuleuses ou tubul��es. C'��tait comme une f��te des yeux; de temps �� autre, s'��lan?aient du flanc des rochers aigus et noirs des arbres gigantesques dont les branches charg��es de fleurs ��clatantes se balan?aient mollement au mouvement du flux et du reflux.
Gaston de Pradelle avait rarement observ�� un pareil spectacle, et s'abandonnait �� l'admiration qu'il ��veillait en lui.
Quant �� miss Fanny Stevenson, elle semblait indiff��rente �� tout, absorb��e dans une pens��e unique, ne songeant qu'�� son but.
Elle s'��tait rejet��e �� l'arri��re de l'embarcation, avait serr�� fortement sa mante autour de sa taille, son voile ��pais sur ses cheveux.
Ainsi accot��e, elle gardait le silence, et pendant tout le temps elle ne prof��ra pas une parole.
Seulement, quand on approcha de terre, elle parut ��prouver comme une secousse nerveuse, se dressa sur son s��ant, et, ��cartant brusquement son voile, elle jeta un regard plein de flamme sur la rive.
-- Qu'avez-vous? interrogea Gaston, rappel�� par ce mouvement �� la r��alit�� de la situation.
-- Nous approchons! fit la jeune femme.
-- Vous reconnaissez la c?te?
Un sourire amer crispa la l��vre de miss Stevenson, pendant qu'un frisson secouait ses ��paules.
-- Depuis dix ann��es, r��pondit-elle, tout cela a bien chang��; la nature ne vieillit pas, et l'age ne fait que l'embellir. Ce bourg, que vous apercevez maintenant derri��re ces bouquets d'arbres, n'��tait autrefois qu'un pauvre petit refuge de p��cheurs; maintenant c'est presque une ville.
-- Est-ce l�� que vous habitiez?
Miss Stevenson ��tendit la main vers un point de la rive.
-- Tenez, dit-elle avec un sanglot mal ��touff��, vous voyez cette petite maison blanche, �� moiti�� cach��e aujourd'hui par un ��pais rideau de peupliers et de tamaris, il y a dix ans, elle ��tait humble et pauvre, et le sol, autour d'elle, ��tait pel�� et nu. C'est l�� que j'ai pass�� les plus doux instants de ma vie, assise aupr��s du berceau de ma fille. C'est de l�� aussi que j'ai ��t�� violemment arrach��e, pour ��tre jet��e dans cette prison o�� vous m'avez trouv��e.
-- Est-ce de ce c?t�� qu'il faut gouverner? demanda Gaston.
-- Si vous le voulez bien, r��pondit miss Stevenson.
La c?te n'��tait plus qu'�� une faible distance, il y avait l�� une petite crique de sable fin, au-dessus de laquelle le bourg s'��levait en amphith��atre. Gaston y dirigea l'embarcation, et peu apr��s, il sautait �� terre et aidait la jeune femme �� en faire autant.
Celle-ci avait repris toute son ��nergie; d��s qu'elle eut senti le sol sous ses pieds, elle prit r��solument le bras du commandant, et l'entra?na vers la maison qu'elle avait d��sign��e.
Une fois qu'elle en eut atteint le seuil, elle abandonna brusquement le jeune marin et ne tarda pas �� dispara?tre dans le jardin.
Elle resta absente quelques minutes.
Quand elle revint, Gaston remarqua qu'elle ��tait plus pale encore et qu'elle semblait plus oppress��e et plus sombre.
-- Eh bien? fit-il avec un vif int��r��t.
-- Rien, r��pondit miss Stevenson, les gens que je viens d'interroger n'habitent le pays que depuis peu de temps. Ils ne savent rien du pass��, et ont ouvert de grands yeux quand j'ai prononc�� le nom que je portais autrefois.
-- Alors, vous n'avez obtenu aucun renseignement?
-- Ils ignorent ce qu'est devenue mon enfant; mais ils m'ont donn�� l'adresse d'un colon qui, peut-��tre, me le dira.
-- L'ami de votre p��re?
-- Oui, Monsieur, Georges-Adam Palmer est tr��s connu, para?t-il, dans le bourg de Smeaton. Ah! il n'a pas chang��, celui-l��, et les r��f��rences que j'ai recueillies sont peu flatteuses. Sensuel, brutal, ivrogne et voleur, on l'a, pour ainsi dire, mis en quarantaine depuis quelques ann��es, et il habite dans un enclos situ�� �� l'extr��mit�� nord, vivant de rapines, adonn�� �� toutes les d��bauches.
-- Et vous ne craignez pas d'affronter un pareil homme? objecta Gaston en fron?ant les sourcils.
-- Je ne crains rien, puisque vous m'avez promis de m'accompagner.
Le jeune officier approuva du geste.
-- Vous avez raison, dit-il, je suis �� vos ordres. Seulement, c'est moi, maintenant, qui vous prierai de vous hater, car la nuit vient vite, et nous avons �� peine une heure devant nous.
Ils s'��loign��rent et se mirent �� gravir la rampe par laquelle on montait sur les hauteurs du bourg de Smeaton.
�� quelques pas derri��re marchait lentement le petit Bob.
�� mesure qu'ils avan?aient, les habitations devenaient plus rares et le sentier plus ��troit... C'��tait, �� droite et �� gauche, des terrains vagues, o�� l'on ne remarquait aucune trace de travail humain. De loin en loin seulement, quelques mauvaises cabanes ��videmment abandonn��es, ou de
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