La Recluse | Page 2

Pierre Zaccone
il prit imm��diatement possession de son poste.
Mais que pouvait-il en pareille occurrence?... Le mieux ��tait encore de s'en remettre �� l'Atalante, et c'est ce qu'il fit, attendant gravement une accalmie.
Du reste, la jolie go��lette ne paraissait gu��re se douter du danger qu'elle courait; au milieu du d��sordre indescriptible des lames soulev��es, fouett��es, d��chir��es par les lani��res sifflantes du vent, sans prendre souci de ces mille voix qui hurlaient autour d'elle, s'injuriant dans les t��n��bres avec des intonations de cat��chisme poissard, elle allait, inconsciente, tant?t s'abandonnant au roulis qui la ber?ait avec violence, tant?t trempant ses flancs, avides de caresses, dans les baignoires d'��cume que le cyclone lui creusait entre deux vagues!
On e?t dit qu'�� chaque instant l'ouragan redoublait d'intensit�� et de furie, s'acharnant pour ainsi dire, contre le fr��le et gracieux navire qui semblait narguer sa rage impuissante.
Gaston de Pradelle demeurait impassible, mesurant d'un oeil calme l'immensit�� du danger, donnant, de temps �� autre, quelque ordre, en apparence insignifiant, mais qui avait pour effet salutaire de maintenir la communication entre l'��quipage et le chef.
Les matelots savaient ainsi que le commandant ��tait l��, partageant le p��ril commun; et ce dernier s'assurait en m��me temps que ses hommes restaient �� ses c?t��s, intr��pides, d��vou��s, fid��les �� l'honneur et au devoir jusqu'�� la mort!
Cinq heures se pass��rent de la sorte.
Cinq heures! pendant lesquelles le terrible ouragan n'accorda pas une seconde de tr��ve.
Le vent ne cessa pas de souffler avec la m��me violence, aucun rayon ne vint ��clairer les sombres t��n��bres qui enveloppaient l'Atalante comme d'un linceul, et les vagues irrit��es continu��rent de menacer de leurs ��treintes mortelles la d��licate ossature de la pauvre petite go��lette.
Si cette situation s'��tait prolong��e davantage; c'en ��tait fait d'elle et de son vaillant ��quipage.
Mais Dieu veillait, et il ne voulut pas que cela f?t.
Les marins croient encore �� la Providence, et peut-��tre, en effet, fut-ce elle seule qui les arracha, sains et saufs, du plus ��pouvantable cyclone qui se soit d��cha?n�� sur l'Oc��an.
La temp��te avait commenc�� �� minuit.
Vers cinq heures, Gaston de Pradelle ��tait toujours debout, tenant lui-m��me la barre, aveugl�� par la rafale, tremp�� par les paquets de mer, cherchant vainement �� p��n��trer ce mur de t��n��bres qui s'interposait entre lui et l'infini.
Rien, jusque-l��, n'avait entam�� ni son ��nergie, ni son courage, son coeur ne battait pas plus vite; aucune paleur n'��tait mont��e �� son front.
Mais il est des limites �� la force humaine; depuis quelques minutes, il sentait la fatigue envahir ses membres, et redoutait vaguement quelque d��faillance. Il se raidissait cependant, bien r��solu �� mourir entier �� son poste; mais d��j�� une sueur moite mouillait ses tempes; un voile glissait sur ses yeux; �� deux ou trois reprises, ses doigts se crisp��rent comme affol��s sur le m��tal de la barre...
Il ��tait perdu!
Tout �� coup, un cri s'��chappa de ses l��vres, un immense soupir de soulagement souleva sa poitrine, et ses regards, subitement illumin��s de deux lueurs fulgurantes, s'attach��rent avec une fixit�� farouche vers un coin du ciel.
Le vacarme ne s'��tait point tu; pourtant, chose ��trange, sur le pont, tout le monde avait entendu ce cri bizarre, et, m? par un m��me sentiment, chacun s'��tait tourn�� vers le commandant.
Sa silhouette vigoureuse se d��tachait de l'ombre, et on le vit diriger son bras vers l'horizon.
Qu'y avait-il de ce c?t��?
Un rien... qui ��tait le salut!...
Une ligne, imperceptible encore, rayait le ciel, et m��lait aux derni��res ombres de la nuit une teinte rose et claire qui ��tait le signe certain de la fin de l'ouragan.
Du reste, et comme par enchantement, le vent perdit presque aussit?t son apre violence; la houle sembla se calmer presque instantan��ment, et, au bout d'une demi-heure, quand le jour vint, il ne restait plus autour de l'Atalante que ces brumes l��g��res du matin, qu'un rayon de soleil suff?t �� dissiper.
Gaston de Pradelle avait fait distribuer un quart de vin �� ses matelots, pour les r��conforter apr��s le rude assaut qu'ils venaient d'essuyer, et au lieu de descendre pour se reposer lui- m��me dans sa chambre, il ��tait demeur�� sur le pont avec Maxime de Palonier.
Une derni��re inqui��tude lui restait: apr��s la nuit qu'il venait de passer, il se demandait avec appr��hension dans quels parages le cyclone pouvait bien les avoir pouss��s...
Et, arm�� de sa longue-vue, il interrogeait l'horizon, cherchant un point de rep��re qui p?t le fixer.
-- Tu ne vois rien? dit Maxime de Palonier, qui l'observait avec int��r��t.
-- Non, rien encore, r��pondit Gaston.
Il faisait maintenant grand jour... les nuages fuyaient au loin, chass��s par les derniers efforts de la rafale; le regard embrassait sans obstacle toute l'immensit��.
-- Comment marchons-nous? dit alors le commandant.
-- Nous filons six noeuds �� l'heure, lui r��pondit Maxime.
-- Et nous ��tions, vers minuit, �� trente milles sud-sud-ouest de Terre-Neuve?
-- Pr��cis��ment.
-- C'est bizarre.
Il allait suspendre ses observations, quand, brusquement, il s'arr��ta et se reprit �� regarder avec une nouvelle attention.
-- Ah!
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