qui habitent ces pays devinssent des états indépendants. Je pense, comme notre ministre des affaires étrangères, que cette solution est encore aujourd'hui celle qui répond le mieux aux intérêts de notre monarchie et que celle-ci, repoussant toute idée d'agrandissement ou de conquête, doit employer tous ses efforts et toute son influence à favoriser le développement de ces états et à empêcher l'établissement, non admis par les traités, du protectorat ou de l'influence prépondérante d'une puissance étrangère dans la presqu'?le des Balkans... Le gouvernement s'en tient à l'opinion déjà plusieurs fois exprimée par lui que, d'après les traités existants, aucune puissance n'est autorisée à prendre dans la péninsule des Balkans l'initiative d'une action armée isolée, non plus qu'à placer cette région sous son protectorat, et qu'en général toute modification dans la situation politique ou dans les conditions d'équilibre dans les pays balkaniques ne peut avoir lieu qu'en vertu d'un accord des puissances signataires du traité de Berlin.?
Le 13 novembre, au sein de la commission des affaires étrangères de la Délégation hongroise siégeant à Pesth, le comte Kálnoky parla d'une fa?on non moins nette, faisant de plus allusion aux alliances sur lesquelles il croyait pouvoir compter: ?Tant que le traité de Berlin est en vigueur, dit-il, les intérêts de l'Autriche-Hongrie seront en sécurité, et si nous étions forcés d'intervenir pour faire respecter ce traité, nous pourrions compter sur la sympathie et sur le concours de toutes les puissances qui sont décidées à maintenir les traités européens. L'an dernier, j'ai dit que l'union de la Bulgarie et de la Roumélie n'était pas contraire à nos intérêts et que c'était la Turquie qui avait négligé de restaurer en Roumélie l'autorité qui lui était garantie par le traité de Berlin. Si cependant la Russie avait pris prétexte de cette union pour envoyer un commissaire en Bulgarie et pour y prendre en mains les rênes du gouvernement, et si elle avait pris des mesures pour occuper les ports ou le pays tout entier, nous aurions, quoi qu'il p?t arriver, pris une décision. Mais le gouvernement crut qu'il était nécessaire d'abord de prévenir des actes semblables, et c'est dans ce sens que nous avons agi. Je pense qu'il est désirable que les discussions de nos Délégations montrent que personne dans notre monarchie ne veut la guerre. Tous nous désirons la paix, mais point cependant à tout prix.?
Ces paroles de MM. Kálnoky et Tisza signifiaient clairement qu'une intervention armée de la Russie en Bulgarie serait un casus belli. Elles répondaient au sentiment général de l'Autriche-Hongrie, car les deux présidents élus des Délégations, M. Smolka pour la Cisleithanie, et M. Tisza, le frère du ministre, pour la Transleithanie, avaient, à l'ouverture des séances, prononcé des discours encore plus fermes et même plus belliqueux. ?Les peuples de la monarchie, et en première ligne les Hongrois, avait dit M. Tisza, pensent avec raison que les grands intérêts qu'a le pays en Orient ne sauraient, à aucun prix, être abandonnés et qu'il faudrait les sauvegarder, d?t-on même pour cela affronter un conflit armé.? De son c?té, M. Smolka, après avoir constaté que l'empereur Fran?ois-Joseph a su maintenir la paix, avait posé la question de savoir si, en présence des graves événements extérieurs, cette même paix est assurée pour l'avenir, et il avait répondu en élevant des doutes à cet égard. ?Fidèle à sa tradition, avait ajouté M. Smolka, la Délégation, cette fois encore, ne se refusera pas à reconna?tre que maintenant, plus que jamais, il convient de tout mettre en oeuvre pour que l'Autriche-Hongrie soit à même de prendre, dans le conseil des nations, la place qui impose le respect à laquelle elle a droit, de telle sorte qu'on sache bien que ses peuples loyaux sont fermement résolus à sauvegarder, quoi qu'il arrive, sa haute situation, à la défendre par tous les moyens, même par l'ultima ratio.?
Dans son discours du 13 novembre, le comte Kálnoky avait clairement fait entendre qu'en barrant le chemin à la Russie, il pouvait compter sur l'appui de l'Angleterre et de l'Italie. ?Les vues identiques, avait-il dit, du gouvernement anglais, au sujet de l'importante question européenne engagée en ce moment, et son désir de maintenir la paix nous permettent d'espérer que l'Angleterre se joindrait aussi à nous, en cas de nécessité.?
Quant à l'Italie, il avait insisté sur les relations amicales existant entre ce pays et l'Autriche-Hongrie et il avait admis ?toute l'importance des intérêts de l'Italie comme puissance méditerranéenne, qui ne pouvait voir sans s'émouvoir un changement dans la balance des pouvoirs en Orient. L'Italie, de son c?té, comprenait qu'il était nécessaire de garantir les intérêts de l'Europe en Orient et elle comptait que l'entente politique actuelle se maintiendrait, au grand avantage de leurs intérêts respectifs?.
Le comte Kálnoky n'hésitait pas à dire que, ?si l'Autriche-Hongrie était obligée d'intervenir d'une fa?on décidée en Orient, son programme trouverait des adhérents
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