passion italienne, c'est-…-dire, la passion qui
cherche … se satisfaire, et non pas a donner au voisin une id‚e
magnifique de notre individu, commence … la renaissance de la soci‚t‚,
au douziŠme siŠcle, et s'‚teint du moins dans la bonne compagnie vers
l'an 1734. A cette ‚poque, les Bourbons viennent r‚gner … Naples dans
la personne de don Carlos, fils d'une FarnŠse, mari‚e, en secondes
noces, … Philippe V, ce triste petit-fils de Louis XIV, si intr‚pide au
milieu des boulets, si ennuy‚, et si passionn‚ pour la musique. On sait
que pendant vingt-quatre ans le sublime castrat Farinelli lui chanta tous
les jours trois airs favoris, toujours les mˆmes .
Un esprit philosophique peut trouver curieux les d‚tails d'une passion
sentie … Rome ou … Naples, mais j'avouerai que rien ne me semble
plus absurde que ces romans qui donnent des noms italiens … leurs
personnages. Ne sommes-nous pas convenus que les passions varient
toutes les fois qu'on s'avance de cent lieues vers le Nord? L'amour est-il
le mˆme … Marseille et … Paris? Tout au plus peut-on dire que les
pays soumis depuis longtemps au mˆme genre de gouvernement offrent
dans les habitudes sociales une sorte de ressemblance ext‚rieure.
Les paysages, comme les passions, comme la musique, changent aussi
dŠs qu'on s'avance de trois ou quatre degr‚s vers le Nord. Un paysage
napolitain paraŒtrait absurde … Venise, si l'on n'‚tait pas convenu,
mˆme en Italie, d'admirer la belle nature de Naples. A Paris, nous
faisons mieux, nous croyons que l'aspect des forˆts et des plaines
cultiv‚es est absolument le mˆme … Naples et … Venise, et nous
voudrions que le Canaletto, par exemple, e–t absolument la mˆme
couleur que Salvador Rosa.
Le comble du ridicule, n'est-ce pas une dame anglaise dou‚e de toutes
les perfections de son Œle, mais regard‚e comme hors d'‚tat de peindre
la haine et l'amour, mˆme dans cette Œle: madame Anne Radcliffe
donnant des noms italiens et de grandes passions aux personnages de
son c‚lŠbre roman: le Confessionnal des P‚nitents noirs?
Je ne chercherai point … donner des grƒces … la simplicit‚, … la
rudesse quelquefois choquantes du r‚cit trop v‚ritable que je soumets …
l'indulgence du lecteur; par exemple, je traduis exactement la r‚ponse
de la duchesse de Palliano … la d‚claration d'amour de son cousin
Marcel Capece. Cette monographie d'une famille se trouve, je ne sais
pourquoi, … la fin du second volume d'une histoire manuscrite de
Palerme, sur laquelle je ne puis donner aucun d‚tail.
Ce r‚cit, que j'abrŠge beaucoup, … mon grand regret (je supprime une
foule de circonstances caract‚ristiques), comprend les derniŠres
aventures de la malheureuse famille Carafa, plut“t que l'histoire
int‚ressante d'une seule passion. La vanit‚ litt‚raire me dit que peut-ˆtre
il ne m'e–t pas ‚t‚ impossible d'augmenter l'int‚rˆt de plusieurs
situations en d‚veloppant davantage, c'est-…-dire en devinant et
racontant au lecteur, avec d‚tails, ce que sentaient les personnages.
Mais moi, jeune Fran‡ais, n‚ au nord de Paris, suis-je bien s–r de
deviner ce qu'‚prouvaient ces ƒmes italiennes de l'an 1559? Je puis tout
au plus esp‚rer de deviner ce qui peut paraŒtre ‚l‚gant et piquant aux
lecteurs fran‡ais de 1838.
Cette fa‡on passionn‚e de sentir qui r‚gnait en Italie vers 1559 voulait
des actions et non des paroles. On trouvera donc fort peu de
conversations dans les r‚cits suivants. C'est un d‚savantage pour cette
traduction, accoutum‚s que nous sommes aux longues conversations de
nos personnages de roman; pour eux, une conversation est une bataille.
L'histoire pour laquelle je r‚clame toute l'indulgence du lecteur montre
une particularit‚ singuliŠre introduite par les Espagnols dans les moeurs
d'Italie. Je ne suis point sorti du r“le de traducteur. Le calque fidŠle des
fa‡ons de sentir du seiziŠme siŠcle, et mˆme des fa‡ons de raconter de
l'historien, qui, suivant toute apparence, ‚tait un gentilhomme
appartenant … la malheureuse duchesse de Palliano, fait, selon moi, le
principal m‚rite de cette histoire tragique, si toutefois m‚rite il y a.
L'‚tiquette espagnole la plus s‚vŠre r‚gnait … la cour du duc de
Palliano. Remarquez que chaque cardinal, que chaque prince romain
avait une cour semblable, et vous pourrez vous faire une id‚e du
spectacle que pr‚sentait, en 1559, la civilisation de la ville de Rome.
N'oubliez pas que c'‚tait le temps o— le roi Philippe II, ayant besoin
pour une de ses intrigues du suffrage de deux cardinaux, donnait …
chacun d'eux deux cent mille livres de rente en b‚n‚fices eccl‚siastiques.
Rome, quoique sans arm‚e redoutable, ‚tait la capitale du monde. Paris,
en 1559, ‚tait une ville de barbares assez gentils.
TRADUCTION EXACTE D'UN VIEUX RCIT CRIT VERS 1566
Jean-Pierre Carafa, quoique issu d'une des plus nobles familles du
royaume de Naples, eut des fa‡ons d'agir ƒpres, rudes, violentes et
dignes tout … fait d'un gardeur de troupeaux. Il prit l'habit long (la
soutane) et s'en alla
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