La Dame aux Camelias | Page 6

Alexandre Dumas, fils
poss��dait au supr��me degr�� l'art de faire dispara?tre cet oubli de la nature par le simple arrangement des choses qu'elle rev��tait. Son cachemire, dont la pointe touchait �� terre, laissait ��chapper de chaque c?te les larges volants d'une robe de soie, et l'��pais manchon qui chachait ses main et qu'elle appuyait contre sa poitrine, ��tait entour�� de plis si habilement m��nag��s, que l'?il n'avait rien �� redire, si exigeant qu'il f?t, au contour des lignes.
La t��te, une merveille, ��tait l'objet d'une coquetterie particuli��re. Elle ��tait toute petite, et sa m��re, comme dirait de Musset, semblait l'avoir faite ainsi pour la taire avec soin.
Dans un ovale d'une grace indescriptible, mettez des yeux noirs surmont��s de sourcils d'un arc si pur qu'il semblait peint; voilez ces yeux de grands cils qui, lorsqu'ils s'abaissaient, jetaient de l'ombre sur la teinte rose des joues; tracez un nez fin, droit, spirituel, aux narines un peu overtes par une aspiration ardente vers la vie sensuelle; dessinez une bouche r��guli��re, dont les l��vres s'ouvraient gracieusement sur des dents blanches comme du lait; colorez la peau de ce velout�� qui couvre les p��ches qu'aucune main n'a touch��es, et vous aurez l'ensemble de cette charmante t��te.
Les cheveux noirs comme du jais, ond��s naturellement ou non, s'ouvraient sur le front en deux larges bandeaux, et se perdaient derri��re la t��te, en laissant voir un bout des oreilles, auxquelles brillaient deux diamants d'une valeur de quatre �� cinq mille francs chacun.
Comment sa vie ardente laissait-elle au visage de Marguerite l'expression virginale, enfantine m��me qui le caract��risait, c'est ce que nous sommes forc�� de constater sans le comprendre.
Marguerite avait d'elle un merveilleux portrait fait par Vidal, le seul homme dont le crayon pouvait la reproduire. J'ai eu depuis sa mort ce portrait pendant quelques jours �� ma disposition, et il ��tait d'une si ��tonnante ressemblance qu'il m'a servi �� donner les renseignements pour lesquels ma m��moire ne m'e?t peut-��tre pas suffi.
Parmi les d��tails de ce chapitre, quelques-un ne me sont parvenus que plus tard, mais je les ��cris tout de suite pour n'avoir pas �� y revenir, lorsque commencera l'histoire anecdotique de cette femme.
Marguerite assistait �� toutes les premi��res repr��sentations et passait toutes ses soir��es au spectacle ou au bal. Chaque fois que l'on jouait une pi��ce nouvelle, on ��tait s?r de l'y voir, avec trois choses qui ne la quittaient jamais, et qui occupaient toujours le devant de sa loge de rez-de-chauss��e: sa lorgnette, un sac de bonbons et un bouquet de cam��lias.
Pendant vingt-cinq jours du mois, les cam��lias ��taient blancs, et pendant cinq ils ��taient rouges; on n'a jamais su la raison de cette vari��t�� de couleurs, que je signale san pouvoir l'expliquer et que les habitu��s des th��atres o�� elle allait le plus fr��quement et ses amis avaient remarqu��e comme moi.
On n'avait jamais vu �� Marguerite d'autres fleurs que des cam��lias. Aussi chez madame Barjon, sa fleuriste, avait-on fini par la surnommer la Dame aux Cam��lias, et ce surnom lui ��tait rest��.
Je savais en outre, comme tous ceux qui vivent dans un certain monde, �� Paris, que Marguerite avait ��t�� la ma?tresse des jeunes gens les plus ��l��gants, qu'elle le disait hautement, et qu'eux-m��mes s'en vantaient, ce qui prouvait qu'amants et ma?tresse ��taient contents l'un de l'autre.
Cependant, depuis trois ans environ, depuis un voyage �� Bagn��res, elle ne vivait plus, disait-on, qu'avec un vieux duc ��tranger, ��norm��ment riche et qui avait essay�� de la d��tacher le plus possible de sa vie pass��e, ce que du reste elle avait paru se laisser faire d'assez bonne grace.
Voici ce qu'on m'a racont�� �� ce sujet.
Au printemps de 1842, Marguerite ��tait si faible, si chang��e que les m��dicins lui ordonn��rent les eaux, et qu'elle partit pour Bagn��res.
L��, parmi les malades, se trouvait la fille de ce duc, laquelle avait non seulement la m��me maladie, mais encore le m��me visage que Marguerite, au point qu'on e?t pu les prendre pour les deux s?urs. Seuelement la jeune duchesse ��tait au troisi��me degr�� de la phtisie, et peu de jours apr��s l'arriv��es de Marguerite elle succombait.
Un matin le duc, rest�� �� Bagn��res comme on reste sur le sol qui ensevelit une partie du c?ur, aper?ut Marguerite au d��tour d'une all��e.
Il lui sembla voir passer l'ombre de son enfant et, marchant vers elle, il lui prit les mains, l'embrassa en pleurant, et sans lui demander qui elle ��tait, implora la permission de la voir et d'aimer en elle l'image vivante de sa fille morte.
Marguerite, seule �� Bagn��res avec sa femme de chambre, et d'ailleurs n'ayant aucune crainte de se compromettre, accorda au duc ce qu'il lui demandait.
Il se trouvait �� Bagn��res des gens qui la connaissaient, et qui vinrent officiellement avertir le duc de la v��ritable position de mademoiselle Gautier. Ce fut un coup pour le vieillard, car l�� cessait la ressemblance avec sa fille, mais il
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