La Conquete de Plassans | Page 2

Emile Zola
��tait superbe; elle avait une jupe roide, une t��te form��e d'un tampon d'��toffe, des bras faits d'une lisi��re cousue aux ��paules. Le visage de D��sir��e s'��claira d'une joie subite. Elle se rassit sur le tabouret, ne pensant plus �� l'oiseau, baisant la poup��e, la ber?ant dans sa main, avec une pu��rilit�� de gamine.
Serge ��tait venu s'accouder pr��s de son fr��re. Marthe avait repris son bas.
--Alors, demanda-t-elle, la musique a jou��?
--Elle joue tous les jeudis, r��pondit Octave. Tu as tort, maman, de ne pas venir. Toute la ville est l��, les demoiselles Rastoil, madame de Condamin, monsieur Paloque, la femme et la fille du maire... Pourquoi ne viens-tu pas? Marthe ne leva pas les yeux; elle murmura, en achevant une reprise:
--Vous savez bien, mes enfants, que je n'aime pas sortir. Je suis si tranquille, ici. Puis, il faut que quelqu'un reste avec D��sir��e.
Octave ouvrait les l��vres, mais il regarda sa soeur et se tut. Il demeura l��, sifflant doucement, levant les yeux sur les arbres de la pr��fecture, pleins du tapage des pierrots qui se couchaient, examinant les poiriers de M. Rastoil, derri��re lesquels descendait le soleil. Serge avait sorti de sa poche un livre qu'il lisait attentivement. Il y eut un silence recueilli, chaud d'une tendresse muette, dans la bonne lumi��re jaune qui palissait peu �� peu sur la terrasse. Marthe, couvant du regard ses trois enfants, au milieu de cette paix du soir, tirait de grandes aiguill��es r��guli��res.
--Tout le monde est donc en retard aujourd'hui? reprit-elle au bout d'un instant. Il est pr��s de dix heures, et votre p��re ne rentre pas.... Je crois qu'il est all�� du c?t�� des Tulettes.
--Ah bien! dit Octave, ce n'est pas ��tonnant, alors.... Les paysans des Tulettes ne le lachent plus, quand ils le tiennent.... Est-ce pour un achat de vin?
--Je l'ignore, r��pondit Marthe; vous savez qu'il n'aime pas �� parler de ses affaires.
Un silence se fit de nouveau. Dans la salle �� manger, dont la fen��tre ��tait grande ouverte sur la terrasse, la vieille Rose, depuis un moment, mettait le couvert, avec des bruits irrit��s de vaisselle et d'argenterie. Elle paraissait de fort m��chante humeur, bousculant les meubles, grommelant des paroles entrecoup��es. Puis elle alla se planter �� la porte de la rue, allongeant le cou, regardant au loin la place de la Sous-Pr��fecture. Apr��s quelques minutes d'attente, elle vint sur le perron, criant:
--Alors, monsieur Mouret ne rentrera pas d?ner?
--Si, Rose, attendez, r��pondit Marthe paisiblement.
--C'est que tout br?le. Il n'y a pas de bon sens. Quand monsieur fait de ces tours-l��, il devrait bien pr��venir.... Moi, ?a m'est ��gal, apr��s tout. Le d?ner ne sera pas mangeable.
--Tu crois, Rose? dit derri��re elle une voix tranquille. Nous le mangerons tout de m��me, ton d?ner.
C'��tait Mouret qui rentrait. Ros�� se tourna, regarda son ma?tre en face, comme sur le point d'��clater; mais, devant le calme absolu de ce visage o�� per?ait une pointe de goguenarderie bourgeoise, elle ne trouva pas une parole, elle s'en alla. Mouret descendit sur la terrasse, o�� il pi��tina, sans s'asseoir. Il se contenta de donner, du bout des doigts, une petite tape sur la joue de D��sir��e, qui lui sourit. Marthe avait lev�� les yeux; puis, apr��s avoir regard�� son mari, elle s'��tait mise �� ranger son ouvrage dans sa table.
--Vous n'��tes pas fatigu��? demanda Octave, qui regardait les souliers de son p��re, blancs de poussi��re.
--Si, un peu, r��pondit Mouret, sans parler autrement de la longue course qu'il venait de faire �� pied.
Mais il aper?ut, au milieu du jardin, une b��che et un rateau que les enfants avaient d? oublier l��.
--Pourquoi ne rentre-t-on pas les outils? s'��cria-t-il. Je l'ai dit cent fois. S'il venait �� pleuvoir, ils seraient rouill��s.
Il ne se facha pas davantage. Il descendit dans le jardin, alla lui-m��me chercher la b��che et le rateau, qu'il revint accrocher soigneusement au fond de la petite serre. En remontant sur la terrasse, il furetait des yeux dans tous les coins des all��es pour voir si chaque chose ��tait bien en ordre.
--Tu apprends tes le?ons, toi? demanda-t-il en passant �� c?t�� de Serge, qui n'avait pas quitt�� son livre.
--Non, mon p��re, r��pondit l'enfant. C'est un livre que l'abb�� Bourrette m'a pr��t��, la relation des Missions en Chine.
Mouret s'arr��ta net devant sa femme.
--A propos, reprit-il, il n'est venu personne?
--Non, personne, mon ami, dit Marthe d'un air surpris.
Il allait continuer, mais il parut se raviser; il pi��tina encore un instant, sans rien dire; puis, s'avan?ant vers le perron:
--Eh bien! Rose, et ce d?ner qui br?lait?
--Pardi! cria du fond du corridor la voix furieuse de la cuisini��re, il n'y a plus rien de pr��t maintenant; tout est froid. Vous attendrez, monsieur. Mouret eut un rire silencieux; il cligna l'oeil gauche, en regardant sa femme et ses enfants. La col��re de Rose semblait l'amuser fort. Il s'absorba ensuite dans le spectacle des arbres fruitiers
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