La Confession de Talleyrand, V. 1-5 | Page 8

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord
chère, c'est notre opinion.
La Renommée est une grande causeuse, elle aime souvent à passer les limites de la vérité; mais cette vérité a bien de la force; elle ne laisse pas longtemps le monde crédule abandonné à la tromperie.
Les Anciens représentaient la Vérité toute nue, sans doute pour que chacun l'habille à sa fa?on; mais si on veut lui laisser son nom, son caractère et sa beauté, elle doit être exposée sans voiles et dépouillée des vains ornements dont on a coutume de l'affubler. Pourquoi la parer d'un manteau de cour, la draper dans ce costume brillant et trompeur du Mensonge, bon pour parer les mannequins et les marionnettes? Pourquoi s'ingénier à défigurer, dénaturer et déshonorer la Vérité, quand le silence est si commode?
Dans une réunion de diplomates, on ne met pas la franchise à la porte, parce qu'elle n'y est jamais entrée.
Sans l'impassibilité à la vue du sang, au spectacle de la douleur et de ses bruyants témoignages, il n'y a pas de chirurgien. Sans l'insensibilité des passions, il n'y a pas de sto?cien, sans l'indifférence au milieu du jeu des événements, il n'y a pas d'homme d'état. Le chrétien qui entre dans le cirque et qui défaille à l'aspect des bêtes féroces est une victime, ce n'est pas un martyr.
L'ambition est l'exercice des facultés intelligentes; c'est une corde muette dans les ames passionnées.
On n'est quelque chose dans le monde qu'à la condition de ne pas valoir beaucoup mieux que lui.
Je n'ai pas besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer.
Tout est grand dans le temple de la faveur, excepté les portes qui sont si basses qu'il faut se courber pour y entrer.
Tout le monde brigue les faveurs, parce que peu de gens ont droit aux récompenses.
Les grandes places sont comme les rochers élevés, les aigles et les reptiles seuls y parviennent.
Il n'y a que deux fa?ons de s'élever, par son talent ou par l'imbécillité des autres.
Le moment difficile n'est pas l'heure de la lutte, c'est celle du succès.
Sois lion dans le triomphe, renard dans la défaite, colima?on dans le conseil, oiseau à l'heure de l'action.
Celui qui est vraiment fort sait quelquefois plier.
Pesez les hommes, ne les comptez pas.
Les hommes adroits et légers surnagent comme le liège au milieu des tempêtes.
Qui a été mordu par le serpent se méfie des cordes.
On ne croit plus aux sauveurs de la patrie; ils ont gaté le métier.
Tout ce qui est accepté comme vérité par la foule est généralement un préjugé ou une sottise.
Lorsqu'une société est impuissante à créer un gouvernement, il faut que le gouvernement crée une société.
La politique est un étang où les brochets font courir les carpes.
Faute de richesses, une nation n'est que pauvre; faute de patriotisme, c'est une pauvre nation.
C'est moins par la rareté des maladies qu'on peut juger la force du tempérament des hommes et des nations, que par la promptitude et la vigueur du rétablissement.
En toutes choses, les commencements sont beaux, les milieux fatigants et les fins pitoyables.
Il ne faut jamais se facher contre les choses, parce que cela ne leur fait rien du tout.
Les oies font assurément moins de sottises qu'on n'en écrit avec leurs plumes.
La plus dangereuse des flatteries est la médiocrité de ce qui nous entoure.
Rien ne doit inspirer un orgueil plus légitime que la haine avec laquelle les hommes supérieurs nous poursuivent; ils n'en ont que pour ceux qu'ils croient au-dessus d'eux; les autres ne leur inspirent que de la colère ou du mépris.
Quand vous êtes enclume, prenez patience; quand vous êtes marteau, frappez droit et bien.
La puissance ne consiste pas à frapper fort et souvent, mais à frapper juste.
Il y a des gens qui n'ont même pas leur bêtise à eux.
Si un sot vous trompe plus de cinq minutes, c'est que vous et lui faites la paire.
Les gens qui ne font rien se croient capables de tout faire.
La plus mauvaise roue d'un chariot est celle qui fait le plus de bruit.
Je supporte la méchanceté, parce que je puis me défendre contre un homme méchant; mais je ne supporte pas la bêtise, parce que je suis sans armes contre un être qui m'ennuie.
Quand l'homme rencontre l'homme, il fait presque toujours une triste rencontre.
On s'empare des couronnes, on ne les escamote pas.
Je crains plus une armée de cent moutons commandée par un lion, qu'une armée de cent lions commandée par un mouton.
Un homme seul contre la foule aura toujours raison d'elle avec de l'éloquence, de l'énergie et du sang-froid comme l'abbé Maury, qu'on voulait envoyer dire la messe chez Pluton: Voulez-vous la servir, voici mes burettes?
à la Lanterne! Y verrez-vous plus clair?
La diplomatie est un duel, où il s'agit d'être plus fort et plus adroit que l'adversaire qu'on a devant soi.
Où il y a un traité, il y a un canif.
L'encre des diplomates s'efface vite, quand on ne répand pas dessus de la
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