La Chartreuse de Parme | Page 6

Stendhal
distribution des prix chez les j��suites. Le sup��rieur fut complimente par ses chefs.
La comtesse conduisait son neveu �� toutes ces f��tes brillantes qui marqu��rent le r��gne trop court de l'aimable prince Eug��ne. Elle l'avait cr���� de son autorit�� officier de hussards, et Fabrice, ag�� de douze ans, portait cet uniforme. Un jour, la comtesse, enchant��e de sa jolie tournure, demanda pour lui au prince une place de page, ce qui voulait dire que la famille del Dongo se ralliait. Le lendemain, elle eut besoin de tout son cr��dit pour obtenir que le vice-roi voul?t bien ne pas se souvenir de cette demande, �� laquelle rien ne manquait que le consentement du p��re du futur page, et ce consentement e?t ��t�� refus�� avec ��clat. A la suite de cette folie, qui fit fr��mir le marquis boudeur, il trouva un pr��texte pour rappeler �� Grianta le jeune Fabrice. La comtesse m��prisait souverainement son fr��re; elle le regardait comme un sot triste, et qui serait m��chant si jamais il en avait le pouvoir. Mais elle ��tait folle de Fabrice, et, apr��s dix ans de silence, elle ��crivit au marquis pour r��clamer son neveu: sa lettre fut laiss��e sans r��ponse.
A son retour dans ce palais formidable, bati par le plus belliqueux de ses anc��tres, Fabrice ne savait rien au monde que faire l'exercice et monter �� cheval. Souvent le comte Pietranera, aussi fou de cet enfant que sa femme, le faisait monter �� cheval, et le menait avec lui �� la parade.
En arrivant au chateau de Grianta, Fabrice, les yeux encore bien rouges de larmes r��pandues en quittant les beaux salons de sa tante, ne trouva que les caresses passionn��es de sa m��re et de ses soeurs. Le marquis ��tait enferm�� dans son cabinet avec son fils a?n��, le marchesino Ascanio. Ils y fabriquaient des lettres chiffr��es qui avaient l'honneur d'��tre envoy��es �� Vienne; le p��re et le fils ne paraissaient qu'aux heures des repas. Le marquis r��p��tait avec affectation qu'il apprenait �� son successeur naturel �� tenir, en partie double, le compte des produits de chacune de ses terres. Dans le fait, le marquis ��tait trop jaloux de son pouvoir pour parler de ces choses-l�� �� un fils, h��ritier n��cessaire de toutes ces terres substitu��es. Il l'employait �� chiffrer des d��p��ches de quinze ou vingt pages que deux ou trois fois la semaine il faisait passer en Suisse, d'o�� on les acheminait �� Vienne. Le marquis pr��tendait faire conna?tre �� ses souverains l��gitimes l'��tat int��rieur du royaume d'Italie qu'il ne connaissait pas lui-m��me, et toutefois ses lettres avaient beaucoup de succ��s; voici comment. Le marquis faisait compter sur la grande route, par quelque agent s?r, le nombre des soldats de tel r��giment fran?ais ou italien qui changeait de garnison, et, en rendant compte du fait �� la cour de Vienne, il avait soin de diminuer d'un grand quart le nombre des soldats pr��sents. Ces lettres, d'ailleurs ridicules, avaient le m��rite d'en d��mentir d'autres plus v��ridiques, et elles plaisaient. Aussi, peu de temps avant l'arriv��e de Fabrice au chateau, le marquis avait-il re?u la plaque d'un ordre renomm��: c'��tait la cinqui��me qui ornait son habit de chambellan. A la v��rit��, il avait le chagrin de ne pas oser arborer cet habit hors de son cabinet; mais il ne se permettait jamais de dicter une d��p��che sans avoir rev��tu le costume brod��, garni de tous ses ordres. Il e?t cru manquer de respect d'en agir autrement.
La marquise fut ��merveill��e des graces de son fils. Mais elle avait conserv�� l'habitude d'��crire deux ou trois fois par an au g��n��ral comte d'A***; c'��tait le nom actuel du lieutenant Robert. La marquise avait horreur de mentir aux gens qu'elle aimait; elle interrogea son fils et fut ��pouvant��e de son ignorance.
"S'il me semble peu instruit, se disait-elle, �� moi qui ne sais rien, Robert, qui est si savant, trouverait son ��ducation absolument manqu��e; or, maintenant il faut du m��rite."Une autre particularit�� qui l'��tonna presque autant, c'est que Fabrice avait pris au s��rieux toutes les choses religieuses qu'on lui avait enseign��es chez les j��suites. Quoique fort pieuse elle-m��me, le fanatisme de cet enfant la fit fr��mir."Si le marquis a l'esprit de deviner ce moyen d'influence, il va m'enlever l'amour de mon fils."Elle pleura beaucoup, et sa passion pour Fabrice s'en augmenta.
La vie de ce chateau, peupl�� de trente ou quarante domestiques, ��tait fort triste; aussi Fabrice passait-il toutes ses journ��es �� la chasse ou �� courir le lac sur une barque. Bient?t il fut ��troitement li�� avec les cochers et les hommes des ��curies; tous ��taient partisans fous des Fran?ais et se moquaient ouvertement des valets de chambre d��vots, attach��s �� la personne du marquis ou �� celle de son fils a?n��. Le grand sujet de plaisanterie contre ces personnages graves, c'est qu'ils portaient de la poudre �� l'instar de
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