jeune femme �� Milan: elle y dirigeait les affaires de la famille, elle ��tait charg��e de faire face aux contributions impos��es �� la casa del Dongo, comme on dit dans le pays; elle cherchait �� les faire diminuer, ce qui l'obligeait �� voir ceux des nobles qui avaient accept�� des fonctions publiques, et m��me quelques non-nobles fort influents. Il survint un grand ��v��nement dans cette famille. Le marquis avait arrang�� le mariage de sa jeune soeur Gina avec un personnage fort riche et de la plus haute naissance; mais il portait de la poudre: �� ce titre, Gina le recevait avec de grands ��clats de rire, et bient?t elle fit la folie d'��pouser le comte Pietranera. C'��tait �� la v��rit�� un fort bon gentilhomme, tr��s bien fait de sa personne, mais ruin�� de p��re en fils, et, pour comble de disgrace, partisan fougueux des id��es nouvelles. Pietranera ��tait sous-lieutenant dans la l��gion italienne, surcro?t de d��sespoir pour le marquis.
Apr��s ces deux ann��es de folie et de bonheur, le Directoire de Paris, se donnant des airs de souverain bien ��tabli, montra une haine nouvelle pour tout ce qui n'��tait pas m��diocre. Les g��n��raux ineptes qu'il donna �� l'arm��e d'Italie perdirent une suite de batailles dans ces m��mes plaines de V��rone, t��moins deux ans auparavant des prodiges d'Arcole et de Lonato. Les Autrichiens se rapproch��rent de Milan; le lieutenant Robert, devenu chef de bataillon et bless�� �� la bataille de Cassano, vint loger pour la derni��re fois chez son amie la marquise del Dongo '. Les adieux furent tristes; Robert partit avec le comte Pietranera qui suivait les Fran?ais dans leur retraite sur Novi. La jeune comtesse, �� laquelle son fr��re refusa de payer sa l��gitime, suivit l'arm��e mont��e sur une charrette.
Alors commen?a cette ��poque de r��action et de retour aux id��es anciennes, que les Milanais appellent i tredici mesi (les treize mois), parce qu'en effet leur bonheur voulut que ce retour �� la sottise ne durat que treize mois, jusqu'�� Marengo. Tout ce qui ��tait vieux, d��vot, morose, reparut �� la t��te des affaires, et reprit la direction de la soci��t��: bient?t les gens rest��s fid��les aux bonnes doctrines publi��rent dans les villages que Napol��on avait ��t�� pendu par les Mameluks en Egypte, comme il le m��ritait �� tant de titres.
Parmi ces hommes qui ��taient all��s bouder dans leurs terres et qui revenaient alt��r��s de vengeance, le marquis del Dongo se distinguait par sa fureur; son exag��ration le porta naturellement �� la t��te du parti. Ces messieurs, fort honn��tes gens quand ils n'avaient pas peur, mais qui tremblaient toujours, parvinrent �� circonvenir le g��n��ral autrichien: assez bon homme, il se laissa persuader que la s��v��rit�� ��tait de la haute politique, et fit arr��ter cent cinquante patriotes: c'��tait bien alors ce qu'il y avait de mieux en Italie.
Bient?t on les d��porta aux bouches de Cattaro, et, jet��s dans des grottes souterraines, l'humidit�� et surtout le manque de pain firent bonne et prompte justice de tous ces coquins.
Le marquis del Dongo eut une grande place, et, comme il joignait une avarice sordide �� une foule d'autres belles qualit��s, il se vanta publiquement de ne pas envoyer un ��cu �� sa soeur, la comtesse Pietranera: toujours folle d'amour, elle ne voulait pas quitter son mari, et mourait de faim en France avec lui. La bonne marquise ��tait d��sesp��r��e; enfin elle r��ussit �� d��rober quelques petits diamants dans son ��crin, que son mari lui reprenait tous les soirs pour l'enfermer sous son lit dans une caisse de fer: la marquise avait apport�� huit cent mille francs de dot �� son mari et recevait quatre-vingts francs par mois pour ses d��penses personnelles. Pendant les treize mois que les Fran?ais pass��rent hors de Milan, cette femme si timide trouva des pr��textes et ne quitta pas le noir.
Nous avouerons que, suivant l'exemple de beaucoup de graves auteurs, nous avons commenc�� l'histoire de notre h��ros une ann��e avant sa naissance. Ce personnage essentiel n'est autre, en effet, que Fabrice Valserra, marchesino del Dongo, comme on dit �� Milan. Il venait justement de se donner la peine de na?tre ' lorsque les Fran?ais furent chass��s et se trouvait, par le hasard de la naissance, le second fils de ce marquis del Dongo si grand seigneur, et dont vous connaissez d��j�� le gros visage bl��me, le sourire faux et la haine sans bornes pour les id��es nouvelles. Toute la fortune de la maison ��tait substitu��e au fils a?n�� Ascanio del Dongo, le digne portrait de son p��re. Il avait huit ans, et Fabrice deux, lorsque tout �� coup ce g��n��ral Bonaparte, que tous les gens bien n��s croyaient pendu depuis longtemps, descendit du mont Saint-Bernard. Il entra dans Milan 2 ce moment est encore unique dans l'histoire; figurez-vous tout un peuple amoureux fou. Peu de jours apr��s, Napol��on gagna la bataille
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