La Bastille | Page 6

Auguste Coeuret
violente secousse de douleurs et de convulsions que j'ai ressenties dans tous mes membres le 19 octobre dans la nuit et qui me tiennent en crainte d'une paralysie dans le bras droit et dans les jambes, �� ce mauvais pain; je lui attribue cette crise de m��me que les ressentiments que j'ai encore quelques fois et l'horrible d��p?t qui s'��tait form�� dans mes jambes, dans mes pieds et mes mains tout cet hiver, ayant eu constamment six doigts de mes deux mains empaquet��s et mes deux jambes depuis deux doigts au-dessus de la cheville, et les cinq doigts des pieds perc��s chacun de quinze �� vingt trous. M. le chirurgien �� qui je les ai montr��s plusieurs fois, pourra vous confirmer cette v��rit��.?
Le seul crime de Pellissery ��tait d'avoir critiqu�� le minist��re Maurepas, au sujet de ses op��rations financi��res, dans une brochure intitul��e: Erreurs et d��savantages des emprunts des 7 janvier et 9 f��vrier 1777.
De la Bastille, apr��s avoir refus�� sa libert�� au prix d'une place d'espion dans les finances, Pellissery fut enferm�� �� Charenton o�� il ��tait encore en 1789.
Pour compl��ter ces tristes tableaux d'un despotisme ��hont��, nous empruntons �� l'avocat-journaliste Linguet l'��mouvante description de sa prison:
?En hiver, dit-il, ces caves funestes sont des glaci��res, parce qu'elles sont assez ��lev��es pour que le froid y p��n��tre; en ��t�� ce sont des po��les humides, o�� l'on ��touffe, parce que les murs en sont trop ��pais pour que la chaleur puisse les s��cher.
Le peu de lumi��re que, dans les belles journ��es, y laisse transpirer l'unique lucarne grill��e, ne peut servir qu'�� en faire mieux distinguer l'obscurit��.
[Illustration: Fig. 12.--Quartier Saint-Paul, les Tournelles et la Bastille vers 1540]
?Il y en a une partie, et la mienne ��tait de ce nombre, qui donne directement sur le foss�� o�� se d��gorge le grand ��gout de la rue Saint-Antoine; de sorte que, quand on le nettoie, on en ��t�� dans les jours de chaleur un peu continu��e, ou apr��s chaque inondation, accident assez commun au printemps et en automne dans ces foss��s creus��s au-dessous du niveau de la rivi��re, il s'en exhale une infection pestilentielle. Une fois engouffr��e dans ces boulins, que l'on appelle chambres, elle ne se dissipe que tr��s lentement.
?C'est dans cette atmosph��re qu'un prisonnier respire; c'est l�� que, pour ne pas ��touffer enti��rement, il est oblig�� de passer les jours et souvent les nuits, coll�� contre la grille int��rieure, qui l'��carte m��me du trou taill�� en forme de fen��tre, par laquelle coule jusqu'�� lui une ombre de jour et d'air. Ses efforts pour en pomper un peu de nouveau par cette sarbacane ��troite ne servent souvent qu'�� ��paissir autour de lui la f��tidit�� qui le suffoque.
?En hiver, malheur �� l'infortun�� qui ne peut pas se procurer l'argent n��cessaire pour suppl��er �� ce qu'on distribue de bois au nom du roi. Autrefois il se d��livrait sans compte et sans mesure, en raison de la consommation de chacun. On ne chicanait pas des hommes d'ailleurs priv��s de tout, et r��duits �� une immobilit�� si cruelle, sur la quantit�� de feu qu'ils croyaient n��cessaire pour d��coaguler leur sang engourdi par l'inaction, ou volatiliser les vapeurs condens��es sur leurs murailles. Le prince voulait qu'ils jouissent de ce soulagement, ou de cette distraction, sans en restreindre la d��pense.
?L'intention est sans doute encore la m��me: les proc��d��s sont chang��s. Le gouverneur actuel (de Launay) a fix�� la consommation de chaque reclus �� six b?ches grosses ou petites. On sait qu'�� Paris les b?ches d'appartement ne sont que la moiti�� de celles du commerce, parce qu'elles sont sci��es par le milieu. Elles n'ont qu'environ dix-huit pouces de longueur. L'��conome distributeur a soin de faire choisir dans les chantiers ce qu'il est possible de trouver de bois plus mince, et, ce qui est aussi incroyable que vrai, de plus mauvais. Il fait prendre, par pr��f��rence, les fonds des piles, les restes de magasins, d��pouill��s par le temps et l'humidit�� de tous leurs sels et abandonn��s pour cette raison �� bas prix..... Six de ces allumettes composent la provision de vingt-quatre heures pour un habitant de la Bastille!
?On demandera ce qu'ils font quand elle est disparue: ils font ce que leur conseille en propres termes l'honn��te gouverneur: ils souffrent!?
Voil�� ce qu'��tait le r��gime de la Bastille sous Louis XVI, car Pellissery et Linguet ne furent ni mieux ni plus mal trait��s que les autres prisonniers de ce temps.
Remontons maintenant au r��gne de Louis XIV et terminons par le r��cit d'un acte de basse monstruosit��.
Apr��s la r��vocation de l'��dit de Nantes (1685)[8], les pers��cutions religieuses commenc��rent. On enferma nombre de huguenots �� Vincennes, au Chatelet, �� la Bastille.
[Note 8: Sous cette d��nomination, on d��signe un acte par lequel Louis XIV enleva aux protestants la libert�� de conscience qui leur avait ��t�� accord��e par Henri IV en 1598. Les cons��quences de cet acte furent
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