LIngenu | Page 8

Voltaire
l'��v��que ajoutait que le patriarche Juda devait lier son anon �� la vigne, et tremper son manteau dans le sang du raisin, et qu'il ��tait bien triste qu'on n'en p?t faire autant en Basse-Bretagne, �� laquelle Dieu avait d��ni�� les vignes. Chacun tachait de dire un bon mot sur le bapt��me de l'Ing��nu, et des galanteries �� la marraine. Le bailli, toujours interrogant, demandait au Huron s'il serait fid��le �� ses promesses. Comment voulez-vous que je manque �� mes promesses, r��pondit le Huron, puisque je les ai faites entre les mains de mademoiselle de Saint-Yves?
Le Huron s'��chauffa; il but beaucoup �� la sant�� de sa marraine. Si j'avais ��t�� baptis�� de votre main, dit-il, je sens que l'eau froide qu'on m'a vers��e sur le chignon m'aurait br?l��. Le bailli trouva cela trop po��tique, ne sachant pas combien l'all��gorie est famili��re au Canada. Mais la marraine en fut extr��mement contente.
On avait donn�� le nom d'Hercule au baptis��. L'��v��que de Saint-Malo demandait toujours quel ��tait ce patron dont il n'avait jamais entendu parler. Le j��suite, qui ��tait fort savant, lui dit que c'��tait un saint qui avait fait douze miracles. Il y en avait un treizi��me qui valait les douze autres, mais dont il ne convenait pas �� un j��suite de parler; c'��tait celui d'avoir chang�� cinquante filles en femmes en une seule nuit. Un plaisant qui se trouva l�� releva ce miracle avec ��nergie. Toutes les dames baiss��rent les yeux, et jug��rent �� la physionomie de l'Ing��nu qu'il ��tait digne du saint dont il portait le nom.

CHAPITRE V.
L'Ing��nu amoureux.
Il faut avouer que depuis ce bapt��me et ce d?ner mademoiselle de Saint-Yves souhaita passionn��ment que monsieur l'��v��que la f?t encore participante de quelque beau sacrement avec M. Hercule l'Ing��nu. Cependant, comme elle ��tait bien ��lev��e et fort modeste, elle n'osait convenir tout-��-fait avec elle-m��me de ses tendres sentiments; mais, s'il lui ��chappait un regard, un mot, un geste, une pens��e, elle enveloppait tout cela d'un voile de pudeur infiniment aimable. Elle ��tait tendre, vive, et sage.
D��s que monsieur l'��v��que fut parti, l'Ing��nu et mademoiselle de Saint-Yves se rencontr��rent sans avoir fait r��flexion qu'ils se cherchaient. Ils se parl��rent sans avoir imagin�� ce qu'ils se diraient. L'Ing��nu lui dit d'abord qu'il l'aimait de tout son coeur, et que la belle Abacaba, dont il avait ��t�� fou dans son pays, n'approchait pas d'elle. Mademoiselle lui r��pondit, avec sa modestie ordinaire, qu'il fallait en parler au plus vite �� monsieur le prieur son oncle et �� mademoiselle sa tante, et que de son c?t�� elle en dirait deux mots �� son cher fr��re l'abb�� de Saint-Yves, et qu'elle se flattait d'un consentement commun.
L'Ing��nu lui r��pond qu'il n'avait besoin du consentement de personne, qu'il lui paraissait extr��mement ridicule d'aller demander �� d'autres ce qu'on devait faire; que, quand deux parties sont d'accord, on n'a pas besoin d'un tiers pour les accommoder. Je ne consulte personne, dit-il, quand j'ai envie de d��jeuner, ou de chasser, ou de dormir: je sais bien qu'en amour il n'est pas mal d'avoir le consentement de la personne �� qui on en veut: mais, comme ce n'est ni de mon oncle ni de ma tante que je suis amoureux, ce n'est pas �� eux que je dois m'adresser dans cette affaire, et, si vous m'en croyez, vous vous passerez aussi de monsieur l'abb�� de Saint-Yves.
On peut juger que la belle Bretonne employa toute la d��licatesse de son esprit �� r��duire son Huron aux termes de la biens��ance. Elle se facha m��me, et bient?t se radoucit. Enfin on ne sait comment aurait fini cette conversation, si, le jour baissant, monsieur l'abb�� n'avait ramen�� sa soeur �� son abbaye. L'Ing��nu laissa coucher son oncle et sa tante, qui ��taient un peu fatigu��s de la c��r��monie et de leur long d?ner. Il passa une partie de la nuit �� faire des vers en langue hurone pour sa bien-aim��e; car il faut savoir qu'il n'y a aucun pays de la terre o�� l'amour n'ait rendu les amants po��tes.
Le lendemain son oncle lui parla ainsi apr��s le d��jeuner, en pr��sence de mademoiselle de Kerkabon, qui ��tait tout attendrie: Le ciel soit lou�� de ce que vous avez l'honneur, mon cher neveu, d'��tre chr��tien et Bas-Breton! mais cela ne suffit pas; je suis un peu sur l'age; mon fr��re n'a laiss�� qu'un petit coin de terre qui est tr��s peu de chose; j'ai un bon prieur��; si vous voulez seulement vous faire sous-diacre, comme je l'esp��re, je vous r��signerai mon prieur��, et vous vivrez fort �� votre aise, apr��s avoir ��t�� la consolation de ma vieillesse.
L'Ing��nu r��pondit: Mon oncle, grand bien vous fasse! vivez tant que vous pourrez. Je ne sais pas ce que c'est que d'��tre sous-diacre ni que de r��signer; mais tout me sera bon pourvu que j'aie mademoiselle de Saint-Yves �� ma disposition. Eh! mon
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