prenant brusquement l'offensive, sortirent des espaces protégés et se jetèrent sur les assaillants avec une telle ardeur qu'ils les décimèrent, enlevant plusieurs canons et drapeaux, faisant un nombre considérable de prisonniers, et obligeant les Allemands à évacuer 8.000 blessés en territoire hollandais.
Ce fut le point culminant de ces trois jours de luttes. Au total, les Allemands avaient perdu en tués, blessés et prisonniers, presque l'effectif d'un corps d'armée, d'où leur demande d'armistice. La grande Allemagne obligée d'implorer une grace de la petite Belgique dès le début de la lutte!
Mais la proportion du carnage est peu de chose à c?té du résultat général obtenu. Il appara?t clairement que la brillante action des Belges fit avorter un projet de raid colossal des forces du kaiser sur la frontière fran?aise, avec Reims ou même Paris comme objectif. Car on a constaté que les trois corps d'armée allemands qui furent aux prises avec la 3e division belge étaient très pauvres en vivres et munitions, sans avoir été coupés de leurs bases d'approvisionnements. On ne peut guère supposer qu'une puissance, qui a prémédité si longtemps cette guerre abominable, ait négligé ses précautions au point que son avant-garde de 125.000 hommes se trouvat au bout de trois jours à court de pain et de cartouches. Il faut donc admettre que les trois premiers corps d'invasion avaient été chargés le plus légèrement possible, avec mission de traverser la Belgique en rafale pour surprendre et affoler la population fran?aise.
L'admirable conduite de la 3e division belge, si hautement récompensée par la croix de la Légion d'honneur à la ville de Liége, n'a pas seulement empêché le raid des avant-gardes teutonnes vers la France; elle a permis à une centaine de mille hommes de l'armée de campagne belge de se former complètement, d'occuper les meilleures positions possibles en travers de la route visée par l'ennemi et d'opérer leur jonction avec d'imposantes masses fran?aises, élevant ainsi entre votre frontière et celle de la Prusse une barrière qui semble désormais infranchissable, même si leurs premiers revers à Liége et le premier et brillant succès des Fran?ais à Altkirch n'affectent point profondément le moral d'une armée incontestablement courageuse et endurante.
Le moral!... Rien n'a mieux montré que ces préliminaires d'une guerre monstrueuse le r?le énorme qu'il joue dans une telle lutte! C'est l'iniquité de l'agression allemande, le mépris affiché par le kaiser pour la lettre et l'esprit des traités, la mauvaise foi et la duplicité de ses procédés, la férocité des actes dictés à ses troupes, l'évidence de la longue préméditation de son crime par un système de fourberie et d'espionnage qui nous avait peuplés d'avance d'ennemis déguisés en commer?ants, banquiers, commis-voyageurs, armateurs; c'est cette véritable application des méthodes de l'apache allant jusqu'à une tentative d'assassinat contre le général Leman, l'héro?que défenseur de Liége, qui a révolté les Belges, comme le reste du monde, au plus profond de leur conscience et leur a inspiré brusquement l'irrésistible élan contre lequel sont venues se briser les premières hordes des nouveaux barbares.
GéRARD HARRY.
_D'autre part, un de nos collaborateurs particulièrement versé dans les questions d'artillerie et de génie militaire, nous fait conna?tre, dans ses grandes lignes, le système défensif de la place de Liége; il nous révèle en même temps le principe et les défauts de l'attaque menée par l'armée allemande_:
LE SYSTèME DES FORTS DE LA MEUSE
Le général Brialmont, l'illustre ingénieur militaire belge qui a construit, de 1888 à 1891, les forts de Liége et de Namur, avait étudié avec le plus grand soin les expériences exécutées dans notre pays en 1886 au fort de la Malmaison, avec les obus à mélinite. Il avait été le premier à tirer de ces expériences des conséquences pratiques que l'on trouve résumées dans son livre de 1888: _l'Influence du tir plongeant et des obus-torpilles sur la fortification_.
[Illustration: VUE CAVALIèRE DE LIéGE ET DE SES FORTS
Dessin de L. TRINQUIER.]
[Illustration: Le roi des Belges se rendant au Parlement, acclamé par la population bruxelloise.--Phot. HENNEBERT.]
Les essais de 1886 lui avaient montré d'une fa?on indéniable que les forts existant à cette époque étaient incapables de résister aux obus-torpilles, et que leurs murs de revêtement s'écroulaient d'une fa?on instantanée quand un obus à grande capacité venait éclater derrière eux, dans les terres qu'ils étaient chargés de soutenir.
Aussi le général Brialmont n'avait-il pas été long à comprendre qu'il fallait remplacer la ma?onnerie classique des vo?tes, ma?onnerie si facile à fissurer, par une matière homogène et résistante comme le béton de ciment, et cela tout en triplant les épaisseurs habituellement employées. On revenait ainsi, par un détour quelque peu inattendu, à un genre de fortification qui rappelait singulièrement celle du moyen age et les massifs imposants que l'on admire encore dans les donjons de Ham, de Coucy et de Vincennes.
Le général Brialmont avait également compris que les canons des forts, installés dans des emplacements trop visibles ou trop

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