une histoire plus s?re, une histoire des conditions de la vie, pour nous apprendre ce que tel peuple, �� telle ��poque, produisit et consomma dans tous les modes de son activit��. Cette histoire sera, non plus un art, mais une science, et elle affectera l'exactitude qui manque �� l'ancienne. Mais, pour se constituer, elle a besoin d'une multitude de statistiques qui font d��faut jusqu'ici chez tous les peuples et particuli��rement chez les Pingouins. Il est possible que les nations modernes fournissent un jour les ��l��ments d'une telle histoire. En ce qui concerne l'humanit�� r��volue, il faudra toujours se contenter, je le crains, d'un r��cit �� l'ancienne mode. L'int��r��t d'un semblable r��cit d��pend surtout de la perspicacit�� et de la bonne foi du narrateur.
Comme l'a dit un grand ��crivain d'Alca, la vie d'un peuple est un tissu de crimes, de mis��res et de folies. Il n'en va pas autrement de la Pingouinie que des autres nations; pourtant son histoire offre des parties admirables, que j'esp��re avoir mises sous un bon jour.
Les Pingouins rest��rent longtemps belliqueux. Un des leurs, Jacquot le Philosophe, a d��peint leur caract��re dans un petit tableau de moeurs que je reproduis ici et que, sans doute, on ne verra pas sans plaisir:
?Le sage Gratien parcourait la Pingouinie au temps des derniers Draconides. Un jour qu'il traversait une fra?che vall��e o�� les cloches des vaches tintaient dans l'air pur, il s'assit sur un banc au pied d'un ch��ne, pr��s d'une chaumi��re. Sur le seuil une femme donnait le sein �� un enfant; un jeune gar?on jouait avec un gros chien; un vieillard aveugle, assis au soleil, les l��vres entr'ouvertes, buvait la lumi��re du jour.
?Le ma?tre de la maison, homme jeune et robuste, offrit �� Gratien du pain et du lait.
?Le philosophe marsouin ayant pris ce repas agreste:
?--Aimables habitants d'un pays aimable, je vous rends graces, dit-il. Tout respire ici la joie, la concorde et la paix.
?Comme il parlait ainsi, un berger passa en jouant une marche sur sa musette.
?--Quel est cet air si vif? demanda Gratien.
?--C'est l'hymne de la guerre contre les Marsouins, r��pondit le paysan. Tout le monde le chante ici. Les petits enfants le savent avant que de parler. Nous sommes tous de bons Pingouins.
?--Vous n'aimez pas les Marsouins?
?--Nous les ha?ssons.
?--Pour quelle raison les ha?ssez-vous?
?--Vous le demandez? Les Marsouins ne sont-ils pas les voisins des Pingouins?
?--Sans doute.
?--Eh bien, c'est pour cela que les Pingouins ha?ssent les Marsouins.
?--Est-ce une raison?
?--Certainement. Qui dit voisins dit ennemis. Voyez le champ qui touche au mien. C'est celui de l'homme que je hais le plus au monde. Apr��s lui mes pires ennemis sont les gens du village qui grimpe sur l'autre versant de la vall��e, au pied de ce bois de bouleaux. Il n'y a dans cette ��troite vall��e, ferm��e de toutes parts, que ce village et le mien: ils sont ennemis. Chaque fois que nos gars rencontrent ceux d'en face, ils ��changent des injures et des coups. Et vous voulez que les Pingouins ne soient pas les ennemis des Marsouins! Vous ne savez donc pas ce que c'est que le patriotisme? Pour moi, voici les deux cris qui s'��chappent de ma poitrine: ?Vivent les Pingouins! Mort aux Marsouins!?
Durant treize si��cles, les Pingouins firent la guerre �� tous les peuples du monde, avec une constante ardeur et des fortunes diverses. Puis en quelques ann��es ils se d��go?t��rent de ce qu'ils avaient si longtemps aim�� et montr��rent pour la paix une pr��f��rence tr��s vive qu'ils exprimaient avec dignit��, sans doute, mais de l'accent le plus sinc��re. Leurs g��n��raux s'accommod��rent fort bien de cette nouvelle humeur; toute leur arm��e, officiers, sous-officiers et soldats, conscrits et v��t��rans, se firent un plaisir de s'y conformer; ce furent les gratte-papier, les rats de biblioth��que qui s'en plaignirent et les culs-de-jatte qui ne s'en consol��rent pas.
Ce m��me Jacquot le Philosophe composa une sorte de r��cit moral dans lequel il repr��sentait d'une fa?on comique et forte les actions diverses des hommes; et il y m��la plusieurs traits de l'histoire de son propre pays. Quelques personnes lui demand��rent pourquoi il avait ��crit cette histoire contrefaite et quel avantage, selon lui, en recueillerait sa patrie.
--Un tr��s grand, r��pondit le philosophe. Lorsqu'ils verront leurs actions ainsi travesties et d��pouill��es de tout ce qui les flattait, les Pingouins en jugeront mieux et, peut-��tre, en deviendront-ils plus sages.
J'aurais voulu ne rien omettre dans cette histoire de tout ce qui peut int��resser les artistes. On y trouvera un chapitre sur la peinture pingouine au moyen age, et, si ce chapitre est moins complet que je n'eusse souhait��, il n'y a point de ma faute, ainsi qu'on pourra s'en convaincre en lisant le terrible r��cit par lequel je termine cette pr��face.
L'id��e me vint, au mois de juin de la pr��c��dente ann��e, d'aller consulter sur les origines et les progr��s de l'art pingouin le regrett�� M. Fulgence
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