vrai, puisque ainsi l'on m'outrage.
- Hippolyte -
Par quelle illusion penses-tu m'éblouir ? Traître, peux-tu nier ce que je viens d'ouïr ?
- Mascarille -
Non. Mais il faut savoir que tout cet artifice Ne va directement qu'à vous rendre service ;
Que ce conseil adroit, qui semble être sans fard, Jette dans le panneau l'un et l'autre
vieillard (5) ; Que mon soin par leurs mains ne veut avoir Célie, Qu'à dessein de la mettre
au pouvoir de Lélie ; Et faire que, l'effet de cette invention Dans le dernier excès portant
sa passion, Anselme, rebuté de son prétendu gendre, Puisse tourner son choix du côté de
Léandre.
- Hippolyte -
Quoi ! tout ce grand projet, qui m'a mise en courroux, Tu l'as formé pour moi,
Mascarille ?
- Mascarille -
Oui, pour vous. Mais puisqu'on reconnaît si mal mes bons offices, Qu'il me faut de la
sorte essuyer vos caprices, Et que, pour récompense, on s'en vient, de hauteur, Me traiter
de faquin, de lâche, d'imposteur, Je m'en vais réparer l'erreur que j'ai commise, Et dès ce
même pas rompre mon entreprise.
- Hippolyte -
(l'arrêtant.)
Eh ! ne me traite pas si rigoureusement, Et pardonne aux transports d'un premier
mouvement.
- Mascarille -
Non, non, laissez-moi faire ; il est en ma puissance De détourner le coup qui si fort vous
offense. Vous ne vous plaindrez point de mes soins désormais ; Oui, vous aurez mon
maître, et je vous le promets.
- Hippolyte -
Eh ! mon pauvre garçon, que ta colère cesse ! J'ai mal jugé de toi, j'ai tort, je le confesse.
(Tirant sa bourse.)
Mais je veux réparer ma faute avec ceci. Pourrais-tu te résoudre à me quitter ainsi ?
- Mascarille -
Non, je ne le saurais, quelque effort que je fasse ; Mais votre promptitude est de mauvaise
grâce. Apprenez qu'il n'est rien qui blesse un noble coeur Comme quand il peut voir qu'on
le touche en l'honneur.
- Hippolyte -
Il est vrai, je t'ai dit de trop grosses injures : Mais que ces deux louis guérissent tes
blessures.
- Mascarille -
Eh ! tout cela n'est rien ; je suis tendre à ces coups. Mais déjà je commence à perdre mon
courroux ; Il faut de ses amis endurer quelque chose.
- Hippolyte -
Pourras-tu mettre à fin ce que je me propose Et crois-tu que l'effet de tes desseins hardis
Produise à mon amour le succès que tu dis ?
- Mascarille -
N'ayez point pour ce fait l'esprit sur des épines. J'ai des ressorts tout prêts pour diverses
machines ; Et quand ce stratagème à nos voeux manquerait, Ce qu'il ne ferait pas, un
autre le ferait.
- Hippolyte -
Crois qu'Hippolyte au moins ne sera pas ingrate.
- Mascarille -
L'espérance du gain n'est pas ce qui me flatte.
- Hippolyte -
Ton maître te fait signe, et veut parler à toi : Je te quitte ; mais songe à bien agir pour
moi.
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Scène XI. - Lélie, Mascarille.
- Lélie -
Que diable fais-tu là ? Tu me promets merveille ; Mais ta lenteur d'agir est pour moi sans
pareille. Sans que mon bon génie au-devant m'a poussé, Déjà tout mon bonheur eût été
renversé. C'était fait de mon bien, c'était fait de ma joie, D'un regret éternel je devenais la
proie ; Bref, si je ne me fusse en ces lieux rencontré, Anselme avait l'esclave, et j'en étais
frustré ; Il l'emmenait chez lui : mais j'ai paré l'atteinte, J'ai détourné le coup, et tant fait
que, par crainte, Le pauvre Trufaldin l'a retenue.
- Mascarille -
Et trois ; Quand nous serons à dix, nous ferons une croix. C'était par mon adresse, ô
cervelle incurable, Qu'Anselme entreprenait cet achat favorable ; Entre mes propres
mains on devait la livrer ; Et vos soins endiablés nous en viennent sevrer. Et puis pour
votre amour je m'emploierais encore ! J'aimerais mieux cent fois être grosse pécore,
Devenir cruche, chou, lanterne, loup-garou, Et que monsieur Satan vous vînt tordre le
cou.
- Lélie -
(seul.)
Il nous le faut mener en quelque hôtellerie, Et faire sur les pots décharger sa furie.
ACTE II. --------
Scène première. - Lélie, Mascarille.
- Mascarille -
A vos désirs enfin il a fallu se rendre : Malgré tous mes serments, je n'ai pu m'en défendre,
Et pour vos intérêts, que je voulais laisser, En de nouveaux périls viens de m'embarrasser.
Je suis ainsi facile ; et si de Mascarille Madame la nature avait fait une fille, Je vous
laisse à penser ce que ç'aurait été. Toutefois n'allez pas, sur cette sûreté, Donner de vos
revers au projet que je tente, Me faire une bévue, et rompre mon attente. Auprès
d'Anselme encor nous vous excuserons, Pour en pouvoir
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