Je suis mal satisfait de mon fils.
- Mascarille -
De mon maître ? Vous n'êtes pas le seul qui se plaigne de l'être : Sa mauvaise conduite,
insupportable en tout, Met à chaque moment ma patience à bout.
- Pandolfe -
Je vous croyais pourtant assez d'intelligence Ensemble.
- Mascarille -
Moi ? Monsieur, perdez cette croyance ; Toujours de son devoir je tâche à l'avertir, Et
l'on nous voit sans cesse avoir maille à partir (2). A l'heure même encor nous avons eu
querelle Sur l'hymen d'Hippolyte, où je le vois rebelle, Où, par l'indignité d'un refus
criminel, Je le vois offenser le respect paternel.
- Pandolfe -
Querelle ?
- Mascarille -
Oui, querelle, et bien avant poussée.
- Pandolfe -
Je me trompais donc bien ; car j'avais la pensée Qu'à tout ce qu'il faisait tu donnais de
l'appui.
- Mascarille -
Moi ! Voyez ce que c'est que du monde aujourd'hui, Et comme l'innocence est toujours
opprimée ? Si mon intégrité vous était confirmée, Je suis auprès de lui gagé pour
serviteur, Vous me voudriez encor payer pour précepteur : Oui, vous ne pourriez pas lui
dire davantage Que ce que je lui dis pour le faire être sage. Monsieur, au nom de Dieu, lui
fais-je assez souvent, Cessez de vous laisser conduire au premier vent ; Réglez-vous ;
regardez l'honnête homme de père Que vous avez du ciel, comme on le considère ;
Cessez de lui vouloir donner la mort au coeur, Et, comme lui, vivez en personne
d'honneur.
- Pandolfe -
C'est parler comme il faut. Et que peut-il répondre ?
- Mascarille -
Répondre ? Des chansons dont il me vient confondre. Ce n'est pas qu'en effet, dans le
fond de son coeur, Il ne tienne de vous des semences d'honneur ; Mais sa raison n'est pas
maintenant la maîtresse. Si je pouvais parler avecque hardiesse, Vous le verriez dans peu
soumis sans nul effort.
- Pandolfe -
Parle.
- Mascarille -
C'est un secret qui m'importerait fort S'il était découvert ; mais à votre prudence Je le puis
confier avec toute assurance.
- Pandolfe -
Tu dis bien.
- Mascarille -
Sachez donc que vos voeux sont trahis Par l'amour qu'une esclave imprime à votre fils.
- Pandolfe -
On m'en avait parlé ; mais l'action me touche De voir que je l'apprenne encore par ta
bouche.
- Mascarille -
Vous voyez si je suis le secret confident...
- Pandolfe -
Vraiment je suis ravi de cela.
- Mascarille -
Cependant A son devoir, sans bruit, désirez vous le rendre ? Il faut... J'ai toujours peur
qu'on nous vienne surprendre : Ce serait fait de moi, s'il savait ce discours. Il faut, dis-je,
pour rompre à toute chose cours, Acheter sourdement l'esclave idolâtrée, Et la faire
passer en une autre contrée. Anselme a grand succès auprès de Trufaldin ; Qu'il aille
l'acheter pour vous dès ce matin : Après, si vous voulez en mes mains la remettre, Je
connais des marchands, et puis bien vous promettre D'en retirer l'argent qu'elle pourra
coûter, Et malgré votre fils, de la faire écarter ; Car enfin, si l'on veut qu'à l'hymen il se
range, A cet amour naissant il faut donner le change ; Et de plus, quand bien même il
serait résolu, Qu'il aurait pris le joug que vous avez voulu, Cet autre objet, pouvant
réveiller son caprice, Au mariage encor peut porter préjudice.
- Pandolfe -
C'est très bien raisonner ; ce conseil me plaît fort... Je vois Anselme ; va, je m'en vais
faire effort Pour avoir promptement cette esclave funeste, Et la mettre en tes mains pour
achever le reste.
- Mascarille -
(seul.)
Bon ; allons avertir mon maître de ceci. Vive la fourberie, et les fourbes aussi.
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Scène X. - Hippolyte, Mascarille.
- Hippolyte -
Oui, traître, c'est ainsi que tu me rends service ! Je viens de tout entendre, et voir ton
artifice : A moins que de cela, l'eussé-je soupçonné ? Tu couches d'imposture (3), et tu
m'en as donné. Tu m'avais promis, lâche, et j'avais lieu d'attendre Qu'on te verrait servir
mes ardeurs pour Léandre ; Que du choix de Lélie, où l'on veut m'obliger, Ton adresse et
tes soins sauraient me dégager ; Que tu m'affranchirais du projet de mon père : Et
cependant ici tu fais tout le contraire ! Mais tu t'abuseras ; je sais un sûr moyen Pour
rompre cet achat où tu pousses si bien ; Et je vais de ce pas...
- Mascarille -
Ah ! que vous êtes prompte ! La mouche tout d'un coup à la tête vous monte (4), Et, sans
considérer s'il a raison ou non, Votre esprit contre moi fait le petit démon. J'ai tort, et je
devrais, sans finir mon ouvrage, Vous faire dire
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