��mouvantes les unes que les autres!
Cette ��trange passion m'a donn�� de curieuses relations, des amiti��s pr��cieuses et bizarres, et j'aurais un fort gros volume �� ��crire si je voulais en faire un r��cit complet; mais mon ambition ne s'��l��ve pas si haut: il me suffira de relater ici aussi rapidement que possible ce que j'ai appris des moeurs et du caract��re de M. Val��re Bouldouyr, afin d'aider les chroniqueurs, si jamais il s'en trouve un qui, �� l'exemple de Paul de Musset ou de Charles Monselet, veuille tracer une galerie de portraits d'apr��s les excentriques de notre temps.
A l'��poque o�� je fis sa connaissance, je venais de quitter l'appartement que j'habitais dans l'?le Saint-Louis pour me fixer au Palais-Royal.
Ce quartier me plaisait parce qu'il a �� la fois d'isol�� et de populaire. Les maisons qui encadrent le jardin ont belle apparence, avec leurs fa?ades r��guli��res, leurs pilastres, et ce balcon qui court sur trois c?t��s, exhaussant, �� intervalles ��gaux, un vase noirci par le temps; mais tout autour, ce ne sont encore que rues ��troites et tournantes, places provinciales, passages vitr��s aux boutiques vieillottes, recoins bizarres, boutiques inattendues. Les gens du quartier semblent y vivre, comme ils le feraient �� Castres ou �� Langres, sans rien savoir de l'��norme vie qui grouille �� deux pas d'eux, et �� laquelle ils ne s'int��ressent gu��re. Ils ont tous, plus ou moins, des choses de ce monde la m��me opinion que mon coiffeur, M. Delavigne, qui, un matin o�� un ministre de la Guerre, alors fameux, fut tu�� en assistant �� un d��part d'a��roplanes, se pencha vers moi et me dit, tout ��mu, tandis qu'il me barbouillait le menton de mousse:
--Quand on pense, monsieur, que cela aurait pu arriver �� quelqu'un du quartier!
Delavigne fut le premier d'ailleurs �� me faire appr��cier les charmes du mien. Il tenait boutique dans un de ces passages que j'ai cit��s tant?t et que beaucoup de Parisiens ne connaissent m��me pas. Sa devanture attirait les regards par une grande assembl��e de ces t��tes de cire au visage si inexpressif qu'on peut les coiffer de n'importe quelle perruque sans modifier en rien leur physionomie.
Quand on entrait dans le magasin, il ��tait g��n��ralement vide; M. Delavigne se souciait peu d'attendre des heures enti��res des chalands incertains. Lorsqu'il sortait, il ne fermait m��me pas sa porte, tant il avait confiance dans l'honn��tet�� de ses voisins. D'ailleurs, qu'e?t-on vol�� �� M. Delavigne?
Trois pi��ces, qui se suivaient et qui ��taient fort exigu?s, composaient tout son domaine. La premi��re contenait les lavabos; la seconde, des armoires o�� j'appris plus tard qu'il enfermait ses postiches; pour la troisi��me, je n'ai jamais su �� quoi elle pouvait servir.
Trouvait-on M. Delavigne? Il vous recevait avec un sourire suave et vous priait de l'attendre, car il ��tait en g��n��ral fort occup�� �� de copieux bavardages. De curieuses personnes causaient avec lui dans l'arri��re-boutique, quelquefois, de bonnes gens qui venaient chercher perruque, mais aussi des marchandes �� la toilette, des courti��res du Mont-de-Pi��t��, de vieux beaux encore solennels. J'ai souvent soup?onn�� M. Delavigne de faire un peu tous les m��tiers; mais je dois avouer que je n'ai rien surpris de suspect dans ses actes, et je crois qu'il avait seulement l'amour immod��r�� des dominos, passion �� laquelle il se livrait dans un caf�� voisin, qui s'appelait et s'appelle encore: A la Promenade de V��nus. Je n'ais jamais pu passer devant cet endroit sans imaginer que j'allais d��barquer �� Paphos ou �� Amathonte.
--Monsieur, me disait souvent M. Delavigne avec m��lancolie, il n'y a vraiment qu'un emploi pour lequel je ne me sente aucune disposition: c'est celui que j'exerce! Rien ne m'ennuie plus que de faire un "complet", ou m��me une barbe, et �� la seule id��e d'un shampoing, sauf votre respect, le coeur me l��ve de d��go?t!
--Aviez-vous une autre vocation, monsieur Delavigne?
--Aucune, monsieur Salerne, mais j'aimerais assez ��tre souffleur �� la Com��die-Fran?aise, ou, sauf votre respect, greffier du tribunal. Je crois que, dans ce m��tier-l��, on a un costume ��tonnant, avec de l'hermine qui pend quelque part. Il me plairait aussi beaucoup d'��tre po��te comme cet ��crivain dont je porte le nom, para?t-il, et qui ��tait peut-��tre un de mes anc��tres...
--Po��te, monsieur Delavigne? Peste! Vous voici bien ambitieux!
--Monsieur Salerne croit-il que je suis insensible? Non, non, on peut ��tre coiffeur et avoir ses d��ceptions, ses d��sillusions, tout comme un autre. Nous habitons un monde, monsieur, o�� le coeur n'a pas sa r��compense!
On le voit, je prenais plaisir aux propos de M. Delavigne. Sous cette fleur de bonne compagnie, qui leur donnait tant de charme, je retrouvais un type en quelque sorte national, sentencieux, aimant �� moraliser, vaniteux, au moment m��me qu'il m��prisait le plus son caract��re et son ��tat; avec cela, sentimental et toujours d��?u par quelque chose. Deux ou trois journaux tra?naient dans sa boutique, dont j'ai su depuis
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.