LArgent | Page 9

Emile Zola
qui osent tout, ayant tout �� gagner. Il se montra bonhomme.
?Une situation, r��p��ta-t-il. Eh! ?a peut se trouver. Venez me voir.
--Rue Saint-Lazare, maintenant, n'est-ce pas?
--Oui, rue Saint-Lazare. Le matin.?
Ils caus��rent. Jantrou ��tait tr��s anim�� contre la Bourse, r��p��tant qu'il fallait ��tre un coquin pour y r��ussir, avec la rancune d'un homme qui n'avait pas eu la coquinerie chanceuse. C'��tait fini, il voulait tenter autre chose, il lui semblait que, grace �� sa culture universitaire, �� sa connaissance du monde, il pouvait se faire une belle place dans l'administration. Saccard l'approuvait d'un hochement de t��te. Et, comme ils ��taient sortis des grilles, longeant le trottoir jusqu'�� la rue Brongniart, tous deux s'int��ress��rent �� un coup�� sombre, d'un attelage tr��s correct, qui ��tait arr��t�� dans cette rue, le cheval tourn�� vers la rue Montmartre. Tandis que le dos du cocher, haut perch��, demeurait d'une immobilit�� de pierre, ils avaient remarqu�� qu'une t��te de femme, �� deux reprises, paraissait a la porti��re et disparaissait, vivement. Tout d'un coup, la t��te se pencha, s'oublia, avec un long regard d'impatience en arri��re, du c?t�� de la Bourse.
?La baronne Sandorff?, murmura Saccard.
C'��tait une t��te brune tr��s ��trange, des yeux noirs br?lants sous des paupi��res meurtries, un visage de passion �� la bouche saignante, et que gatait seulement un nez trop long. Elle semblait fort jolie, d'une maturit�� pr��coce, pour ses vingt-cinq ans, avec son air de bacchante habill��e par les grands couturiers du r��gne.
?Oui, la baronne, r��p��ta Jantrou. Je l'ai connue, quand elle ��tait jeune fille, chez son p��re, le comte de Ladricourt. Oh! un enrag�� joueur, et d'une brutalit�� r��voltante. J'allais prendre ses ordres chaque matin, il a failli me battre un jour. Je ne l'ai pas pleur��, celui-l��, quand il est mort d'un coup de sang, ruin��, �� la suite d'une s��rie de liquidations lamentables.... La petite alors �� d? se r��soudre �� ��pouser le baron Sandorff, conseiller �� l'ambassade d'Autriche, qui avait trente-cinq ans de plus qu'elle, et qu'elle avait positivement rendu fou, avec ses regards de feu.
--Je sais?, dit simplement Saccard.
De nouveau, la t��te de la baronne avait replong�� dans le coup��. Mais, presque aussit?t, elle reparut, plus ardente, le cou tordu pour voir au loin, sur la place.
?Elle joue, n'est-ce pas?
--Oh! comme une perdue! Tous les jours de crise, on peut la voir la, dans sa voiture, guettant les cours, prenant fi��vreusement des notes sur son carnet, donnant des ordres.... Et, tenez! c'��tait Massias qu'elle attendait le voici qui la rejoint.?
En effet, Massias courait de toute la vitesse de ses jambes courtes, sa cote a la main, et ils le virent qui s'accoudait a la porti��re du coup��, y plongeant la t��te a son tour, en grande conf��rence avec la baronne. Puis, comme ils s'��cartaient un peu, pour ne pas ��tre surpris dans leur espionnage, et comme le remisier revenait, toujours courant, ils l'appel��rent. Lui, d'abord, jeta un regard de c?t��, s'assurant que le coin de la rue le cachait; ensuite, il s'arr��ta net, essouffl��, son visage fleuri congestionn��, gai quand m��me, avec ses gros yeux bleus d'une limpidit�� enfantine.
?Mais qu'est-ce qu'ils ont? cria-t-il. Voil�� le Suez qui d��gringole. On parle d'une guerre avec l'Angleterre. Une nouvelle qui les r��volutionne, et qui vient on ne sait d'o��... Je vous le demande un peu, la guerre! qui est-ce qui peut bien avoir invent�� ?a? A moins que ?a ne se soit invent�� tout seul.... Enfin, un vrai coup de chien.?
Jantrou cligna des yeux.
?La dame mord toujours?
--Oh! enrag��e! Je porte ses ordres a Nathansohn.?
Saccard, qui ��coutait, fit tout haut une r��flexion.
?Tiens! c'est vrai, on m'a dit que Nathansohn ��tait entr�� �� la coulisse.
--Un gar?on tr��s gentil, Nathansohn, d��clara Jantrou, et qui m��rite de r��ussir. Nous avons ��t�� ensemble au Cr��dit mobilier.... Mais il arrivera, lui, car il est juif. Son p��re, un Autrichien, est ��tabli �� Besan?on, horloger, je crois.... Vous savez que ?a l'a pris un jour, l��-bas, au Cr��dit, en voyant comment ?a se manigan?ait. Il s'est dit que ce n'��tait pas si malin, qu'il n'y avait qu'�� avoir une chambre et �� ouvrir un guichet; et il a ouvert un guichet.... Vous ��tes content, vous, Massias?
--Oh! content! Vous y avez pass��, vous avez raison de dire qu'il faut ��tre juif; sans ?a, inutile de chercher �� comprendre, on n'y a pas la main, c'est la d��veine noire.... Quel sale m��tier! Mais on y est, on y reste. Et puis, j'ai encore de bonnes jambes, j'esp��re tout de m��me.?
Et il repartit, courant et riant. On le disait fils d'un magistrat de Lyon, frapp�� d'indignit��, tomb�� lui-m��me �� la Bourse, apr��s la disparition de son p��re, n'ayant pas voulu continuer ses ��tudes de droit.
Saccard et Jantrou, �� petits pas, revinrent vers la rue Brongniart; et ils y retrouv��rent le coup�� de la baronne; mais les glaces ��taient lev��es, la voiture myst��rieuse paraissait
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