LArchipel en feu | Page 5

Jules Verne
une agression directe, dont quelques-uns d'entre eux pouvaient ��tre victimes. Il y avait, en effet, de ces batiments, d��fendus par un courageux ��quipage, qui ne se laissaient point impun��ment attaquer.
Les compagnons de Gozzo quitt��rent donc leur poste d'observation et redescendirent au port, sans perdre un instant. En effet, il s'agissait de mettre en oeuvre ces machinations famili��res �� tous les pilleurs d'��paves, qu'ils soient du Ponant ou du Levant.
De faire ��chouer la sacol��ve dans les ��troites passes du chenal, en lui indiquant une fausse direction, rien n'��tait plus ais�� au milieu de cette obscurit��, qui, sans ��tre profonde encore, l'��tait assez pour rendre ses ��volutions difficiles.
?Au feu de port!? dit simplement Gozzo, auquel ses compagnons avaient l'habitude d'ob��ir sans h��siter.
Le vieux marin fut compris. Deux minutes apr��s, ce feu -- une simple lanterne, allum��e �� l'extr��mit�� d'un matereau ��lev�� sur le petit m?le -- s'��teignait subitement.
Au m��me instant, ce feu ��tait remplac�� par un autre feu, qui fut plac�� tout d'abord dans la m��me direction; mais, si le premier, immobile sur le m?le, indiquait un point toujours fixe pour le navigateur, le second, grace �� sa mobilit��, devait l'entra?ner hors du chenal et l'exposer �� donner contre quelque ��cueil.
Ce feu, en effet, c'��tait une lanterne, dont la lumi��re ne diff��rait point de celle du feu de port; mais cette lanterne avait ��t�� accroch��e aux cornes d'une ch��vre, que l'on poussait lentement sur les premi��res rampes de la falaise. Elle se d��pla?ait donc avec l'animal et devait engager la sacol��ve en de fausses manoeuvres.
Ce n'��tait pas la premi��re fois que les gens de Vitylo agissaient de la sorte. Non certes! Et il ��tait m��me rare qu'ils eussent ��chou�� dans leurs criminelles entreprises.
Cependant, la sacol��ve venait d'entrer dans la passe. Apr��s avoir cargu�� sa grande voile, elle ne portait plus que ses voiles latines de l'arri��re et son foc. Cette voilure r��duite devait lui suffire pour arriver �� son poste de mouillage.
�� l'extr��me surprise des marins qui l'observaient, le petit batiment s'avan?ait avec une incroyable s?ret��, �� travers les sinuosit��s du chenal. De cette lumi��re mobile que portait la ch��vre, il ne semblait en aucune fa?on se pr��occuper. Il e?t fait grand jour que sa manoeuvre n'aurait pas ��t�� plus correcte. Il fallait que son capitaine e?t souvent pratiqu�� les approches de Vitylo, et qu'il les conn?t au point de pouvoir s'y aventurer, m��me au milieu d'une nuit profonde.
D��j�� on l'apercevait, ce hardi marin. Sa silhouette se d��tachait nettement dans l'ombre sur l'avant de la sacol��ve. Il ��tait envelopp�� dans les larges plis de son aba, sorte de manteau de laine, dont le capuchon retombait sur sa t��te. En v��rit��, ce capitaine, dans son attitude, n'avait rien de ces modestes patrons de caboteurs, qui, pendant la manoeuvre, d��vident incessamment entre leurs doigts un chapelet �� gros grains, tels qu'il s'en rencontre le plus commun��ment sur les mers de l'Archipel. Non! Celui-ci, d'une voix basse et calme, ne s'occupait qu'�� transmettre ses ordres au timonier, plac�� �� l'arri��re du petit batiment.
En ce moment, la lanterne, promen��e sur les rampes de la falaise, s'��teignit tout �� coup. Mais cela ne fut pas pour embarrasser la sacol��ve, qui continua �� suivre imperturbablement sa route. Un instant, on put croire qu'une embard��e allait l'envoyer contre une dangereuse roche, plac��e �� fleur d'eau, �� une encablure du port, et qu'il n'��tait gu��re possible de voir dans l'ombre. Un l��ger coup de barre suffit �� modifier sa direction, et l'��cueil, ras�� de pr��s, fut ��vit��.
M��me adresse du timonier, quand il fut n��cessaire de parer une seconde basse, qui ne laissait qu'un ��troit passage �� travers le chenal -- basse sur laquelle plus d'un navire avait d��j�� touch�� en venant au mouillage, que son pilote f?t ou non le complice des Vityliens.
Ceux-ci n'avaient donc plus �� compter sur les chances d'un naufrage, qui leur e?t livr�� la sacol��ve sans d��fense. Avant quelques minutes, elle serait ancr��e dans le port. Pour s'en emparer, il faudrait n��cessairement la prendre �� l'abordage.
C'est ce qui fut r��solu, apr��s entente pr��alable de ces coquins, c'est ce qui allait ��tre mis en oeuvre au milieu d'une obscurit�� tr��s favorable �� ce genre d'op��ration.
?Aux canots!? dit le vieux Gozzo, dont les ordres n'��taient jamais discut��s, surtout quand il commandait le pillage.
Une trentaine d'hommes vigoureux, les uns arm��s de pistolets, la plupart brandissant poignards et haches, se jet��rent dans les canots amarr��s au quai, et s'avanc��rent en nombre ��videmment sup��rieur �� celui des hommes de la sacol��ve.
�� cet instant, un commandement fut fait �� bord d'une voix br��ve. La sacol��ve, apr��s ��tre sortie du chenal, se trouvait au milieu du port. Ses drisses furent largu��es, son ancre venait d'��tre mouill��e, et elle demeura immobile, apr��s une derni��re secousse produite au rappel de sa cha?ne.
Les embarcations n'en ��taient plus alors qu'�� quelques brasses. M��me sans montrer une d��fiance
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