LArchipel en feu | Page 4

Jules Verne
bord de ces sacol��ves.
On appelle ainsi un batiment levantin de m��diocre tonnage, dont la tonture, c'est-��-dire la courbe du pont, s'accentue l��g��rement en se relevant vers l'arri��re. Il gr��e sur ses trois mats �� pibles des voiles auriques. Son grand mat, tr��s inclin�� sur l'avant et plac�� au centre, porte une voile latine, une fortune, un hunier avec un perroquet volant. Deux focs �� l'avant, deux voiles en pointe sur les deux mats in��gaux de l'arri��re, compl��tent sa voilure, qui lui donne un singulier aspect. Les peintures vives de sa coque, l'��lancement de son ��trave, la vari��t�� de sa mature, la coupe fantaisiste de ses voiles, en font un des plus curieux sp��cimens de ces gracieux navires qui louvoient par centaines dans les ��troits parages de l'Archipel. Rien de plus ��l��gant que ce l��ger batiment, se couchant et se redressant �� la lame, se couronnant d'��cume, bondissant sans effort, semblable �� quelque ��norme oiseau, dont les ailes eussent ras�� la mer, qui brasillait alors sous les derniers rayons du soleil.
Bien que la brise tend?t �� fra?chir et que le ciel se couvr?t d'?��chillons? -- nom que les Levantins donnent �� certains nuages de leur ciel -- la sacol��ve ne diminuait rien de sa voilure. Elle avait m��me conserv�� son perroquet volant, qu'un marin moins audacieux e?t certainement amen��. ��videmment, c'��tait dans l'intention d'atterrir, le capitaine ne se souciant pas de passer la nuit sur une mer d��j�� dure et qui mena?ait de grossir encore.
Mais, si, pour les marins de Vitylo il n'y avait plus aucun doute sur ce point que la sacol��ve donnait dans le golfe, ils ne laissaient pas de se demander si ce serait �� destination de leur port.
?Eh! s'��cria l'un d'eux, on dirait qu'elle cherche toujours �� pincer le vent au lieu d'arriver!
-- Le diable la prenne �� sa remorque! r��pliqua un autre. Va-t-elle donc virer et reprendre un bord au large?
-- Est-ce qu'elle ferait route pour Coron?
-- Ou pour Kalamata??
Ces deux hypoth��ses ��taient ��galement admissibles. Coron est un port de la c?te maniote assez fr��quent�� par les navires de commerce du Levant, et il s'y fait une importante exportation des huiles de la Gr��ce du sud. De m��me pour Kalamata, situ��e au fond du golfe, dont les bazars regorgent de produits manufactur��s, ��toffes ou poteries, que lui envoient les divers ��tats de l'Europe occidentale. Il ��tait donc possible que la sacol��ve f?t charg��e pour l'un de ces deux ports -- ce qui e?t fort d��concert�� ces Vityliens, en qu��te de d��pr��dations et pillages.
Pendant qu'elle ��tait observ��e avec une attention si peu d��sint��ress��e, la sacol��ve filait rapidement. Elle ne tarda pas �� se trouver �� la hauteur de Vitylo. Ce fut l'instant o�� son sort allait se d��cider. Si elle continuait �� s'��lever vers le fond du golfe, Gozzo et ses compagnons devraient perdre tout espoir de s'en emparer. En effet, m��me en se jetant dans leurs plus rapides embarcations, ils n'auraient eu aucune chance de l'atteindre, tant sa marche ��tait sup��rieure sous cette ��norme voilure qu'elle portait sans fatigue.
?Elle arrive!?
Ces deux mots furent bient?t jet��s par le vieux marin, dont le bras, arm�� d'une main crochue, se lan?a vers le petit batiment comme un grappin d'abordage.
Gozzo ne se trompait pas. La barre venait d'��tre mise au vent, et la sacol��ve laissait maintenant porter sur Vitylo. En m��me temps, son perroquet volant et son second foc furent amen��s; puis, son hunier se releva sur ses cargues. Ainsi soulag��e d'une partie de ses voiles, elle ��tait bien plus dans la main de l'homme de barre.
Il commen?ait alors �� faire nuit. La sacol��ve n'avait plus que juste le temps de donner dans les passes de Vitylo. Il y a, de ci de l��, des roches sous-marines qu'il faut ��viter, sous peine de courir �� une destruction compl��te. Pourtant, le pavillon de pilote n'avait point ��t�� hiss�� au grand mat du petit batiment. Il fallait donc que son capitaine conn?t parfaitement ces fonds assez dangereux, puisqu'il s'y aventurait, sans demander assistance. Peut-��tre aussi se m��fiait-il -- �� bon droit -- des pratiques Vityliens, qui ne se seraient point g��n��s de le mettre sur quelque basse, o�� nombre de navires s'��taient d��j�� perdus.
Du reste, �� cette ��poque, aucun phare n'��clairait les c?tes de cette portion du Magne. Un simple feu de port servait �� gouverner dans l'��troit chenal.
La sacol��ve s'approchait, cependant. Elle ne fut bient?t plus qu'�� un demi-mille de Vitylo. Elle atterrissait sans h��sitation. On sentait qu'une main habile la manoeuvrait.
Cela n'��tait pas pour satisfaire tous ces m��cr��ants. Ils avaient int��r��t �� ce que le navire qu'ils convoitaient se jetat sur quelque roche. En ces conjonctures l'��cueil se faisait volontiers leur complice. Il commen?ait la besogne, et ils n'avaient plus qu'�� l'achever. Le naufrage d'abord, le pillage ensuite: c'��tait leur fa?on d'agir. Cela leur ��pargnait une lutte �� main arm��e,
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