LAffaire Lerouge | Page 9

Emile Gaboriau
police.
-- Que monsieur le juge se fie �� moi. J'aime �� proc��der sans renseignements, afin d'��tre plus ma?tre de mes impressions. Quand on conna?t l'opinion d'autrui, malgr�� soi on se laisse influencer, de sorte que... je vais toujours commencer mes recherches avec Lecoq.
�� mesure que le bonhomme parlait, son petit oeil gris s'allumait et brillait comme une escarboucle. Sa physionomie refl��tait une jubilation int��rieure, et ses rides semblaient rire. Sa taille s'��tait redress��e, et c'est d'un pas presque leste qu'il s'��lan?a dans la seconde chambre.
Il y resta une demi-heure environ, puis il sortit en courant. Il y revint, ressortit encore, reparut de nouveau et s'��loigna presque aussit?t. Le juge ne pouvait s'emp��cher de remarquer en lui cette sollicitude inqui��te et remuante du chien qui qu��te... Son nez en trompette lui-m��me remuait, comme pour aspirer quelque ��manation subtile de l'assassin. Tout en allant et venant, il parlait haut et gesticulait, il s'apostrophait, se disait des injures, poussait de petits cris de triomphe ou s'encourageait. Il ne laissait pas une seconde de paix �� Lecoq. Il lui fallait ceci ou cela, ou telle autre chose. Il demandait du papier et un crayon, puis il voulait une b��che. Il criait pour avoir tout de suite du platre, de l'eau et une bouteille d'huile.
Apr��s plus d'une heure, le juge d'instruction, qui commen?ait �� s'impatienter, s'informa de ce que devenait son volontaire.
-- Il est sur la route, r��pondit le brigadier, couch�� �� plat ventre dans la boue, et il gache du platre dans une assiette. Il dit qu'il a presque fini et qu'il va revenir.
Il revint en effet presque aussit?t, joyeux, triomphant, rajeuni de vingt ans. Lecoq le suivait, portant avec mille pr��cautions un grand panier.
-- Je tiens la chose, dit-il au juge d'instruction, compl��tement. C'est tir�� au clair maintenant et simple comme bonjour. Lecoq, mets le panier sur la table, mon gar?on.
G��vrol, lui aussi, revenait d'exp��dition non moins satisfait.
-- Je suis sur la trace de l'homme aux boucles d'oreilles, dit-il. Le bateau descendait. J'ai le signalement exact du patron Gervais.
-- Parlez, monsieur Tabaret, dit le juge d'instruction.
Le bonhomme avait vid�� sur une table le contenu du panier, une grosse motte de terre glaise, plusieurs grandes feuilles de papier et trois ou quatre petits morceaux de platre encore humide. Debout, devant cette table, il ��tait presque grotesque, ressemblant fort �� ces messieurs qui, sur les places publiques, escamotent des muscades et les sous du public. Sa toilette avait singuli��rement souffert. Il ��tait crott�� jusqu'�� l'��chine.
-- Je commence, dit-il enfin d'un ton vaniteusement modeste. Le vol n'est pour rien dans le crime qui nous occupe.
-- Non, au contraire! murmura G��vrol.
-- Je le prouverai, poursuivit le p��re Tabaret, par l'��vidence. Je dirai aussi mon humble avis sur le mobile de l'assassinat, mais plus tard. Donc, l'assassin est arriv�� ici avant neuf heures et demie, c'est-��-dire avant la pluie. Pas plus que monsieur G��vrol je n'ai trouv�� d'empreintes boueuses, mais sous la table, �� l'endroit o�� se sont pos��s les pieds de l'assassin, j'ai relev�� des traces de poussi��re. Nous voil�� donc fix��s quant �� l'heure. La veuve Lerouge n'attendait nullement celui qui est venu. Elle avait commenc�� �� se d��shabiller et ��tait en train de remonter son coucou lorsque cette personne a frapp��.
-- Voil�� des d��tails! fit le commissaire.
-- Ils sont faciles �� constater, reprit l'agent volontaire: examinez ce coucou, au-dessus du secr��taire. Il est de ceux qui marchent quatorze �� quinze heures, pas davantage, je m'en suis assur��. Or, il est plus que probable, il est certain que la veuve le remontait le soir avant de se mettre au lit.
? Comment donc se fait-il que ce coucou soit arr��t�� sur cinq heures? C'est qu'elle y a touch��. C'est qu'elle commen?ait �� tirer la cha?ne quand on a frapp��. �� l'appui de ce que j'avance, je montre cette chaise au-dessous du coucou, et sur l'��toffe de cette chaise la marque fort visible d'un pied. Puis, regardez le costume de la victime: le corsage de la robe est retir��. Pour ouvrir plus vite elle ne l'a pas remis, elle a bien vite crois�� ce vieux chale sur ses ��paules.
-- Cristi! s'exclama le brigadier, ��videmment empoign��.
-- La veuve, continua le bonhomme, connaissait celui qui frappait. Son empressement �� ouvrir le fait soup?onner, la suite le prouve. L'assassin a donc ��t�� admis sans difficult��s. C'est un homme encore jeune, d'une taille un peu au-dessus de la moyenne, ��l��gamment v��tu. Il portait, ce soir-l��, un chapeau �� haute forme, il avait un parapluie et fumait un trabucos avec un porte- cigare...
-- Par exemple! s'��cria G��vrol, c'est trop fort!
-- Trop fort, peut-��tre, riposta le p��re Tabaret, en tout cas c'est la v��rit��. Si vous n'��tes pas minutieux, vous, je n'y puis rien, mais je le suis, moi. Je cherche et je trouve. Ah! c'est trop fort! dites-vous. Eh bien! daignez jeter un
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