LA. B. C. du libertaire | Page 7

Jules Lermina
la justice.
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On te dira encore, Camarade, que tel pays est plus digne que tel autre d'être défendu parce que déjà on y a conquis de vaines libertés politiques qui sont des instruments de progrès, ne te laisse pas troubler par les grands mots.
De par l'organisation propriétaire et capitaliste, les libertés sont employées contre la masse comme outil d'asservissement, et l'habileté des ma?tres est telle qu'ils savent défigurer les choses et les mots pour leur attribuer une signification favorable uniquement à leurs intérêts.
Le suffrage universel! Est-ce que tu peux lui proposer le seul problème dont la solution te touche, la reprise de la propriété et l'abolition du capitalisme?
Défie-toi de tous ces vocables ronflants: syndicalisme, retraites ouvrières, fixation des heures de travail. En tout cela, il n'y a que des palliatifs, destinés à laisser subsister la grande iniquité sociale.
Syndicats--groupements des ouvriers qui défendent leurs intérêts contre les patrons--pourquoi des patrons? Pourquoi des parasites? Un seul syndicat, la collectivité travailleuse par elle-même et pour elle-même.
Les retraites ouvrières! C'est l'os qu'on jette aux travailleurs pour que, satisfaits de ne plus mourir d'épuisement et de misère, ils acceptent de, pendant toute leur vie, rester à l'état d'esclaves attachés à la glèbe industrielle. Pas de retraites, mais la répartition équitable et légitime de toutes les ressources terrestres entre ceux qui les produisent.
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Peut-être, Camarade, qui veux travailler au progrès, es-tu surpris de cette franchise. Tu dis que ce qui est acquis est acquis, et que la diminution de souffrance n'est pas à dédaigner.
D'accord, mais n'oublie pas que le libertaire conscient a une mission plus large; assez d'autres opportunistes, qui ont intérêt à la perpétuation de l'état social actuel, sont tout prêts à servir inconsciemment de complices à la malice des politicailleurs.
Tu dois voir de plus haut et plus loin.
Un exemple: Suppose que les socialistes arrivent à obtenir la journée de huit heures. Quelles batailles ne faudra-t-il pas livrer pour que la question soit posée sur son véritable terrain, c'est-à-dire que, tout en ne travaillant que huit heures, l'ouvrier gagne autant qu'aujourd'hui, en ses dix, douze et quatorze heures de labeur.
Admettons même que le capital, s'arrachant un lambeau de ses bénéfices, consente à ce sacrifice et organise le travail par équipes, augmentant ainsi le nombre des salariés et diminuant, à son grand regret, celui des meurt-de-faim...
Est-ce que pour cela le salariat sera plus légitime, est-ce que plus légitime le bénéfice prélevé par un individu ou une société sur la collectivité des travailleurs, est-ce que plus légitime l'opulence des uns en face de la misère des autres, le gavage en face de la privation?
Songes-y bien, d?t ton salaire se décupler et ta fatigue diminuer dans les mêmes proportions, la situation n'en serait pas moins injuste, parce qu'elle aurait toujours pour base première le privilège des uns et la soumission des autres.
Et toi, libertaire, tu ne peux être que l'homme de la justice. Sinon, tu n'as pas de raison d'être, reste jacobin, radical, socialiste: tu seras un des défenseurs de l'ordre de choses existant et quand tu voudras le critiquer et verser sur les vices de l'humanité des larmes de crocodile, tu seras un hypocrite et un tartufe.
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La propriété--fondement de l'autorité--a créé tous les vices.
Elle est productrice de paresse, car, sans parler des riches qui s'abstiennent de tout travail et vivent de celui des autres, elle a donné à la masse la haine de l'effort et la volonté de s'y soustraire.
Ne le nie pas, Camarade. Tu ne travailles que parce que tu y es forcé, et tu cherches à tromper ton patron en lui fournissant le moins possible d'huile de bras.
Pourquoi, sinon parce que, sans que tu en aies peut-être la notion positive, tu sens que ton effort profite à un égo?ste et à un exploiteur.
Il n'en serait pas de même si tu travaillais pour la collectivité, car tu comprendrais que, de ton effort entier, le bénéfice revient à tous, c'est-à-dire à toi-même.
Que t'importe de batir des palais que tu n'habites pas et d'où les laquais te chassent à coups de trique! Mais si tu apportais ta pierre aux édifices collectifs devant abriter tous les hommes et toi-même, avec quel amour tu consacrerais ton énergie à leur beauté, à leur spaciosité, à leurs conditions hygiéniques.
Travailler pour l'humanité avec la conscience qu'on fait partie des bénéficiaires de tout travail, c'est la justification et on pourrait dire la purification de l'effort quel qu'il soit; et avec quelle placidité chacun, sa tache accomplie, jouirait du bien-être dont il a été l'artisan.
* * *
La propriété a créé le vol: car elle est génératrice de jalousie, d'envie et de haine, avec volonté de revanche.
Pourquoi celui-ci est-il favorisé plut?t que celui-là? Pourquoi, parce que le grand-père ou le père de cet enfant ont amassé des capitaux, le nouveau venu se trouvera-t-il délié de l'obligation que la nature impose à tout
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