LA. B. C. du libertaire | Page 4

Jules Lermina
dans les actes quotidiens de la vie, tu éprouves la nécessité
de l'existence d'un Dieu? Tu vis sans lui et en dehors de lui, et n'y
songerais jamais si certains n'avaient intérêt à sans cesse te rappeler son
nom et à affirmer son existence.
Et ceux-là sont les exploiteurs de tes faiblesses et de tes lâchetés.
Oui, Dieu est nécessaire pour établir le dogme de l'autorité et de la
hiérarchie. C'est sur l'idée de son existence qu'est basée toute
l'organisation anti-égalitaire de la Société.
L'idée de Dieu est le substratum de toute domination qui, ne pouvant se
justifier par aucun autre titre, s'en réfère à une sorte d'investiture
céleste.
Pour le roi, pour le chef, pour le possédant, pour l'accapareur, l'idée de
Dieu est nécessaire parce que c'est d'elle seule qu'ils tiennent
l'apparence d'un droit. Ils ont inventé le maître pour pouvoir s'en
déclarer les délégués et opprimer les masses en son nom.
Dieu est nécessaire pour le propriétaire: car s'il n'avait pas inventé cette
fiction d'un Dieu répartiteur du sol, il n'aurait pu imaginer cette sinistre
fantaisie de l'appropriation perpétuelle, fondée sur la conquête,
c'est-à-dire sur le vol. C'est la Force qu'ils ont acclamée Dieu, et toutes
leurs énergies se sont concentrées sur la défense de ce mensonge, qu'ils
utilisèrent à leur profit.
L'idée de Dieu n'est nécessaire que pour les oppresseurs, pour les
envahisseurs, pour les négateurs du droit collectif.
Pour l'inculquer aux masses, on a eu l'infernale habileté de la
compliquer de l'idée de compensation. Qui a souffert sur la terre jouira
d'un bonheur éternel. Plus vous aurez été malheureux ici-bas, et plus
vous serez heureux dans le ciel.
D'où la résignation, d'où l'abandon par l'homme du bien qui lui

appartient, la terre, au profit des brutaux et des aigrefins.
À ceux-là, l'idée de Dieu est nécessaire parce que, grâce à elle, ils ont
pu, pendant des siècles, arrêter les revendications du droit humain,
parce que les ignorants, les humbles, les faibles ont été courbés sous la
violence, et ont baisé la main qui les frappait et les dépouillait, dans
l'espoir insensé d'une revanche céleste.
Libère-toi de l'idée de Dieu, et, ne t'hypnotisant plus dans la
contemplation du ciel, regarde la terre. C'est là ton outil de bien-être.
Tu n'admettras plus que quelques-uns détiennent les biens qui sont à
tous, tu n'admettras plus d'être soumis, pour toutes les nécessités de la
vie, aux spéculations qui sont des meurtres organisés.
Tu sentiras que la charité qui est faite au nom de Dieu n'est en réalité
que la perpétuation de la misère.
Tu sentiras la vérité de cette parole trop tôt proférée pour qu'elle fût
bien comprise:
Dieu, c'est le mal.
Car Dieu, c'est la tyrannie sous toutes ses formes, c'est la propriété avec
tous ses accaparements, c'est la divinisation de la souffrance, c'est la
négation du droit au bien-être, au bonheur, à la jouissance des biens
terrestres. C'est la souillure de nos aspirations physiques, de l'amour, de
la génération. C'est la déshumanisation de l'humanité.
Et cette idée, qui ne produit que de la souffrance, de la haine, de
l'iniquité, serait nécessaire, fatale!
Ceux qui disent cela et se croient de pensée libre sont des pusillanimes
qui n'osent point user de leur raison.
Il est au contraire nécessaire que l'idée de Dieu s'efface et disparaisse.
Alors seulement, l'homme sera maître de sa force cérébrale tout entière
et appliquera son effort à la réalisation du bien-être général, par
l'exploitation solidaire du seul domaine qui soit à sa portée, la terre.

L'esprit désobscurci du préjugé religieux, l'homme exercera sa pensée
réellement libre, et pour lui, la vie changera de face. Cette liberté
reconquise, il en usera dans toutes les circonstances, les préjugés
engourdisseurs disparaîtront un à un et la vraie lumière éclatera.
Voyons maintenant le penseur--déjà libéré du mensonge divin--aux
prises avec les autres faux axiomes qui n'en sont d'ailleurs que des
résultantes.
* * *
Te voilà au milieu des hommes, tes semblables, et en face de la terre
dont, eux et toi, vous devez tirer votre subsistance.
Les hommes sont tes égaux, tu es leur égal.
Ici je te demande un peu d'attention.
Quand tu parles d'égalité, aussitôt on te rabroue, en affirmant que
l'égalité est une utopie, que la nature même la dénie, que les hommes
viennent sur la terre avec des organismes dissemblables, les uns plus
forts, les autres plus débiles; les uns, très intelligents, les autres, de
faible cerveau, et de ces prémisses, on part pour justifier les inégalités
sociales, la misère en face de la richesse, le salariat et le capitalisme,
l'ignorance et l'éducation supérieure, et par suite, la bataille humaine
avec ses égorgements et ses épouvantes.
Et l'égalitaire se trouve pris de court et hésite à répondre.
C'est qu'en ce point, comme dans toutes les discussions sociales, nous
nous laissons tromper par une définition fausse, passée
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