Légendes pour les enfants | Page 6

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à la fin, c'est l'exemple de saint éloi qui, en sa jeunesse, avait beaucoup d'orgueil. Voici à quelle occasion et de quelle éclatante manière il fut remis dans les voies de la sagesse.
éloi venait de quitter l'orfévre son ma?tre; mais comme il n'avait pas assez d'argent pour ouvrir une boutique d'orfévrerie, en attendant mieux, il se fit maréchal ferrant.
Jamais on n'avait vu maréchal qui f?t digne de dénouer les cordons de ses souliers.
Avec son marteau, sa tenaille et son enclume, il faisait des merveilles incomparables. Les fers qu'il forgeait (et il les forgeait sans les chauffer plus de trois fois) avaient exactement le brillant de l'argent poli et ils étaient d'un dessin plein d'élégance. Les clous qu'il préparait pour clouer ses fers étaient taillés comme des diamants. Un fer à cheval fabriqué et placé par éloi était un véritable bijou qu'on admirait dans toute l'étendue des divers royaumes des Francs. L'orgueil le saisit lorsqu'il vit que son nom jouissait d'une si grande renommée; il se fit peindre sur sa porte ferrant un cheval et il fit écrire au-dessus de l'enseigne: Eloi, ma?tre sur ma?tre, ma?tre sur tous.
On fut bien étonné un beau matin de voir cette enseigne; peu après on s'en plaignit; les maréchaux ferrants de toute l'Europe murmurèrent; enfin le bruit de ces plaintes et de ces murmures monta jusqu'au ciel. Dieu n'aime pas les gens qui ne savent pas dominer leur orgueil, et il se pla?t souvent à les humilier.
Un matin, pendant que saint éloi achevait un fer, le plus élégant et le plus brillant de tous ceux qu'il avait fabriqués, il vit un jeune homme, vêtu d'un costume d'ouvrier, qui se tenait sur le seuil de sa porte et le regardait travailler. La matinée était belle et fra?che; le soleil éclairait de grandes pièces d'avoine devant la maison de saint éloi; il y avait encore un peu de rosée dans les touffes d'herbes qui couvraient la chaussée. Tout cela fit que saint éloi se trouva de bonne humeur et demanda à l'inconnu d'un ton assez aimable ce qu'il voulait de lui. ?Je voudrais voir si tu es un ma?tre sans égal, comme le disent ta renommée et ton enseigne.
--A quoi te servira de le savoir?
--A cela que, si je vois que tu es plus habile que moi, je me mettrai à ton école.
--Tu es donc bien habile?
--Je le suis assez pour croire qu'on ne peut l'être davantage.
--Tu n'as donc jamais vu ce que je fais?
--Je viens ici pour te voir à l'oeuvre.
--Alors c'est un défi?
--Sans doute.
--Et combien de fois chaufferas-tu un fer comme celui-ci? Tu sais que je n'ai besoin que de trois chaudes.
--Trois chaudes! c'est deux de trop.
--Pour le coup, mon ami, je crois que tu es un peu fou.
--Eh bien, laisse-moi entrer.?
L'inconnu prend un morceau de fer, le met dans la forge, souffle le feu, tourne et retourne son fer, l'arrose, le retourne encore, le retire, le porte sur l'enclume. C'est un morceau d'argent irisé de veines bleues, de veines jaunes, de veines roses, doux et souple comme une cire; il le prend, et, de la main, du marteau, il le fa?onne sans le remettre dans la forge. En un instant le fer à cheval est achevé et cambré, ciselé comme un bracelet.
éloi n'en peut croire ses yeux.
?Il y a, dit-il, quelque sortilége.
--Non; mais je suis, comme tu le vois, passé ma?tre dans le métier.
--Mais ce fer ne peut être solide.
--Examine-le.?
éloi prit le fer et l'examina; il n'y vit aucun défaut.
?Allons, dit-il, je n'y comprends plus rien, mais sais-tu ferrer la bête?
--Donne-moi un cheval.?
éloi appela un charretier du voisinage qui amena son cheval, et le voulut, comme c'est la coutume, placer au travail, c'est-à-dire dans l'appareil de bois qui retient le cheval pendant qu'on le ferre.
?A quoi bon? dit le jeune maréchal.
--Comment! à quoi bon? mais l'animal ne se laissera pas faire sans cela.
--Je sais le moyen de le ferrer proprement et promptement.?
éloi, au comble de l'étonnement, ne savait que dire; son rival s'approcha de la bête, lui prit la jambe gauche de derrière, la coupa d'un coup de couteau sans qu'aucune goutte de sang f?t versée, mit le pied coupé dans l'étau, y cloua le fer en une seconde, desserra le pied ferré, le rapprocha de la jambe, le recolla d'un souffle, fit la même opération pour la jambe droite, et la fit encore pour les deux jambes de devant. Tout cela en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.
?Tu vois, dit-il en finissant, que je m'en tire bien.
--Oui; mais je connaissais ce moyen-là; seulement....
--Seulement?
--Je préférais la méthode ordinaire.
--Tu avais tort,? ajouta en riant l'inconnu.
éloi ne pouvant se résoudre à s'avouer vaincu, dit à ce singulier maréchal de passage: ?Reste avec moi; je t'apprendrai quelque chose tout de même.?
L'autre consentit. éloi, l'ayant installé, l'envoya presque aussit?t dans un village voisin sous prétexte
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