l'enfant royal.
Chlother II, père de Dagobert, avait d'abord confié l'éducation de son fils à l'Austrasien Arnulph qui était le plus sage des hommes; mais Arnulph, élu évêque de Metz, se retira bient?t de la cour et alla dans son évêché où il vécut dans la pratique de toutes les vertus. L'église le vénère sous le nom de saint Arnould. Assurément, si Dagobert avait pu suivre jusqu'au bout les le?ons d'un tel ma?tre, il ne les aurait jamais oubliées; mais ce fut un très-méchant homme, nommé Sadragésile, qui fut choisi par Chlother pour succéder à Arnulph dans les fonctions de gouverneur du jeune prince. On avait réuni autour de Dagobert une dizaine d'enfants de son age, les uns fils de quelques officiers du roi, les autres simples petits bergers. Toute cette bande vivait en plein air, dans les cours du palais, qu'elle faisait retentir de ses cris et de ses jeux bruyants. Dagobert s'était lié plus particulièrement avec les petits bergers, qui le respectaient par crainte de son grand pied, et il les employait à battre leurs camarades lorsque ceux-ci s'avisaient de lui déplaire.
En ce temps-là on était beaucoup moins savant qu'aujourd'hui. Les le?ons que re?ut Dagobert se réduisirent donc à fort peu de chose; il apprit seulement à chanter au lutrin, à lire ses prières, à écrire un peu et à compter à la romaine; mais, quoiqu'il ne f?t ni docile ni laborieux, il se faisait remarquer par une intelligence vive et claire. Pour ce qui est des exercices du corps, aucun de ses jeunes compagnons n'avait plus d'agilité et plus de force. Il montait à cheval dès l'age de quatre ans; à sept ans, il chassait seul; à dix ans, d'un coup d'épieu il tuait net un sanglier. Son embonpoint précoce ne l'empêchait nullement de courir, de sauter les fossés, de monter dans les arbres.
Quand il se promenait dans les villages qui entouraient les métairies royales, il s'arrêtait où bon lui semblait et vivait sans fa?on sous le toit de chaume du paysan; mais il ne fallait pas que les gens, le voyant si familier, s'oubliassent et lui manquassent de respect. Il se faisait, dans ce cas, prompte justice.
Un jour qu'il avait tendu un piége à un loup et pris la bête, passa par là un grand vaurien qui, voyant la fosse et entendant le loup, voulut le tuer et l'emporter. Il ne savait pas que les trois petits chasseurs qui étaient là étaient Dagobert et deux de ses amis, et, quand il les aurait connus, il ne pensait pas que trois enfants de cet age pussent l'empêcher d'en faire à sa tête. ?Je te défends d'y toucher,? dit Dagobert dès qu'il vit quelle était son intention. ?Tiens! le beau donneur d'ordres!? répondit le grand rustre. ?Si tu y touches, tu auras affaire à moi.--Voilà qui m'effraye! Est-ce que tes camarades n'ont rien, non plus, à me dire?--Vois ce que tu veux faire.?
[Illustration]
Le rustre allait tuer le loup; mais Dagobert, prenant sa petite hache de chasse qui était cachée dans l'herbe, s'élan?a sur lui et lui porta un coup qui le fit tomber. On accourut aux cris, on reconnut Dagobert, et on fut étonné de voir quel homme il avait mis à la raison. C'était l'un des plus redoutés coureurs de bois, un voleur de grands chemins, que l'on cherchait depuis tant?t un an, et une récompense considérable avait été promise à celui qui parviendrait à se saisir de lui. Dagobert re?ut la récompense et fut grandement loué par le roi Chlother.
D'autres fois on le voyait couché sur le fumier avec les poules, prenant dans sa main les petits poulets, leur donnant du grain, du pain trempé, et, lorsqu'ils piaulaient trop, les pla?ant dans sa robe. C'était alors le plus doux et le plus gai des enfants.
Cependant Sadragésile ne l'aimait pas: il disait que sa douceur était de la paresse et sa valeur de la férocité.
III
Commencement de l'histoire du grand saint éloi.
Avec le temps, Dagobert grandissait et se fortifiait; mais laissons-le grandir, et, sans raconter minutieusement tous les détails de son adolescence, parlons tout de suite de saint éloi qui arriva vers cette époque à la cour du roi Chlother II et qui devait jouer un si grand r?le sous le règne de son fils.
Eligius (c'est le nom en latin de messire éloi) était un petit paysan du Limousin, né à Cadaillac, à ce qu'on croit, un enfant de la vieille Gaule, plein d'esprit et en même temps d'une fort belle humeur. Sa gentillesse l'avait fait prendre en amitié par un orfévre de Limoges qui l'instruisit dans son métier et lui fit faire des progrès si rapides qu'en peu de temps il n'eut plus rien à lui apprendre.
Ce qui prouve qu'il y a ressource à tout mal et que tel qui a commencé par être d'un naturel présomptueux s'amende
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