Kho? à Erzeroum, et sa guitare faisait presque autant de miracles que son cimeterre.
Mais qu'était-ce donc que Kourroglou? C'était bien plus qu'un po?te, bien plus qu'un barde, bien plus qu'un lettré, bien plus qu'un pontife, bien plus qu'un roi, bien plus qu'un philosophe. Il était ce qu'il y a de plus grand... en Perse: il était bandit. Quand vous aurez fait connaissance avec lui, vous verrez que ce n'est pas peu de chose; mais vous conviendrez qu'à moins d'être Kourroglou, il ne faut pas s'en mêler.
Kourroglou était (c'est M. Alexandre Chodzko qui parle) ?un Turkman-Tuka, natif du Khorassan septentrional. Il a vécu dans la seconde moitié du XVIIe siècle; il a rendu son nom illustre en pillant les caravanes sur la grande route; mais ses improvisations poétiques l'ont fait plus grand encore. Les Turcs Iliotes, tribus errantes transplantées à différentes époques du centre de l'Asie aux vastes paturages qui s'étendent de l'Euphrate à la Méro?, ont religieusement conservé ses chants et la mémoire de ses actions. Il est leur guerrier modèle et leur barde national dans toute l'étendue du terme. On montre encore aujourd'hui les ruines de la forteresse de Chamly-Bill, batie par Kourroglou dans la délicieuse vallée de Salmas, un district de la province d'Aderba?djan. Encore aujourd'hui on manque rarement de réciter dans une fête les chants d'amour de Kourroglou. Durant les querelles intestines et les combats que livrent les Iliotes, pour leur indépendance, aux Persans, leurs ma?tres, quand les deux armées ennemies sont au moment d'engager la bataille, ils s'animent les uns les autres, et défient l'ennemi: les Perses en chantant des passages du schah-nama de leur Ferdausy, les Iliotes en hurlant les chants de guerre de leur Kourroglou. Sous les fenêtres du palais du schah, lorsque les trompettes et les tambours du nekhara-khana (la garde d'honneur) saluent le soleil levant, les musiciens ont coutume du jouer l'air guerrier de Kourroglou, celui qui a servi de thème à ses poésies lyriques, et sur lequel il improvisait ordinairement.?
M, Chodzko établit un parallèle entre Ferdausy et Kourroglou. Il ne met point en balance la valeur littéraire de ces deux po?tes; l'un écrivant une magnifique épopée en langue arabe, achevant son oeuvre avec soin au milieu des délices d'une cour; l'autre improvisant au milieu des déserts, et dans un dialecte sauvage, des strophes énergiques, mais décousues et farouches comme sa vie, son caractère et ses compagnons d'armes. Cependant M. Chodzko s'étonne avec raison que le plus renommé et le plus populaire des deux (dans une plus vaste étendue de pays, ou du moins chez des admirateurs plus passionnés et plus nombreux), le bandit-ménestrel Kourroglou, soit resté jusqu'à ce jour inconnu aux Européens. C'est après un séjour de onze ans dans ces contrées, après avoir interrogé et écouté attentivement les rapsodes et les bardes qui passent leur vie à raconter et à chanter au peuple les exploits et les poésies de Kourroglou, qu'il est parvenu à écrire la vie épique, et à transcrire fidèlement les hymnes de ce héros barbare. Les versions les plus exactes, les récits les plus poétiques et les plus complets, il les a trouvés, dit-il, dans la dernière classe du peuple; la où le souvenir fanatique et l'amour enthousiaste de cette nature de faits et de ce genre de poésie avaient d? nécessairement pénétrer et se graver davantage. La nouveauté d'un tel personnage, l'intérêt de ses aventures, et surtout la peinture énergique dos moeurs et du caractère des tribus nomades dont Kourroglou est le type, et aux yeux desquelles il est un type idéal, ont paru assez importants aux orientalistes de Londres pour que le comité de _l'Oriental translation fund_ de la Grande-Bretagne et de l'Irlande ait fait imprimer et publier, à ses frais, les aventures de Kourroglou. Cette épopée, jointe aux chants des peuples qui habitent les rives de la mer Caspienne (chants populaires des Kalmouks, des Tatars d'Astrakan, des Perso-Turks, des Turckmans, des Ghilanis, des Highlanders Rudbars, des Taulishs et des Mazenderams), forment un beau volume sous ce titre: Specimens of the popular poetry of Persia. ?As found in the adventures and improvisations of Kourroglou the bandit menestrel of northern Persia: and in the songs of the people inhabiting the shores of the Caspian sea. Orally collected and translated with philological and historical notes, by Alexander Chodzko, esq.?
Cette publication n'est pas, en effet, importante au seul point de vue de l'amusement et de l'intérêt épique; ce n'est pas seulement un héros de l'Arioste que la Perse nous révèle, c'est toute une histoire de moeurs, c'est tout un génie national que Kourroglou. C'est le nomade dans toute sa poésie plaisante et terrible, c'est le guerrier asiatique dans toute son exagération fanfaronne, c'est le brigand de la Perse dans toute sa ruse, dans toute sa férocité et dans toute son audace. Kourroglou est cruel, ivrogne, glouton, libertin; c'est
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