Keraban Le Tetu, vol 2 | Page 2

Jules Verne
ces mots: ?Ch��re Amasia? Il lui racontait toutes les p��rip��ties du voyage, quel incident venait de se produire �� Poti, pourquoi il avait ��t�� s��par�� de son oncle, comment il comptait le retrouver. Il ajoutait que le retour ne serait en rien retard�� par cette aventure, qu'il saurait bien faire marcher b��tes et gens en se tenant dans la moyenne du temps et du parcours qui lui restaient encore. Donc, instante recommandation de se trouver avec son p��re et Nedjeb �� la villa de Scutari pour la date fix��e, et m��me un peu avant, de mani��re �� ne point manquer au rendez-vous.
Cette lettre, �� laquelle se m��laient les plus tendres compliments pour la jeune fille, le paquebot, qui fait un service r��gulier de Poti �� Odessa, devait l'emporter le lendemain. Donc, avant quarante-huit heures, elle serait arriv��e �� destination, ouverte, lue jusqu'entre les lignes, et peut-��tre press��e sur un coeur dont Ahmet croyait bien entendre les battements �� l'autre bout de la mer Noire. Le fait est que les deux fianc��s se trouvaient alors au plus loin l'un de l'autre, c'est-��-dire aux deux extr��mit��s du grand axe d'une ellipse dont l'intraitable obstination de son oncle obligeait Ahmet �� suivre la courbe!
Et tandis qu'il ��crivait ainsi pour rassurer, pour consoler Amasia, que faisait Van Mitten?
Van Mitten, apr��s avoir d?n�� �� l'h?tel, se promenait en curieux dans les rues de Poti, sous les arbres du Jardin Central, le long des quais du port et d��s jet��es, dont la construction s'achevait alors. Mais il ��tait seul. Bruno, cette fois, ne l'avait point accompagn��.
Et pourquoi Bruno ne marchait-il pas aupr��s de son ma?tre, quitte �� lui faire de respectueuses mais justes observations sur les complications du pr��sent et les menaces de l'avenir?
C'est que Bruno avait eu une id��e. S'il n'y avait �� Poti ni berline ni chaise de poste, il s'y trouverait peut-��tre une balance. Or, pour ce Hollandais amaigri, c'��tait l�� ou jamais l'occasion de se peser, de constater le chiffre de son poids actuel compar�� au chiffre de son poids primitif.
Bruno avait donc quitt�� l'h?tel, ayant eu soin d'emporter, sans en rien dire, le guide de son ma?tre, qui devait lui donner en livres bataves l'��valuation des mesures russes dont il ne connaissait pas la valeur.
Sur les quais d'un port o�� la douane exerce son office, il y a toujours quelques-unes de ces larges balances, sur les plateaux desquelles un homme peut se peser �� l'aise.
Bruno ne fut donc point embarrass�� �� ce sujet. Moyennant quelques kopeks, les pr��pos��s se pr��t��rent �� sa fantaisie. On mit un poids respectable sur un des plateaux d'une balance, et Bruno, non sans quelque secr��te inqui��tude, monta sur l'autre. A son grand d��plaisir, le plateau qui supportait le poids, resta adh��rent au sol. Bruno, quelque effort qu'il fit pour s'alourdir,--peut-��tre croyait-il qu'il y r��ussirait en se gonflant,--ne parvint m��me pas �� l'enlever.
?Diable! dit-il, voil�� ce que je craignais!?
Un poids un peu moins fort fut pos�� sur le plateau �� la place du premier.... Le plateau ne bougea pas davantage.
?Est-il possible!? s'��cria Bruno, qui sentit tout son sang lui refluer au coeur.
En ce moment, son regard s'arr��ta sur une bonne figure, toute empreinte de bienveillance �� son ��gard.
?Mon ma?tre!? s'��cria-t-il.
C'��tait Van Mitten, en effet, que les hasards de sa promenade venaient de conduire sur le quai, pr��cis��ment �� l'endroit o�� les pr��pos��s op��raient pour le compte de son serviteur.
?Mon ma?tre, r��p��ta Bruno, vous ici?
--Moi-m��me, r��pondit Van Mitten. Je vois avec plaisir que tu es en train de....
--De me peser ... oui!
--Le r��sultat de cette operation, c'est que je ne sais pas s'il existe des poids assez faibles pour indiquer ce que je p��se �� l'heure qu'il est.?
Et Bruno fit cette r��ponse avec une si douloureuse expression de physionomie que le reproche alla jusqu'au coeur de Van Mitten.
?Quoi! dit celui-ci, depuis que nous sommes partis, tu aurais maigri �� ce point, mon pauvre Bruno?
--Vous allez en juger, mon ma?tre.?
En effet, on venait de placer, dans le plateau de la balance, un troisi��me poids tr��s inf��rieur aux deux autres.
Cette fois, Bruno le souleva peu a peu,--ce qui mit les deux plateaux en ��quilibre sur une m��me ligne horizontale.
?Enfin! dit Bruno, mais quel est ce poids?
--Oui! quel est ce poids?? r��pondit Van Mitten. Cela faisait tout juste, en mesures russes, quatre pounds, pas un de plus, pas un de moins.
Aussit?t Van Mitten de prendre le guide que lui tendait Bruno et de se reporter �� la table de comparaison entre les diverses mesures des deux pays.
?Eh bien, mon ma?tre? demanda Bruno, en proie �� une curiosit�� m��l��e d'une certaine angoisse, que vaut le pound russe?
--Environ seize ponds et demi de Hollande, r��pondit Van Mitten, apr��s un petit calcul mental.
--Ce qui fait?...
--Ce qui fait exactement soixante-quinze ponds et demi, ou cent cinquante et une livres.?
Bruno poussa un cri de d��sespoir, et,
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