France une
monstrueuse génération de métis dont il y ait eu à prendre note. En
Italie, pendant une longue occupation étrangère, la fierté, le point
d'honneur patriotique n'ont permis avec l'ennemi que des alliances rares
et réputées odieuses. Nos courtisanes elles-mêmes y regarderont à deux
fois avant de se faire prussiennes, et d'ailleurs la bonne nature, qui est
logique, ne permet pas aux courtisanes d'être fécondes.
Ce n'est donc pas de là que viendra le renouvellement. Il viendra de
plus haut, et la famille teutonne sera plus modifiée que la nôtre par ce
contact violent que la paix, belle ou laide, rendra plus durable que la
guerre. Quel est le caractère distinctif de ces races? La nôtre n'a pas
assez d'ordre dans ses affaires, l'autre en a trop. Nous voulons penser et
agir à la fois, nous aspirons à l'état normal de la virilité humaine, qui
serait de vouloir et pouvoir simultanément. Nous n'y sommes point
arrivés, et les Allemands nous surprennent dans un de ces paroxysmes
où la fièvre de l'action tourne au délire, par conséquent à l'impuissance.
Ils arrivent froids et durs comme une tempête de neige, implacables
dans leur parti pris, féroces au besoin, quoique les plus doux du monde
dans l'habitude de la vie. Ils ne pensent pas du tout, ce n'est pas le
moment; la réflexion, la pitié, le remords, les attendent au foyer. En
marche, ils sont machines de guerre inconscientes et terribles. Cette
guerre-ci particulièrement est brutale, sans âme, sans discernement,
sans entrailles. C'est un échange de projectiles plus ou moins nombreux,
ayant plus ou moins de portée, qui paralyse la valeur individuelle, rend
nulles la conscience et la volonté du soldat. Plus de héros, tout est
mitraille. Ne demandez pas où sera la gloire des armes, dites où sera
leur force, ni qui a le plus de courage; il s'agit bien de cela! demandez
qui a le plus de boulets.
C'est ainsi que la civilisation a entendu sa puissance en Allemagne. Ce
peuple positif a supprimé jusqu'à nouvel ordre la chimère de l'humanité.
Il a consacré dix ans à fondre des canons. Il est chez nous, il nous foule,
il nous ruine, il nous décime. Nous contemplons avec stupeur sa
splendeur mécanique, sa discipline d'automates savamment disposés.
C'est un exemple pour nous, nous en profiterons; nous prendrons des
notions d'ordre et d'ensemble. Nous aurons épuisé les efforts
désordonnés, les fantaisies périlleuses, les dissensions où chacun veut
être tout. Une cruelle expérience nous mûrira; c'est ainsi que
l'Allemagne nous fera faire un pas en avant. Dussions-nous être vaincus
par elle en apparence, nous resterons le peuple initiateur qui reçoit une
leçon et ne la subit pas. Ce refroidissement qu'elle doit apporter à nos
passions trop vives ne sera donc pas une modification de notre
tempérament, un abaissement de chaleur naturelle comme l'entendrait
une physiologie purement matérialiste; ce sera un accroissement de nos
facultés de réflexion et de compréhension. Nous reconnaîtrons qu'il y a
chez ce peuple un stoïcisme de volonté qui nous manque, une
persistance de caractère, une patience, un savoir étendu à tout, une
décision sans réplique, une vertu étrange jusque dans le mal qu'il croit
devoir commettre. Si nous gardons contre lui un ressentiment politique
amer, notre raison lui rendra justice à un point de vue plus élevé.
Quant à lui, en cet instant, sans doute, il s'arroge le droit de nous
mépriser. Il ne se dit pas qu'en frappant nos paysans de terreur il est le
criminel instigateur des lâchetés et des trahisons. Il dédaigne ce paysan
qui ne sait pas lire, qui ne sait rien, qui a puisé dans le catholicisme tout
ce qui tendait à l'abrutir par la fausse interprétation du christianisme.
L'Allemand, à l'heure qu'il est, raille le désordre, l'incurie, la pénurie de
moyens où l'empire a laissé la France. Il nous traite comme une nation
déchue, méritant ses revers, faite pour ramper, bonne à détruire; mais
les Allemands ne sont pas tous aveuglés par l'abus de la force. Il y a des
nuances de pays et de caractère dans cette armée d'invasion. Il y a des
officiers instruits, des savants, des hommes distingués, des bourgeois
jadis paisibles et humains, des ouvriers et des paysans honnêtes chez
eux, épris de musique et de rêverie. Ce million d'hommes que
l'Allemagne a vomi sur nous ne peut pas être la horde sauvage des
innombrables légions d'Attila. C'est une nation différente de nous, mais
éclairée comme nous par la civilisation et notre égale devant Dieu. Ce
qu'elle voit chez nous, beaucoup le comprendront, et l'ivresse de la
guerre fera place un jour à de profondes réflexions. Il me semble que
j'entends un groupe d'étudiants de ce docte pays s'entretenir en liberté
dans un coin de nos mornes campagnes. Des gens de Boussac qui ont
l'imagination vive prétendaient ces jours-ci avoir vu trois
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