Journal dun voyageur pendant la guerre | Page 7

George Sand
courtisanes d'��tre f��condes.
Ce n'est donc pas de l�� que viendra le renouvellement. Il viendra de plus haut, et la famille teutonne sera plus modifi��e que la n?tre par ce contact violent que la paix, belle ou laide, rendra plus durable que la guerre. Quel est le caract��re distinctif de ces races? La n?tre n'a pas assez d'ordre dans ses affaires, l'autre en a trop. Nous voulons penser et agir �� la fois, nous aspirons �� l'��tat normal de la virilit�� humaine, qui serait de vouloir et pouvoir simultan��ment. Nous n'y sommes point arriv��s, et les Allemands nous surprennent dans un de ces paroxysmes o�� la fi��vre de l'action tourne au d��lire, par cons��quent �� l'impuissance. Ils arrivent froids et durs comme une temp��te de neige, implacables dans leur parti pris, f��roces au besoin, quoique les plus doux du monde dans l'habitude de la vie. Ils ne pensent pas du tout, ce n'est pas le moment; la r��flexion, la piti��, le remords, les attendent au foyer. En marche, ils sont machines de guerre inconscientes et terribles. Cette guerre-ci particuli��rement est brutale, sans ame, sans discernement, sans entrailles. C'est un ��change de projectiles plus ou moins nombreux, ayant plus ou moins de port��e, qui paralyse la valeur individuelle, rend nulles la conscience et la volont�� du soldat. Plus de h��ros, tout est mitraille. Ne demandez pas o�� sera la gloire des armes, dites o�� sera leur force, ni qui a le plus de courage; il s'agit bien de cela! demandez qui a le plus de boulets.
C'est ainsi que la civilisation a entendu sa puissance en Allemagne. Ce peuple positif a supprim�� jusqu'�� nouvel ordre la chim��re de l'humanit��. Il a consacr�� dix ans �� fondre des canons. Il est chez nous, il nous foule, il nous ruine, il nous d��cime. Nous contemplons avec stupeur sa splendeur m��canique, sa discipline d'automates savamment dispos��s. C'est un exemple pour nous, nous en profiterons; nous prendrons des notions d'ordre et d'ensemble. Nous aurons ��puis�� les efforts d��sordonn��s, les fantaisies p��rilleuses, les dissensions o�� chacun veut ��tre tout. Une cruelle exp��rience nous m?rira; c'est ainsi que l'Allemagne nous fera faire un pas en avant. Dussions-nous ��tre vaincus par elle en apparence, nous resterons le peuple initiateur qui re?oit une le?on et ne la subit pas. Ce refroidissement qu'elle doit apporter �� nos passions trop vives ne sera donc pas une modification de notre temp��rament, un abaissement de chaleur naturelle comme l'entendrait une physiologie purement mat��rialiste; ce sera un accroissement de nos facult��s de r��flexion et de compr��hension. Nous reconna?trons qu'il y a chez ce peuple un sto?cisme de volont�� qui nous manque, une persistance de caract��re, une patience, un savoir ��tendu �� tout, une d��cision sans r��plique, une vertu ��trange jusque dans le mal qu'il croit devoir commettre. Si nous gardons contre lui un ressentiment politique amer, notre raison lui rendra justice �� un point de vue plus ��lev��.
Quant �� lui, en cet instant, sans doute, il s'arroge le droit de nous m��priser. Il ne se dit pas qu'en frappant nos paysans de terreur il est le criminel instigateur des lachet��s et des trahisons. Il d��daigne ce paysan qui ne sait pas lire, qui ne sait rien, qui a puis�� dans le catholicisme tout ce qui tendait �� l'abrutir par la fausse interpr��tation du christianisme. L'Allemand, �� l'heure qu'il est, raille le d��sordre, l'incurie, la p��nurie de moyens o�� l'empire a laiss�� la France. Il nous traite comme une nation d��chue, m��ritant ses revers, faite pour ramper, bonne �� d��truire; mais les Allemands ne sont pas tous aveugl��s par l'abus de la force. Il y a des nuances de pays et de caract��re dans cette arm��e d'invasion. Il y a des officiers instruits, des savants, des hommes distingu��s, des bourgeois jadis paisibles et humains, des ouvriers et des paysans honn��tes chez eux, ��pris de musique et de r��verie. Ce million d'hommes que l'Allemagne a vomi sur nous ne peut pas ��tre la horde sauvage des innombrables l��gions d'Attila. C'est une nation diff��rente de nous, mais ��clair��e comme nous par la civilisation et notre ��gale devant Dieu. Ce qu'elle voit chez nous, beaucoup le comprendront, et l'ivresse de la guerre fera place un jour �� de profondes r��flexions. Il me semble que j'entends un groupe d'��tudiants de ce docte pays s'entretenir en libert�� dans un coin de nos mornes campagnes. Des gens de Boussac qui ont l'imagination vive pr��tendaient ces jours-ci avoir vu trois Prussiens, le casque en t��te, assis au clair de la lune, sur les pierres jaumatres, ces blocs ��normes qui surmontent le vaste cromlech du mont Barlot.
Ils ont pu les voir! Leurs ames effar��es ont vu trois ames pensives que la r��verie faisait flotter sur les monuments druidiques de la vieille Gaule, et qui devisaient entre elles de l'avenir et du pass��. Qui sait le
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 65
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.