frais de guerre, tous ces paysans vont dire que l'��tat n'a pas le droit! Quelle r��sistance je pr��vois, quelles col��res, quels d��sespoirs au bout d'une ann��e st��rile! Comment organiser une nation o�� le paysan ne comprend pas et domine la situation par le nombre?
25 septembre.
S... veut nous arracher �� la tristesse; il nous fait voir le pays. La r��gion qui entoure Saint-Loup n'est pas belle: les arbres, tr��s-nombreux, sont moiti�� plus petits et plus maigres que ceux du Berri, d��j�� plus petits de moiti�� que ceux de la Normandie. Ainsi on pourrait dire que la Creuse ne produit que des quarts d'arbres. Elle se rach��te au point de vue du rapport par la quantit��, et on appelle le territoire o�� nous sommes la Limagne de la Marche. Triste Limagne, sans grandeur et sans charme, manquant de belles masses et d'accidents heureux; mais au del�� de ce plateau sans profondeur de terre v��g��tale, les arbres s'espacent et se groupent, des versants s'accusent, et dans les creux la v��g��tation trouve pied. Les belles collines de Boussac, cr��nel��es de puissantes pierres druidiques, reparaissent pour encadrer la partie ouest. A l'est, les hauteurs de Chambon font rebord �� la vaste cuve fertile, coup��e encore de quelques landes r��tives et sem��e, au fond, de vastes ��tangs, aujourd'hui dess��ch��s en partie et remplis de sables blancs bord��s de joncs d'un vert sombre. Un seul de ces ��tangs a encore assez d'eau pour ressembler �� un lac. Le soleil couchant y plonge comme dans un miroir ardent. Ma petite-fille Aurore, qui n'a jamais vu tant d'eau �� la fois, croit qu'elle voit la mer, et le contemple en silence tant qu'elle peut l'apercevoir �� travers les buissons du chemin.
L'abbaye de Beaulieu est situ��e dans une gorge, au bord de la Tarde, qui y dessine les bords d'un vallon charmant. L�� il y a des arbres qui sont presque des arbres. Cette enceinte de fra?ches prairies et de plantations d��j�� anciennes, car elles datent du si��cle dernier, a conserv�� de l'herbe et du feuillage �� discr��tion. Le ravin lui fait une barri��re ��troite, mais bien mouvement��e, couverte de bois �� pic et de rochers rev��tus de plantes. Ce serait l��, au printemps, un jardin naturel pour la botanique; mais je ne vois plus rien qu'un ensemble, et on dit encore autour de moi:
Les Prussiens ne s'aviseront pas de venir ici!
--Toujours l'ennemi, le fl��au devant les yeux! Il se met en travers de tout; c'est en vain que la terre est belle et que le ciel sourit. Le destructeur approche, les temps sont venus. Une terreur apocalyptique plane sur l'homme, et la nature s'efface.
On organise la d��fense; s'ils nous en laissent le temps, la peur fera place �� la col��re. Ceux qui raisonnent ne sont pas effray��s du fait, et j'avoue que la bourrasque de l'invasion ne me pr��occupe pas plus pour mon compte que le nuage qui monte �� l'horizon dans un jour d'��t��. Il apporte peut-��tre la destruction aussi, la gr��le qui d��vaste, la foudre qui tue; le nuage est m��me plus redoutable qu'une arm��e ennemie, car nul ne peut le conjurer et r��pondre par une artillerie terrestre �� l'artillerie c��leste. Pourtant notre vie se passe �� voir passer les nuages qui menacent; ils ne cr��vent pas tous sur nos t��tes, et l'on se soucie m��diocrement du mal in��vitable. La vie de l'homme est ainsi faite qu'elle est une acceptation perp��tuelle de la mort; oubli inconscient ou r��signation philosophique, l'homme jouit d'un bien qu'il ne poss��de pas et dont aucun bail ne lui assure la dur��e. Que l'orage de mort passe donc! qu'il nous emporte plusieurs ou beaucoup �� la fois! Y songer, s'en alarmer sans cesse, c'est mourir d'avance, c'est le suicide par anticipation.
Mais la tristesse que l'on sent est plus p��nible que la peur. Cette tristesse, c'est la contagion de celle des autres. On les voit s'agiter diversement dans un monde pr��s de finir, sans arriver �� la reconstruction d'un monde nouveau. On m'��crit de divers lieux et de divers points de vue:
?Nous assistons �� l'agonie des races latines!?
Ne faudrait-il pas dire plut?t que nous touchons �� leur renouvellement?
Quelques-uns disent m��me que la transmission d'un nouveau sang dans la race vaincue modifiera en bien ou en mal nos instincts, nos temp��raments, nos tendances. Je ne crois pas �� cette fusion physique des races. La guerre n'am��ne pas de sympathie entre le vainqueur et le vaincu. La brutalit�� cosaque n'a pas implant�� en France une monstrueuse g��n��ration de m��tis dont il y ait eu �� prendre note. En Italie, pendant une longue occupation ��trang��re, la fiert��, le point d'honneur patriotique n'ont permis avec l'ennemi que des alliances rares et r��put��es odieuses. Nos courtisanes elles-m��mes y regarderont �� deux fois avant de se faire prussiennes, et d'ailleurs la bonne nature, qui est logique, ne permet pas aux
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