se reprochant comme un crime d'avoir v��cu une heure de trop!
La chaleur est ��crasante, la s��cheresse va recommencer; elle n'a pas cess�� ici, dans ce pays granitique, litt��ralement cuit. Nous couchons dans une petite auberge tr��s-propre; abondance de plats fortement ��pic��s, pas d'eau potable. Le pays est admirable quand m��me. La couleur est morte sur les arbres, mais les belles formes et les beaux tons des masses rocheuses bravent le manque de parure v��g��tale. Les bestiaux ��pars, cherchant quelques brins d'herbe sous la foug��re, ont un grand air de tristesse et d'ennui; leurs robes sont ternes, tandis que les flancs d��nud��s des collines brillent au soleil couchant comme du m��tal en fusion. Le soleil baisse encore, tout s'illumine, et les vastes br?lis de bruy��re forment �� l'horizon des zones de feu v��ritable qu'on ne distingue plus de l'embrasement g��n��ral que par un ton cerise plus clair. Sommes-nous en Afrique ou au coeur de la France? H��las! c'est l'enfer avec ses splendeurs effrayantes o�� l'ame navr��e des souvenirs de la terre fait surgir les visions de guerre et d'incendie. Ailleurs on br?le tout de bon les villages, on tue les hommes, on emm��ne les troupeaux. Et ce n'est pas loin, ce qu'on ne voit pas encore! Ce magnifique coucher de soleil, c'est peut-��tre la France qui br?le �� l'horizon!
Saint-Loup (Creuse), 21 septembre.
Le Puy-de-D?me et la fi��re dentelure des volcans d'Auvergne se sont d��coup��s tant?t dans le ciel au del�� du plateau que nous traversions, premier ��chelon du massif central de la France. Quelle placidit�� dans cette lointaine apparition des sommets d��serts! Voil�� le rempart naturel qu'au besoin la France opposerait �� l'invasion; qu'il est majestueux sous son voile de brume ros��e! Les plaines immenses qui s'��chelonnent jusqu'�� la base semblent le contempler dans un muet recueillement.
Ici tout est calme, encore plus qu'aux bords de l'Indre. Les gens sont pourtant plus actifs et plus industrieux; ils ont plus de routes et de commerce, mais ils sont plus sobres et plus graves. Le paysan vit de chataignes et de cidre, il sait se passer de pain et de vin; sa vache et son boeuf ne sont pas plus difficiles que son ane. Ils mangent ce qu'ils trouvent, et sont moins ��prouv��s par la s��cheresse que nos b��tes habitu��es �� la grasse prairie. Ce pays-ci n'attirera pas la convoitise de l'��tranger. La nature lui sera rev��che, si l'habitant ne lui est pas hostile.
Nous voici chez d'adorables amis, dans une vieille maison tr��s-commode et tr��s-propre, aussi bien, aussi heureux qu'on peut l'��tre par ces temps maudits. L'air est sain et vif, le soleil a tout d��vor��, et le danger de famine est bien plus effrayant encore que chez nous. Ils n'ont pas eu d'orage, pas une goutte d'eau depuis six mois! Deux beaux petits gar?ons jouent au soleil, sous de pauvres acacias d��nud��s, avec nos deux petites filles, charm��es du changement de place, un petit ane d'un bon caract��re, et un gros chien qui flaire les nouveau-venus d'un air nonchalant. Les enfants rient et gambadent, c'est un heureux petit monde �� part qui ne s'inqui��te et ne s'attriste de rien. Au commencement de la guerre, nous ne voulions pas qu'on en parlat devant nos filles; nous avions peur qu'elles n'eussent peur. Nous les retrouvons d��j�� acclimat��es �� cette atmosph��re de d��solation; elles ont voyag��, elles ont fait une vingtaine de lieues; elles parlent bataille, elles jouent aux Prussiens avec ces gar?ons, qui se font des fusils avec des tiges de roseau. C'est un jeu nouveau, une fiction, cela n'est pas arriv��, cela n'arrivera pas. Les enfants d��cid��ment ne connaissent pas la peur du r��el.
22 septembre.
Chez nous, j'��tais physiquement tr��s-malade. ��tais-je sous l'influence de l'air empest�� du pauvre Nohant? Aujourd'hui je me sens gu��rie, mais le coeur ne reprend pas possession de lui-m��me. On avait nagu��re, dans la tranquillit�� de la vie retir��e et studieuse, cette petite joie int��rieure qui est comme le sentiment de l'��tat de sant�� de la conscience personnelle. Aujourd'hui il n'y a plus du tout de personnalit�� possible; le devoir accompli, toujours aim��, mais impuissant au del�� d'une ��troite limite, ne console plus de rien. Voici les temps de calamit�� sociale o�� tout ��tre bien organis�� sent fr��mir en soi les profondes racines de la solidarit�� humaine. Plus de chacun pour soi, plus de chacun chez soi! La communaut�� des int��r��ts ��clate. L'avare qui compte sa r��serve est effray�� de cette st��rile ressource qui s'��coulera sans se renouveler. Il est malheureux, irrit��; il voudrait ��gorger l'inconnu, la crise, tout ce qui tombera sous sa main. Il cherche un lieu s?r pour cacher sa bourse, non pas tant pour la d��rober �� l'Allemand, avec lequel il se r��signe �� transiger, que pour se dispenser de nourrir son voisin affam�� l'hiver prochain. Celui qui n'a pas la m��me pr��occupation personnelle est malheureux autrement, sa
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